Citations de Karen Thompson Walker (60)
Les médecins tombent comme des mouches.
Les médias ont tous abandonné le sujet des étudiants échappés en faveur d’un plus gros scoop : pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un cordon sanitaire interdit l’accès à une ville entière.
C’est ainsi que la maladie se transmet le mieux : par les mêmes canaux que la tendresse, l’amitié et l’amour.
Mais parmi les vestiges qui ne tomberont probablement jamais sous leur regard, parmi les matériaux qui se désintégreront bien avant l’arrivée d’une autre forme de vie, il y a un bout de trottoir dans une rue de Californie sur lequel, par un obscur après-midi d’été, peu de temps avant le premier anniversaire du ralentissement, deux adolescents s’étaient agenouillés. Nous avions plongé nos doigts dans le ciment frais et écrit les choses les plus sincères et les plus simples auxquelles nous ayons pu penser. Nos noms et la date, suivis de ces mots : « Nous étions là. »
Je suis toujours ébahie par l’étendue de notre ignorance d’alors.
Nous avions des fusées, des satellites et les nanotechnologies. Des bras et des mains robotisés, des engins qui arpentaient la surface de Mars. Nos véhicules aériens non pilotés, contrôlés à distance, pouvaient repérer des voix humaines à trois kilomètres. Nous savions recréer de la peau synthétique, cloner des brebis. Le cœur d’un mort pouvait pomper le sang d’un étranger. Nous avancions à pas de géant dans les domaines de l’amour et de la tristesse - nous disposions de médicaments pour stimuler le désir, pour dissiper le chagrin. Nous accomplissions toutes sortes de miracles : rendre la vue aux aveugles et l’ouïe aux sourds, faire apparaître des bébés dans les ventres de femmes infertiles. A l’époque du ralentissement, des chercheurs qui travaillaient sur des cellules souches étaient sur le point de guérir la paralysie - II y avait fort à parier que les paraplégiques auraient rapidement pu remarcher.
Et malgré tout, l’inconnu surpassait encore le connu. Nous n’avons jamais déterminé l’origine du ralentissement. La source de notre souffrance est restée, à tout jamais, mystérieuse.
Parfois, il suffisait d’une brise ou d’une odeur pour réveiller le passé.
On prétend que les humains ont à leur disposition des centaines de langages pour se comprendre les uns les autres, qu’ils peuvent déceler des messages dans les mouvements les plus infimes du corps, dans les expressions les plus fugaces d’un visage, pourtant, étonnamment, ce matin-là, j’avais communiqué avec une efficacité incroyable l’opposé de ce que je désirais le plus au monde.
Je regardais Seth regarder l’oiseau. Il n’était qu’à quelques centimètres de moi, pourtant il y avait un gouffre entre nous.
- Tu n’observeras pas les étoiles telles qu’elles sont aujourd’hui, mais telles qu’elles étaient il y a des millénaires, poursuivit-il. Tu vois, elles sont tellement loin qu’il faut des siècles pour que leur lumière nous atteigne.
(...)
J’aimais cette idée que le passé puisse être conservé, fossilisé dans les étoiles. Je voulais croire que quelque part, à l’autre bout du temps, à cent années-lumière d’ici, quelqu’un d’autre, une créature d’un futur lointain, pourrait voir une image de nous deux, mon père et moi, à cet instant précis.
- On n’a pas d’autre choix que celui de s’adapter. Il faut laisser la Terre nous guider.
-Sylvia
- Dans la vie, on n’a qu’une seule obligation : mourir, répondit Mme Pinsky, citant l’une de ses maximes préférées. Tout le reste relève du choix.
Cela dit, je suppose que le danger ne surgit jamais vraiment là où on l’attend. Les véritables cataclysmes relèvent toujours de l’imprévu, de l’impensable, de l’inconnu.
Aucun blessé. Aucun mort. Ce fut, au début, une tragédie invisible.
Et cela explique, il me semble, pourquoi j’éprouvai non de la peur mais de l’excitation. Un petit frisson, étincelle subite au cœur du quotidien, qui avait l’éclat de l’inattendu.
Toutefois, si la vitesse de rotation de la Terre continue à ralentir, poursuivait il, et il s'agit d'une pure spéculation, je dirais que nous pouvons nous attendre à des changements météorologiques radicaux. Nous verrons des tremblements de terre et des tsunamis. Et nous pourrions assister à l'extinction de quantité d'espèces végétales et animales. Les océans risquent également de se déplacer vers les pôles.
Rien n'est plus facile que de prendre ses désirs pour des réalités, un espoir pour un mensonge ou un monde meilleur pour le nôtre.
A chaque fois, des zones d'ombre apparaissent dans le travail d'enquête. Il y a une limite à ce que que l'on peut apprendre. Et ce vide n'attend qu'à être comblé par des conjonctures.
Caleb Ericksen, dix-huit ans, fils d'agriculteur, étudiant en Lettres, et désormais doté d'un nouveau trait distinctif... celui du premier somnambule à être déclaré à Santa Lora, Californie.
Les gens adorent la tragédie vue de loin (...)
On a le sentiment que la ville se vide, alors que personne ne va nulle part.
On dit qu’à l’époque de la reine Victoria, les gens redoutaient d’être enterrés vivants. Eh bien, l’inverse se produit à Santa Lora – Certains gisant morts sur leur lit de camp sont pris pour des vivants.