Kalvin Kay

Je me pressai contre elle. Elle refermait la bouche pour me refuser tout baiser tandis que ses narines se dilataient de colère. Ce petit oiseau captif et fragile dissimulait, à l’image de sa chevelure, un tempérament de feu. Une force brute l’animait, elle irradiait de tout son être. Sa respiration faisait bouger sa poitrine que j’entrevoyais derrière le lacet de sa robe. Je caressai ses cheveux défaits afin qu’elle m’accepte, mais elle me repoussa en tournant vivement la tête. Mes doigts frôlèrent la peau fine de son cou, ce qui la fit aussitôt frémir. Elle se dégageait de mes bras et saisit le broc à sa portée pour me le lancer en pleine figure. Mes réflexes étaient encore bons car je l’esquivai sans difficulté. Son geste, si désespéré soit-il, ne fit que renforcer ma détermination. Ce pot de terre ne m'avait pas assommé mais son regard noir, lui, aurait pu me tuer.

Le coeur battant, je m’apprêtais à prononcer mes voeux à Angus lorsqu’un bruit sourd retentit. Tout à coup, des cris perçants agitèrent la foule. La peur me tenailla quand les gens s’écartèrent pour faire apparaître une troupe d’étrangers. Leurs accoutrements et les mots qu’ils scandaient n’appartenaient pas à notre peuple. Leurs chevelures claires et les boucliers décorés de grandes lignes laissaient peu de place au doute. Des Vikings nous attaquaient !

Runn se tourna vers moi et planta ses iris azurés dans les miens. Il avait ce pouvoir sur moi, de me déstabiliser d'un simple regard. Je le laissai attraper mes mains qu'il embrassa avec dévotion. Ce geste empreint d'amour et de douceur me bouleversa. C'était cette rage sourde qui le tenait, l'envie irrépressible de se battre pour tout ce en quoi il croyait qui faisait que j'en étais tombée éperdument amoureuse.

Avec la rage du désespoir, il prit possession de ma bouche, mêla sa langue à la mienne. Je me laissai aller à la fureur de son baiser, comme si une bourrasque m'emportait sur son passage. Ses doigts se perdant dans mes cheveux, il me considéra avec intensité.
— Tu es tellement belle.

Nous ne sommes plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre et sa beauté me frappe en plein cœur. Je ne touche plus terre, proche de l’apoplexie. Je ne sais plus si c’est de l’appréhension ou du désir, suspendue au moindre de ses gestes, je suis comme paralysée.

Je sais que tout ceci est difficile pour toi. J'ai dû renoncer moi aussi à une partie de ma vie. Parfois, je ne comprends pas l'intérêt d'être roi si on doit sacrifier ce que l'on désire vraiment.

Je ne comprenais rien à ce qu’il disait mais sa voix grave me fit frémir. Je détournai la tête, bien décidée à le braver. Il perdait son temps. Quoi qu’il fasse, je n’étais pas prête à obéir.

Je la détestais. Voilà qui allait lui servir de leçon. Je décidais des règles et personne ne pouvait les contester. Dans ma demeure, j'étais le seul maître. Cette femme n'avait rien à dire.

« C’était cette rage sourde qui le tenait, l’envie irrépressible de se battre pour tout ce en quoi il croyait qui faisait que j’en étais tombée éperdument amoureuse. »

Je plonge mon regard dans le sien, Agathe me sourit et je me sens comme un gamin à qui on vient de donner une sucette : fier et heureux.