AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Kate Mosse (224)


Alentour ce n'était que cris et bousculades. Se sentant défaillir, elle alla un instant s'adosser à un mur. À la porte de Rodez, les gardes accordaient le passage aux entrants d'un signe de tête muet, mais refusaient l'accès aux vagabonds, mendiants, Juifs et autres bohémiens sans qu'ils eussent préalablement justifié de leur venue. Ils fouillaient sans ménagement le baluchon de l'infortuné, jusqu'au moment où un flacon de vin ou une pièce de monnaie détournait leur zèle vers la prochaine victime.
Commenter  J’apprécie          10
Elle se rapprocha encore. L'on aurait dit tout d'abord qu'après s'être égaré dans l'obscurité, l'homme avait chu dans la rivière et s'était noyé. Elle tendit la main pour le toucher, mais l'étrange ballottement de la tête l'en dissuada. Elle inspira longuement, les yeux rivés sur le corps inerte. Elle avait déjà vu un noyé, un pêcheur. Gonflée et distendue, sa peau était de ce bleu pâle un peu mauve, propre aux ecchymoses en train de se résorber. Mais le cadavre qu'elle venait de découvrir était dans un tout autre état.
L'homme semblait avoir trépassé bien avant d'être tombé dans l'Aude. Ses bras étaient étendus devant lui comme s'il s'apprêtait à nager. Le gauche pivota lentement vers elle sous l'effet du courant. Affleurant à la surface, une marque luisante et colorée attirait l'attention, sorte de blessure à l'emplacement du pouce, irrégulière et rosâtre comme une tache de naissance. Le regard d'Alaïs remonta vers le cou.
Et ses jambes se dérobèrent sous elle.
Commenter  J’apprécie          10
Sa récolte d'angéliques achevée, Alaïs scruta l'alentour, au cas où s'y seraient trouvées d'autres plantes dont elle aurait l'usage. Non loin, en amont, elle aperçut des consoudes, reconnaissables à leurs feuilles épaisses et velues, et leur tige florilège aux clochettes roses et violettes. La consoude officinale était réputée favoriser la cicatrisation de la peau et la réduction des fractures. Repoussant son petit déjeuner à plus tard, Alaïs reprit ses outils et se remit à l'œuvre, ne cessant que lorsque son panièr fut plein, et qu'elle eut épuisé sa provision de bandelettes.
Son panier rapporté sur la berge, elle alla s'adosser à un arbre, jambes étirées. La douleur qu'elle ressentait aux mains, aux épaules et aux reins était anodine comparée au plaisir de l'ouvrage accompli.
Commenter  J’apprécie          10
Sans perdre un instant, Alaïs mouilla ses bandelettes, et les étendit sur la rive. Puis, munie de son déplantoir, elle s'attaqua aux racines d'une angélique. Peu après, la plante cédait avec un bruit de succion. Les tiges furent aussitôt tronçonnées à l'aide d'une hachette, les racines enveloppées dans un linge qu'elle déposa au fond de son panier, et des fleurs, à l'odeur si singulière, elle fit un tas soigneusement rangé dans un autre chiffon. Une fois débarrassée des coupes inutiles, elle recommença l'opération. En peu de temps, ses mains furent vertes de chlorophylle, et la vase ruisselait de ses avant-bras.
Commenter  J’apprécie          10
Elle contempla la voûte feuillue, et comme chaque fois qu'elle se rendait à la clairière, la proximité de la Cité la surprit. Dans ce décor abrupt se côtoyaient deux mondes opposés. Là-haut, dans les rues et les couloirs du Château comtal, tout n'était que bruit et agitation ; ici, au royaume des elfes, régnait une quiétude que rien ne venait troubler.
Ici, elle se sentait chez elle.
Alaïs retira ses chaussons de cuir. L'herbe mouillée de rosée, qui lui chatouillait les orteils et la plante des pieds, lui parut délicieusement fraîche. Dans ces moments de plaisir, ses pensées à propos de la Cité, ses préoccupations domestiques, toute contingence sociale ou familiale abandonnaient ses pensées.
Commenter  J’apprécie          10
Les parois vertigineuses du Château comtal culminaient au-dessus d'elle, dominées par la masse anguleuse et sévère de la Tour Pinte. Alaïs se demanda si son père était éveillé, et s'il avait rejoint le vicomte dans ses appartements. Levant la tête vers ce qui était aussi la tour de guet, elle chercha sa chambre du regard. Guilhem dormait-il encore ? À moins qu'il ne fût déjà à sa recherche…
Commenter  J’apprécie          10
Dépourvus de toute présence humaine, les bois n'en débordaient pas moins de couleurs et de sons. L'air vibrait du gazouillis des roitelets, des linottes et des étourneaux. Brindilles et feuilles sèches craquaient sous ses pas. De temps à autre, un lapin détalait, ne laissant à la vue qu'une touffe de poils blancs, quand il plongeait à couvert dans les massifs de fleurs. Sur les plus hautes branches, des écureuils au pelage roux s'appliquaient à décortiquer des pommes de pin dans une pluie d'aiguilles sèches embaumant le sous-bois de leur senteur poivrée.
Commenter  J’apprécie          10
Au souvenir du marchand qui, pas plus tard que la semaine précédente, prétendait avoir vu un loup sur la rive opposée, sa main se porta instinctivement à sa dague. Chacun s'était récrié car, à pareille époque de l'année, ce ne pouvait être qu'un renard ou un chien sauvage au pis-aller. À présent qu'elle était livrée à elle-même, les allégations du marchand lui semblaient presque fondées. Elle éprouva le contact rassurant du manche de son couteau.
Commenter  J’apprécie          10
Alaïs n'avait jamais quitté les terres du vicomte Trencavel et, partant, avait grand-peine à se représenter les grandes villes du Nord, comme Paris, Amiens ou même Chartres, ville où sa mère avait vu le jour. Pour elle, ce n'était que des noms sans couleur ni saveur, aussi rudes que la langue qui s'y parlait, la langue d'oïl. Mais même sans le comparer, elle ne pouvait imaginer plus beau pays que celui, pérenne et intemporel, de la région de Carcassona.
Commenter  J’apprécie          10
Le chemin qui descendait aux barbacanes était raide et escarpé. Il courait entre deux hautes palissades de bois occultant entièrement le décor alentour. Ayant emprunté ce chemin en maintes occasions, Alaïs en connaissait le moindre caillou. Elle contourna la tour de bois, et suivit le cours d'eau qui traversait les barbacanes avec la vélocité d'un torrent.
Les ronciers lui écorchaient les chevilles et les épines accrochées à sa robe entravaient sa progression. Au moment où elle atteignit le bas de la côte, le bord détrempé de sa cape s'auréolait d'une large frange lie-de-vin, et le cuir de ses chaussons avait viré au brun foncé.
À peine eut-elle quitté l'ombre des palissades pour les grands espaces ouverts qu'Alaïs se sentit transportée. Au loin, les brumes de juillet infusaient les cimes de la Montagne Noire, tandis qu'à l'horizon, le ciel se balafrait de traînées roses et pourpres.
Commenter  J’apprécie          10
Guilhem ne semblait pas davantage troublé par les rumeurs de guerre, pour autant qu'elle le sût. C'était un sujet qu'il n'abordait jamais en sa présence. Pourtant, Oriane prétendait qu'une armée de croisés et d'hommes d'Église venus du Nord s'apprêtait à attaquer le pays d'oc. Pis encore, elle alléguait que cette expédition avait la bénédiction du pape et l'aval du roi de France en personne.
Commenter  J’apprécie          10
Les hommes du guet fermaient généralement les yeux sur ses allées et venues. Du moins en avait-il été ainsi jusqu'à ce que des rumeurs de guerre se missent à circuler, et que la garnison redoublât de vigilance. En apparence, la vie se poursuivait comme à l'accoutumée. Si des manants venaient de temps à autre se réfugier dans la Cité, Alaïs ne voyait rien que de très ordinaire dans les attaques et les persécutions dont ils faisaient l'objet. Des cavaliers surgissant d'on ne sait où et frappant avec la violence d'un orage d'été étaient chose banale pour qui vivait à l'extérieur des fortifications. Ce qui se racontait n'était ni plus ni moins que les aléas de la vie quotidienne.
Commenter  J’apprécie          10
Le Château comtal possédait deux portails. La grande porte ouest, que l'on n'ouvrait qu'en de rares occasions, accédait aux pentes herbeuses qui longeaient les grands murs. Plus petite, plus étroite aussi, la porte est était flanquée de hautes tours, et donnait accès aux ruelles de la Ciutat, la Cité, elle-même.
Les étages de ces tours communiquaient entre eux par des échelles de bois adossées à d'étroites ouvertures. Enfant, Alaïs se plaisait à déjouer l'attention du guet pour y grimper avec les gamins de son âge. Étant la plus leste, c'est toujours elle qui arrivait la première.
Commenter  J’apprécie          10
Fortement gardé, le donjon, où les consuls se réunissaient pour sceller d'importants documents, se dressait à l'angle sud-ouest de la grande cour. Dans l'aube naissante, Alaïs aperçut deux garçons qui, perchés sur un mur comme deux corbeaux, s'acharnaient à réveiller un chien en lui jetant des pierres. Le silence était si profond qu'elle entendait leurs talons nus heurter les hourds de bois.
Commenter  J’apprécie          10
Le château avait été bâti autour d'une cour rectangulaire, et agrégé côté ouest aux ruines d'une place forte gallo-romaine. Il contribuait ainsi au renforcement des fortifications qui entouraient la Cité, anneau de pierre de taille surplombant la rivière Aude, de même que les paluds qui s'étendaient sur le flanc septentrional.
Commenter  J’apprécie          10
Le grand-père de Raymond-Roger Trencavel avait bâti le Château comtal, d'où il entendait exercer son autorité sur l'ensemble de ses terres domaniales, plus d'un siècle auparavant. Lesdites terres s'étendaient d'Albi, au nord, jusqu'à Narbonne, au sud avec, à l'est et à l'ouest, Béziers et Carcassonne pour limites respectives.
Commenter  J’apprécie          10
Alaïs tira la porte et émergea dans la grande cour, face au jour qui se levait.
Les feuilles de l'orme qui s'y dressait au centre, à l'ombre duquel le vicomte Trencavel rendait la justice, s'étaient teintées du noir de la nuit finissante. De ses branches frémissant de vie, montait le chant de l'alouette auquel répondait le gazouillis strident du roitelet.
Commenter  J’apprécie          10
Alaïs soupira : restait à espérer qu'avec le temps les choses s'arrangeraient.
Un imperceptible changement dans l'air, l'obscurité profonde qui virait lentement au gris, le chant bref d'un oiseau à proximité lui apprirent que l'aube approchait, et que le sommeil la fuirait pour le reste de la nuit.
Commenter  J’apprécie          10
De longues années durant, dans le vide des heures entre le crépuscule et l'aube, alors que sa sœur sommeillait auprès d'elle, son père n'avait cessé de parler, mettant ses démons en fuite. Il avait interdit aux prêtres noirs catholiques, porteurs de faux symboles et de superstitions, de s'approcher d'elle.
Et ses paroles l'avaient sauvée.
Commenter  J’apprécie          10
Une prémonition ? Ou seulement un cauchemar ?
Elle n'avait aucun moyen de le savoir. Elle le redoutait.
Alaïs tendit la main vers le baldaquin qui encadrait le lit, comme si au contact d'un objet réel, elle serait devenue moins transparente, moins immatérielle. Le tissu usé, poussiéreux, imprégné des odeurs familières du château, acheva de la rasséréner.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Kate Mosse Voir plus

Quiz Voir plus

La Cité de Feu, de Kate Mosse

Quel est le surnom de Marguerite Joubert?

Chaton
Minou
Maggie

26 questions
2 lecteurs ont répondu
Thème : La Cité de feu de Kate MosseCréer un quiz sur cet auteur

{* *}