Le Salon dans tes oreilles - S1E24 - Cabaret P
Sept femmes du collectif Projet P lisent un extrait de leurs textes, dans lesquels elles racontent avec amour, humour, et un peu de douleur parfois, des histoires de pénis.
Avec:
Caroline Allard,
Fanie Demeule,
Karine Glorieux,
Ève Lemieux,
Corinne Larochelle,
Geneviève Lefebvre,
Silvia Galipeau,
Nancy B.-Pilon,
Véronique Marcotte, Animatrice
Guillaume Marchand, Musicien
Livre:
Projet P, collectif, QUÉBEC AMÉRIQUE
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/projet-p
Le Salon dans tes oreilles est un balado issu des entrevues, tables rondes, et cabarets enregistrés dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2020. Écoutez des auteurs, autrices et personnalités parler de livre, de lecture et d'écriture et échanger autour des cinq thématiques suivantes: le Féminisme, la Pluralité des voix, 2020, et après?, Récit et inspiration et Famille et enfance. Bonne écoute!
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Au fait, je tiens tout de suite à clarifier quelque chose. Vous vous dites peut-être : « Je sais où elle s’en va, cette histoire. On va apprendre que Viktor a eu des parents méchants, qu’il a beaucoup souffert et que, dans le fond, c’est un bon garçon. Lou et lui vont se détester un bout de temps, puis ils vont se rendre compte que finalement, s’ils se détestaient autant, c’est parce qu’ils étaient follement en amour dès le début. » Mais vous vous trompez. Com-plè-te-ment. Primo, cette idée que les gens qui tombent amoureux commencent par se détester, je n’ai jamais compris d’où ça venait. Sérieusement, pourquoi tu devrais détester quelque chose avant de l’aimer? Moi, la première fois que j’ai mangé un banana split, je n’ai pas eu à me demander : Hmmm, est-ce que j’aime vraiment ça? Ça a été un coup de foudre. Eh bien, je ne vois pas pourquoi l’amour fonctionnerait différemment avec un être humain qu’avec les banana splits. Tu aimes, tu n’aimes pas.
J'ai résisté à l'envie de donner un coup de pied sur son énorme fessier rouge. Mais l'intrigante avait atteint son but : elle venait de mettre une bonne dose d'engrais sur la petite graine du doute que je garde toujours en réserve pour les jours trop paisibles, graine qui allait croître pendant la journée comme un haricot magique.
Les relations sexuelles sont souvent décevantes, c’est normal. J'aurais aimé qu'on me dise, par contre, que le désir n'est pas négociable. Que l'éprouver est non seulement important, mais essentiel.
- Il s'appelle comment, ton chien ?
- Trois.
- Trois ?
Je n'ai rien trouvé d'autre à dire, mais Trois... C'était vraiment bizarre, comme nom. Un peu comme appeler un bébé avec un gros nez >, pour mettre l'accent sur ce qui ne marchait pas.
- Mais... Il a déjà eu quatre pattes ?
- Sûrement.
- Il s'appelait comment, dans ce temps-là ? Quatre ?
Elle a éclaté de rire.
C'était ridicule.
C'était absurde.
Ça n'avait absolument aucun sens.
Et pourtant.
C'était comme si... je ronronnais.
Comme un chat.
Miaou.
Impossible.
Elle était frêle, mais avait de très longues jambes, une volonté de fer et, si elle perdait l’avantage, n’hésitait pas à se ruer sur ses adversaires qui, à force, lui laissaient le champ libre, ce qui avait fini par la convaincre qu’elle possédait un super pouvoir la rendant invincible.
-Je m'en fais pas avec ça, a répondu mon père. Pis, je sais ce que c'est, avoir votre âge. C'est pas parce que vous en parlez pas que ça se produira pas bientôt. Lui, il attend juste ça.
Je fronce les sourcils.
-Pourquoi tu dis ça?
-Parce qu'un gars, c'est toujours prêt. On est fait de même, c'est comme ça. Ça va être à toi de mettre les limites, parce que lui, c'est sûr qu'à la seconde où tu vas lui entrouvrir la porte, il va sauter sur l'occasion à pieds joints. Maintenant, étudie, si tu veux pouvoir aller t'amuser tantôt!
[...]
-Qu'est-ce qui se passe, Fred?
Je l'ai entendu soupiré.
-C'est juste que...je suis plus sûr.
-Plus sûr de quoi?
Une éternité s'est écoulée et il a enfin lâché:
-Je sais pas si je veux qu'on fasse l'amour.
Elle qui s’était trouvée nulle, moche, qui avait traîné pendant des mois entre son lit, son ordinateur et sa machine à café, errant dans les brumes de la création, voilà qu’elle accédait enfin à sa place au soleil. Désormais, on la félicitait, on approuvait ses choix, on lui souriait, on ne s’inquiétait plus de son sort. Ses deux années qu’elle avait appelées de « ressourcement », expression ayant inquiété unanimement sa mère et sa sœur, avaient porté fruit. Elle s’était endettée, avait tout risqué pour un rêve fou auquel personne n’avait vraiment cru, mais elle faisait maintenant la couverture du Châtelaine. Elle disait : « Un pour cent de hasard, quatre-vingt-dix-neuf pour cent de défoulement » et on prenait des notes.
Pour faire oublier les défauts de l’œuvre, il faudrait mettre le paquet sur le merchandising : une quatrième de couverture punchée, une jaquette aux couleurs attrayantes, une photo sexy de Katia, qui permettrait facilement aux lectrices d’associer personnage et auteure – très vendeur, l’aspect vécu.
Elle ne s’était jamais droguée ni prostituée dans un ghetto berlinois à treize ans, n’avait pas fréquenté de vedettes et n’avait pas assez d’imagination pour rédiger sept livres sur une école de magiciens. À vrai dire, elle aimait écrire parce qu’elle ne savait rien faire de mieux.