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Critiques de Katherena Vermette (41)
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Les femmes du North End

Le roman s’ouvre crument sur un viol dont est témoin, depuis la fenêtre de son appartement, une mère de famille débordée par deux enfants en bas âge qui pleurent en pleine nuit, juste le temps d’appeler les flics du quartier du North End, quartier défavorisé de Winnipeg ( Canada ). Stella est la première des dix voix à s’exprimer dans ce roman choral, dix voix ayant toutes en commun de graviter autour de ce drame initial ( victime, membres de sa famille, coupable, policier en charge de l’enquête, amie ). Comme dans une enquête policière, on est immédiatement happée par l’urgence de découvrir l’identité de la victime, celle du coupable et ses motivations.



A partir de ces enjeux, Kathereena Vermette déploie un récit multigénérationnel virtuose, reliant habilement les différents fils tissés par les différentes points de vue ( certains à la première personne, d’autres à la troisième ) couvrant tout l’éventail des possibilités humaines, jusqu’à les faire converger en une conclusion à la fois poignante et limpide. La grande joie du lecteur est d’ainsi reconstituer la famille de la victime ( un petit coup de pouce est donné par l’arbre généalogique placé au début ). L’auteure compose ainsi un canevas complexe, faisant voyager le lecteur dans le temps, parfois lointain de l’histoire familiale mais sans le perdre.



En fait, il est finalement peu question du crime en lui-même, horrible. C’est le point d’ancrage du récit qui donne vie à l’éblouissant portrait d’une famille de femmes autochtones avec son patchwork de douleurs et son héritage de traumatismes. Le roman parle de la peur transgénérationnelle que porte les femmes amérindiennes d’être victimes de violence. Les dangers du monde de l’urbanité sont parfaitement décrits : éclatement de la famille, perte de l’identité culturelle, toxicomanie et addiction, emprise de gangs, racisme systémique etc. Pour autant, Kathereena Vermette ne blâme jamais, elle détaille sans prêcher ; elle n’offre pas d’excuses aux actes individuels répréhensibles, elle livre des explications. Même le personnage du bourreau, violent et méprisable par de nombreux aspects, est pitoyable et peut même toucher, broyé par une société incapable à lui venir en aide lorsqu’il était encore temps. Ce qui intéresse l’auteur, c’est l’impact de ces drames sociétaux sur l’humain.



A mesure que les voix déroulent leurs vérités, le roman gagne en puissance. Le talent de l’auteure à s’emparer de l’universel à partir d’une histoire très ancrée dans un lieu, une famille, une culture amérindienne, explose. Durant tout le roman, il n’est question que de la force de l’amour qui unit les femmes du North End. C’est cette force qui lie le chœur antique sororal de ces femmes qui se soutiennent dans l’épreuve, avec sagesse. C’est cette force qui les empêche de basculer dans la haine et une violence reproductible tellement évidente et de faire corps, ensemble. La beauté résiliente du personnage de la grand-mère Kookom est déterminante pour souder cette famille, marquante pour le lecteur.



Un magnifique roman polyphonique qui amène à réfléchir à ce que cela signifie se soucier des autres, apportant de la lumière dans un univers sombre. Même si l'approche est différente, j'ai souvent pensé à la puissance d'un Tommy Orange en plus apaisée.

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Les femmes du North End

Katherena Vermette crée un roman choral ample où se mêlent dix voix. Ses portraits de femmes fortes, souvent brisées mais qui apprennent la résilience ont une belle justesse, soulignée par ce tourbillon déstabilisant de timbres qui résonnent aux oreilles du lecteur. Féminin, noir mais ici et là traversé d'éclats d'espoir, de promesses d'un printemps qui adoucira la morsure du verre et de la neige, ce premier roman est une belle réussite (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/04/01/les-femmes-du-north-end-katherena-vermette/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Les femmes du North End

« Les Femmes du North End » du nom d’un quartier défavorisé de Winnipeg d’où est originaire l’autrice Katherena Vermette, est un roman avant tout chorale marquant, magnifiquement écrit et qui permet de mieux comprendre les liens transgénérationnels qui concernent ici une même famille à travers le prisme strictement féminin. Les chapitres alternent les points de vue des différentes membres de cette famille métis mi blanche, mi indienne. Les hommes ont une autre place, ils sont en périphérie de l’histoire notamment Tommy, le jeune policier métis qui est appelé sur les lieux d’une agression d’une rare violence. La victime a disparu. C’est Stella, qui a assisté au drame depuis sa fenêtre et qui décide d’appeler les forces de l’ordre. Quelques heures plus tard, une toute jeune fille, est conduite à l’hôpital. Elle saigne abondamment et aurait été victime d’un viol cette nuit là. Qui a pu commettre un tel acte ? C’est une histoire de résilience à laquelle nous convie l’autrice. Des portraits de femmes de tous âges ayant chacune leur part de drames, leur lot de souffrances, de non dit et de secrets de famille inavouables. Lorsqu’elles apprennent que la victime n’est autre que leur Emilie, chacune d’entre elles vont réagir à leur façon, la tragédie humaine faisant remonter des abysses jusqu’à la pleine conscience des évènements qui les ont touchés dans leur chair. Car les générations se succèdent sous le sceau du poids du racisme, de la violence verbale et physique des conjoints, les problèmes d’alcool, la drogue partout et cette mort que l’on voit venir et qui vous brûle à petit feu faisant de vous une proie. Ces femmes sont chacune à leur façon des rescapés, des survivantes de la pauvreté, des addictions, de la violence qui enivre, des coups. Néanmoins, face au drame de leurs existences, elles vont se battre, chacune à leur façon, afin de briser le poids de leurs destinées, celles qui voudraient faire d’elles uniquement des victimes. Elles vont se battre, aimer, haïr, partager, s’entraider et ne rien céder dans leur combat pour l’affirmation de leur identité de femmes métis, nées dans la pauvreté mais nullement prête à subir le lot de leurs conditions. C’est un roman de femmes révoltés, refusant les injonctions de leur époque. Des femmes libres, qui le vivent comme tel, même si certaines d’entre elles n’en ont pas tout de suite conscience, de leur force de résilience. Oublier n’est pas forcément pardonner mais c’est aussi et surtout une façon d’apprendre à vivre avec les drames vécus dans leur chair. Un roman puissamment évocateur, habité par le combat, la lutte pour l’émancipation, la liberté d’être tour à tour forte et fragile, enchaîné ou libre. Une quête émancipatrice, un voyage aux confins de cette mince frontière entre le bien et le mal. A ce titre, la fin est un modèle du genre. L’émotion, la colère, l’amour, la haine autant de sentiments qui nous traversent durant cette lecture. Katherena Vermette s’inscrit avec ce roman sublime comme l’une des autrices majeures au Canada. Une témoin à l’acuité saisissante sur ce qui fonde l’âme amérindienne mais aussi celle des êtres fruits de l’union entre deux cultures qui ont tant à apprendre l’une de l’autre.
Lien : https://thedude524.com/2022/..
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Les femmes du North End

Après Ballades d’amour du North End, la publication de son premier recueil de poésie particulièrement remarqué Outre-Atlantique, la canadienne Katherena Vermette rejoint la prestigieuse collection Terres d’Amérique chez Albin Michel avec la traduction de son premier roman : Les femmes du North End (The Break, 2016).

D’ascendance Métis, l’un des principaux peuples autochtones canadiens, l’autrice nous parle à la fois de la condition féminine mais aussi de la lutte permanente des peuples autochtones tiraillés entre leurs racines et une société moderne violente et cruelle.



Récits de femmes

Le roman s’ouvre par un arbre généalogique, comme un avertissement au lecteur : l’ouvrage que vous tenez entre les mains est l’histoire d’une famille, celle des Charles. Katherena Vermette appuie pourtant son récit sur un drame terrible, le viol d’une gamine de 13 ans, Emilie, retrouvée dans une mare de sang au levée du lit. De ce fait tragique et insoutenable, l’autrice va brosser le tableau de plusieurs générations et, surtout, celui des femmes de cette famille brisée mais pas foutue.

Louisa, Paul, Stella, Emily ou encore Flora, leur Kookom (la grand-mère en langue Cree), le récit en devient presque choral, retraçant non seulement le vécu de ce drame mais tirant aussi patiemment les souvenirs des unes et des autres pour reconstituer une histoire plus vaste et plus complexe qui, derrière l’aspect intime, révèle tout du sentiment autochtone et féminin dans le Canada actuel. Si l’aspect enquête-policière n’est qu’un prétexte, le mystère du déroulé de cette agression tiendra lui aussi en haleine le lecteur : pourquoi a-t-on vraiment agressé Emily et, surtout, qui l’a vraiment fait ? Ne croyez cependant pas que Les femmes du North End est un simple jeu de pistes, c’est même tout le contraire. La révélation sur l’identité de l’agresseur participe d’une entreprise plus forte et audacieuse : celle de retracer et d’expliquer la violence dans cette communauté et d’en expliquer les répercussions sur plusieurs générations de femmes.

Il faudra pourtant bien s’accrocher pourtant et retenir l’arbre généalogique familial pour arriver à imbriquer correctement les différentes pièces du puzzle entre elles.

C’est là certainement le plus gros défaut, mais qui semble inévitable, du roman de Katherena Vermette : le nombre des personnages et leurs liens multiples et complexes.

Car aux femmes suscitées s’ajoutent d’autres protagonistes : de Phoenix, l’adolescente délinquante en fuite, à Tommy, le jeune flic Métis victime du racisme ordinaire de son co-équipier blanc, en passant par Ziggy, la meilleure amie d’Emilie. Les femmes du North End n’est pas un récit instinctif et facile, mais l’immersion totale qu’il demande a une raison : celle de l’émotion et de l’authentique.



A History of violence

Construit littéralement sur les portraits de femmes que l’on y croise, le roman de Katherena Vermette est d’une densité étonnante. Il nous parle avec une justesse incroyable des douleurs du passé, de ces actes de violences qui ont forgés cette famille et ces personnages dont les blessures semblent saigner à chaque page. En évitant les clichés, la canadienne raconte l’indicible et mesure les conséquences d’actes terribles, du viol au passage à tabac, de la mort dans la neige à l’addiction aux drogues et à l’alcool. Au sein de cette histoire, les hommes sont violents ou instables, ils partent et ne reviennent pas ou, au contraire, restent et détruisent à petit feu. Et lorsqu’un homme bien surgit, la confiance est d’une extrême difficulté, car le mal est fait.

Mais au lieu d’en faire un livre à charge, un récit aveugle sur les racines du mal qui condamne sans nuance ou réflexion, Katherena Vermette trouve quelque chose de totalement inattendu : la beauté. Car Les femmes du North End, malgré toute l’horreur et les tragédies qu’il renferme, regorge aussi d’instants de beauté, il dit la sororité et l’apaisement de l’âge, il dit la compréhension et le pardon, il explique et tente de comprendre avant de condamner. Même le plus odieux personnage a ses raisons, même la violence la plus terrible trouve son origine dans un abandon et une foule de familles d’accueils. Derrière ces multiples portraits se cachent aussi la mélancolie d’un peuple et sa difficulté à choisir entre tradition et modernité. Katherena Vermette nous fait suivre des femmes Métis dans une urbanité canadienne qui semblent en décalage avec leurs racines autochtones. Et pourtant, il en reste toujours quelque chose, comme un besoin intraduisible ou un fantôme qui s’attarde. L’histoire des femmes du North End ne serait pas complète sans celles qui sont passés de l’autre côté et qui, elles aussi, se souviennent. Alors Katherena Vermette leur donne aussi une voix, sublime et fugace, pour boucler la boucle et comprendre la grâce qui habite ses héroïnes. Tout s’arrangera, à la fin, tout ce qui importe se résume à ce que nous laissons.



Roman complexe mais poignant, Les femmes du North End explose son cadre policier pour investir le champ de l’intime. Katherena Vermette esquisse une fresque générationnelle où la violence ronge les femmes comme les hommes, elle tente de comprendre et de dire les secrets des uns et des autres, trouvant une beauté inattendue au-delà des blessures les plus profondes, offrant une sororité qui sauve et apaise malgré les épreuves, comme un baume réparateur pour le cœur et l’esprit.
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Les femmes du North End

Vie de femmes des Premières Nations, à Winnipeg au Manitoba d'aujourd'hui.



Une petite fille de treize ans, un beau gars de son école, un peu plus vieux qu’elle, lui a souri et l’a invité à un party. Elle n’en sait rien mais la maison où elle ira est tenue par un gang des rues, repaire de vendeurs de drogues et autres trafics. Et ça tournera mal pour Emily…



Les chapitres alternent avec pour en-tête les différents personnages : sa mère, sa tante, son amie, une fille qui s’est enfuie d’un centre-jeunesse, un policier métis qui fait équipe avec un vieil enquêteur blasé et raciste, etc. Au début, on peut être un peu mêlé par tous ces personnages et l’arbre généalogique présenté au début du livre est utile pour s’y retrouver.



Toutes ces femmes ont en commun d’avoir eu des difficultés avec leurs hommes. Leurs pères ont quitté les mères pour retourner vivre dans les bois, d’autres ont choisi d’autres femmes ou ont été emportés par l’alcool. Des femmes sont devenues infirmières ou travailleuses sociales et se sont endurcies face aux malheurs. Elles ont du mal à faire confiance après ce qui leur est arrivé, à elles, ou à leurs sœurs, ou à leurs amies. Mais ce sont des battantes, elles font preuve d’une grande résilience, on peut avoir des misères sans être misérables.



Un excellent premier roman, une œuvre d’une belle qualité d’émotions et de réflexion.

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Les femmes du North End

****,*



Une nuit d’hiver, alors que le froid et la neige anesthésient toute la ville, Stella ne dort pas. Elle est pourtant épuisée, avec les nuits hachées que lui fait vivre Baby boy… Ce soir-là, elle va être le témoin d’une agression d’une rare violence, mais tétanisée par la peur, elle appellera la police sans pouvoir apporter plus d’aide à la victime. L’angoisse la ronge, mais ce n’est rien comparée à la culpabilité qui va l’envahir quand elle apprendra l’identité de la victime… Emily…



Les femmes du North End est le premier roman de Katherena Vermette. Avec une écriture parfaitement maîtrisée, un sens remarquable du timing, des personnages attachants et une construction originale, elle nous fait cadeau d’une émouvante histoire de femmes, de racines, de liens et de dignité.



A travers les voix de 9 femmes, ce sont les confessions touchantes, tendres et douloureuses d’une famille d’autochtones au Canada. Chacune à leur manière, avec leurs mots, leurs doutes, leurs colères, elles nous livrent leur version du drame qui se joue sous nos yeux.



Qu’elles soient jeune maman, mère célibataire, grand-mère, épouse, veuve, abandonnée, elles font face, ensemble, à la violence qui les frappe. Ces femmes restent debout, luttent et ne cessent jamais d’espérer en un meilleur avenir.



Grâce à elles, aux liens du cœur et du corps qui les unissent, le récit est rythmé à la fois par la tendresse et la révolte. On s’émeut de leurs failles, de leurs forces, on résiste au racisme et à la violence des mots, on écoute la détresse des âmes perdues…



Au cœur des ruelles froides et enneigées, Emily, Lou, Paul, Cheryl et Stella nous réchauffent de leur amour mutuel. Leur attachement est un ciment bien plus solide que le malheur qui les touche. Et c’est beau…
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Les femmes du North End

Une nuit, à la Brèche, un terrain vague situé dans un quartier défavorisé de Winnipeg, Stella est réveillée par son bébé qui fait ses dents. Par la fenêtre, elle voit une scène qui semble être une bagarre. Pendant qu’elle est au téléphone avec la Police, elle voit les assaillants s’enfuir. Puis, avant que les secours arrivent, elle voit la victime, qu’elle suppose être une femme, se lever et partir. Seule chez elle avec deux enfants en bas âge, elle n’a pas pu intervenir. Elle est certaine qu’une femme, d’environ 1m50 a été violée, mais les agents sont sceptiques. Il neige et sur place, ils n’ont retrouvé que du sang et une bouteille de bière.





Dix voix racontent cette nuit tragique : toutes sont féminines, sauf une, celle de Tommy, un des enquêteurs. Au départ, le nombre de personnages déstabilise, mais très vite, nous nous y retrouvons. Chaque voix prend le relais de l’autre, soit pour préciser, soit pour évoquer le passé, ou encore pour relater les évènements présents ; ce sont quatre générations qui s’expriment. Elles sont au cœur du drame, directement ou indirectement. Au départ, leurs existences semblent juxtaposées, puis les liens se dévoilent, la toile déploie ses fils, les connexions s’établissent et le déroulement des faits, ainsi que les prémices ayant permis à ces derniers de se produire, sont énoncés avec un sentiment de fatalisme. Pourtant, malgré la douleur imputable au racisme, aux violences faites aux femmes autochtones et à la domination des gangs, l’espoir s’entend. La solidarité féminine et familiale se resserre, se ressent et tente de s’épanouir. Plusieurs de ces femmes représentent la force et la résilience. Des sentiments de culpabilité se disputent à l’envie d’être présents, des pardons sont implicites et le clan se rassemble.





A la fin du livre, toute la lumière est faite sur le déroulement et les conséquences de cette nuit dramatique. Certains éléments ajoutent une dimension surprenante et terrible au crime. J’ai été ébranlée par le dénouement. Ce roman m’a énormément touchée. Les scènes comportent une palette élargie d’émotion : les sourires racontent la souffrance, le chagrin évoque les souvenirs heureux, la délicatesse essaie d’atténuer la brutalité, les bras accueillants effacent l’absence, etc. Alors que les origines de l’histoire sont violentes et tragiques, Katherena Vetmette les décrit avec poésie et une douceur émouvante ; la beauté s’empare de l’horreur. J’ai adoré Les femmes du North End.




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Les femmes du North End

Un premier roman très réussi, sensible et vibrant, au cœur d'une communauté autochtone du quartier du North End, à Winnipeg-Canada. On y entend successivement les voix de neuf femmes et d'un homme, tous issus de cette communauté, appartenant pour la plupart à la même famille, chacun vivant à sa façon un drame qui les touchent dans leur chair, celui de l'agression terrible de l'une des leurs.



Dans une atmosphère urbaine glaciale, Katherena Vermette déploie une intrigue complexe autour de Kookom, la grand-mère sage et espiègle (mon personnage préféré), ses filles, leurs enfants et petits-enfants, jusqu'à la résolution de ce crime. Si le mystère de l'identité du ou des criminels est un des moteurs de la narration, ce sont surtout ces femmes qui constituent la grande richesse du texte : leurs blessures, les hommes de leur vie (et leur absence), leur passé, leurs addictions, leurs espoirs, et l'incroyable lien qui les unit les unes aux autres, d'une génération à l'autre, vivantes ou mortes.

La famille, celle dont on hérite, celle qu'on se compose, devient alors un refuge salutaire face à ce que subissent ces communautés autochtones coupées du lien avec la nature, confrontés à la misère, la pauvreté, au racisme aussi, et à l'inévitable cercle vicieux de la violence qu'on transmet parfois à ses enfants.



Un portrait douloureux et réaliste, un récit choral fort, dans lequel je me suis parfois perdue (j'ai dû regarder l'arbre généalogique inclus en début de volume beaucoup trop souvent) notamment dans la première partie. Mais si au départ j'ai mis du temps à vraiment entrer en empathie avec les personnages qui se multiplient, j'ai ensuite été complètement happée par le chœur de ces femmes, jusqu'à la fin que j'ai trouvée si belle et poétique. Une autrice à suivre !



Sur le thème des communautés autochtones d'Amérique du Nord, j'ai évidemment pensé à Louise Erdrich, Richard Wagamese ou encore Tommy Orange qui sont pour moi des incontournables.
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Les femmes du North End

Un soir d’hiver, alors qu’elle est tenue éveillée par les pleurs de son petit garçon, Stella est témoin d’une agression. Elle appelle la police mais au moment ou les agents arrivent, les bourreaux ainsi que leur victime, ont disparus. Il ne reste qu’une mare de sang pour certifier ses dires.

C’est sous forme d’un roman polyphonique que Katherena Vermette a fait le choix de nous raconter les évènements qui ont précédés et suivis cette nuit. Ainsi la parole est donnée principalement aux femmes d’une même famille d’autochtones ainsi qu’à Tommy, un jeune agent de police métis. Difficile de ne pas s’attacher à ses personnages qui clairement n’ont pas connu que des jours heureux.

J’ai vraiment beaucoup aimé car au-delà même de cette tragédie, l’auteure nous permet de mesurer la complexité des rapports entre les blancs et les autochtones et elle nous dresse le tableau d’une société en mal-être. C’est souvent dur, à la limite du roman noir et pourtant je retiendrai également la beauté des liens qui unissent toutes ces femmes, toujours présentes les unes pour les autres.

C’est un premier roman et pourtant il est digne des plus grands. Nul doute que cette auteure fera parler d’elle.
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Les femmes du North End

J'ai découvert la collection Terres d'Amérique aux éditions Albin Michel par le biais de Joseph Boyden et de son premier roman intitulé Le Chemin Des Âmes (Albin Michel 2002) qui fut pour moi l'une des révélations majeures des voix amérindiennes émergeant de la littérature nord-américaine et plus particulièrement du Canada. La particularité de cette prestigieuse collection auréolée de nombreux prix dont plusieurs Pulitzer et dirigée depuis sa création par Francis Geffard c'est de donner la place à de nombreux auteurs issus des minorités qu'elles soient afro-américaines ou amérindiennes afin de nous offrir une vision pluraliste de l'Amérique du Nord avec des textes remarquables intrinsèquement tournés vers l'humain et la place qu'il occupe dans une société minée par les discriminations. De discrimination, il est justement question dans Les Femmes Du North End, premier roman de Katherena Vermette qui s'est illustrée auparavant dans les domaines de la littérature pour la jeunesse ainsi que de la poésie dont on retrouve quelques résurgences dans un texte évoquant la vie au quotidien d'une famille amérindiennes vivant dans un quartier défavorisé du North End à Winnipeg et dont on perçoit la vision intergénérationnelle par l'entremise des femmes qui la compose.



Alors qu'elle allaite son enfant en pleine nuit, Stella devient la témoin involontaire d'un viol qu'elle distingue depuis sa fenêtre. Bouleversée, la jeune mère appelle la police qui émet quelques doutes quant à la nature de l'agression ce d'autant plus que victime et agresseurs ont disparu avant l'arrivée de la patrouille. Il ne reste plus qu'une trace de sang écarlate sur la neige fraîche, unique indice de la violence d'un acte qui va ébranler les membres de la communauté amérindienne de North End, un secteur délabré de Winnipeg où sévissent les gangs. Pour retracer les événements conduisant à cette tragédie, il faudra entendre les voix de neuf femmes et d'un homme qui témoignent du mal de vivre de la population autochtone, de leurs échecs mais également de leurs espoirs au travers d'un dénouement à la fois poignant et lumineux.



Le cadre du roman Les Femmes Du North End a la particularité de se dérouler en milieu urbain, tandis que les réserves sont évoquées comme un endroit où les hommes partent pour s'éloigner du fracas de la ville, retrouver la voie des traditions et s'immerger au sein de leur famille restée là-bas, à l'instar de Gabe, le compagnon de Louisa. Dans une atmosphère enneigée contribuant à cette sensation de mélancolie planant sur le quartier, Katherena Vermette dresse ainsi le portrait d'une famille amérindienne du Canada où seule les femmes donnent de leur voix au travers du drame qui frappe la jeune Emily. Pour bien appréhender ce roman, il importe de se familiariser avec le schéma généalogique de cette famille qui figure au début de l'ouvrage afin de s'y retrouver dans la complexité des patronymes et des liens qui unissent les différents protagonistes, ce d'autant plus que certains d'entre eux sont affublés de surnoms ou de diminutifs qui peuvent décontenancer le lecteur. Il faudra s'affranchir de cette difficulté pour apprécier ce texte à la fois sensible, délicat et d'une beauté confondante tant les portraits des personnages sont saisissants de vérité. Débutant autour de l'agression et du viol dont Emily est victime, Katherena Vermette nous renvoie vers les traumatismes et les drames qui ont touché les différentes générations de la famille de cette jeune victime, nous donnant ainsi l'occasion de prendre en considération les difficultés qui frappent de plein fouet ces femmes autochtones. C'est dans le quotidien, presque banal, de ces différents protagonistes que la romancière aborde, par petites touches habiles, des thèmes sociaux tels que la perte d'identité culturelle, la toxicomanie et autres addictions, la discrimination institutionnalisée, l'influence des gangs ainsi que la difficulté de maintenir son couple dans le marasme des problèmes qui frappent ces femmes apparaissant plus fortes qu'il n'y paraît. Seul portrait masculin, on découvre avec Tommy les difficultés inhérentes à son statut de métis au sein de la police où il doit faire face aux réflexions douteuses de son partenaire et au racisme ordinaire de son entourage professionnel. Au-delà de cette énumération douloureuse, Katherena Vermette puise dans la puissance tellurique de ses personnages pour instiller l'espoir, ceci plus particulièrement avec le personnage lumineux de Kookom, cette grand-mère imprégnée de traditions des anciens qui répand sa résilience et sa sagesse au sein des membres de sa famille qui lui sont profondément attachés. Ni pourfendeur, ni vindicatif, Les Femmes Du North End aborde, au gré d'un texte doté d'une force subtile et nuancée, les affres d'une discrimination du quotidien que ces femmes autochtones surmontent du mieux qu'elles le peuvent, avec cet état d'esprit solidaire qu'elles vont découvrir auprès de leurs proches au gré de retrouvailles émouvantes qui vont les rapprocher davantage.





Katherena Vermette : Les Femmes Du North End (The Break). Editions Albin Michel/Collection Terres d'Amérique 2022. Traduit de l'anglais (Canada) par Hélène Fournier.



A lire en écoutant : As The Day Goes By de Sound From The Ground & Tanya Tagaq. Album : Luminal. 2004 Waveform Records.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Les femmes du North End

Une nuit, alors qu’elle est réveillée par son bébé, Stella assiste à une scène de violence depuis sa fenêtre. Elle habite dans le North End, quartier défavorisé de Winnipeg et fait partie d’une communauté autochtone. Profondément secouée par la violence de l’agression à laquelle elle a assisté, Stella déplore le manque de soutien de son mari et la remise en cause de son témoignage par les policiers qu’elle a appelés cette nuit-là, même de l’agent Scott, pourtant métis et donc lié à sa communauté. Elle meurt d’envie de retrouver la chaleur des bras de sa Kookom, grand-mère qui a pris soin de Stella à la mort de sa mère.

Parallèlement, la jeune Emily, qui se trouve être une petite cousine de Stella, est hospitalisée suite à une agression. Les femmes de sa famille se ruent à son chevet et apportent un soutien sans faille à Emily et sa mère Paulina.

La construction polyphonique du roman permet une introspection élaborée de chacun des personnages. La part belle est donnée aux femmes de la famille Charles, que l’on suit sur quatre générations :

Flora est la Kokoom espiègle et fédératrice que tout le monde adore, elle est celle qui veille, comme le grand-père du roman de Louise Erdrich ; c’est une femme de tête, qui commence à la perdre, et côtoie en pensée les vivants et les morts.

Pour Kookom et sa fille Cheryl, l’agression subie par Emily ravive les plaies du décès de son autre fille Lorraine, mère de Stella.

Cheryl est elle aussi mère de deux filles, Louisa et Paulina. Ces femmes ont toutes en commun de pouvoir compter les unes sur les autres, quels que soient les problèmes personnels qu’elles rencontrent. Leurs liens très forts sont extrêmement touchants, et on imagine sans peine cette petite chambre d’hôpital débordante de femmes, d’amour et de dévouement.

Cette cohésion fait la force de ces femmes autochtones, victimes depuis l’enfance du sentiment de supériorité des blancs, mais aussi de violences trop souvent laissées impunies, leur parole étant rarement prise au sérieux.

Ce racisme au quotidien, le jeune policier métis Tommy Scott en souffre également, lui qui n’est ni assez Blanc, ni assez Indien. Mais il est touché par les femmes qui entourent Emily et cherche à découvrir la vérité malgré l’inertie de ses collègues.

D’autres personnages interviennent dans le déroulement de l’histoire ; mais je préfère retenir les plus lumineux, rendus fortement attachants par Katherena Vermette.

Au fil des témoignages, le passé des protagonistes et le déroulé de l’agression nocturne se dévoilent peu à peu, et l’on peine à lâcher la lecture !

Un coup de cœur pour ce premier roman, à l’intrigue brillamment tissée, et qui est un bouleversant témoignage sur la vie des autochtones au Canada aujourd’hui.

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Les femmes du North End

La Brèche est un terrain vague situé à la lisière du North End, proche d'un quartier défavorisé de Winnipeg au Canada. Diverses communautés amérindiennes s'y sont installées il y plusieurs années déjà lorsque le gouvernement a autorisé ceux qui avaient reçu le statut d'indiens à quitter leur réserve. C'est dans ce même terrain vague qu'une agression a été commise sur Emily Traverse. La thématique est dure, c'est une histoire tragique que nous raconte Katherena Vermette et c'est pour cela qu'elle donne la parole à neuf femmes de la même famille de la victime pour que chacune raconte à sa manière cette histoire terrible avec son cœur et son propre passé. L'auteure nous montre que ces femmes sont puissantes au sein de cette communauté matriarcale, présentent sur tous les fronts lorsque les hommes sont absents. Ceux-ci ne sont pas épargnés non plus par la violence. L'alcool et la drogue bouleversent l'équilibre de ces peuples déjà stigmatisés et imposent la culture des gangs. Katherena Vermette connaît bien cet endroit pour y avoir vécu. Elle nous raconte dans ce roman choral des vies violentées qui peuvent se reconstruire par la force de la sororité. Elle effectue des plongées dans le passé de Paulina, de Chéryl, de Louisa, de Stella, de Rain et de Kookom la grand-mère comme pour procéder à la généalogie de leurs manques que la vie au lieu de combler n'a fait qu'accentuer. Malgré toute cette rage de déceptions qu'elles ne parviennent pas à exorciser, elles font face à l'adversité, toujours... L'écriture de Katherena Vermatte est sèche et affûtée comme la lame d'un couteau à l'image de ces vies confrontées à la détresse sentimentale et à l'injustice. Un roman réaliste et sans concession comme l'a très bien écrit Margaret Atwood. Une autrice à suivre.
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Les femmes du North End

Je ne sais pas résister à un roman de la collection Terres d’Amérique, encore moins lorsqu’il est présenté comme « une fresque intergénérationnelle sur l’identité et la résilience des femmes autochtones du Canada ». Mais la faiblesse a du bon.



Avec Les femmes du North End (2022) l’autrice canadienne Katherena Vermette (1977) signe un roman polyphonique poignant autour de quatre générations de femmes unies par et dans une même tragédie.



Lorsque par une froide nuit d’hiver survient une violente agression sur un terrain vague à la lisière du North End, la vie de toute une famille vole en éclats, ébranlant au passage également plusieurs membres de la communauté amérindienne de ce quartier défavorisé de Winnipeg.



A travers les voix de neuf femmes auxquelles s’ajoute une dixième appartenant à l’un des policiers chargé d’enquêter sur l’agression, Katherena Vermette évoque non seulement la façon dont le drame a impacté la victime et les femmes gravitant autour d’elle mais également les nombreuses difficultés auxquelles elles sont confrontées dans leur vie quotidienne de femmes, souvent seules, issues d’une communauté minoritaire et marginalisée. Qu’elle soit le fait des hommes ou d’un système socio-économique encore profondément inégalitaire, la violence est omniprésente.



Qu’elles soient victime ou bourreau, grands-mères, mères, filles, soeurs, tantes, cousines ou tout simplement amies, toutes ces femmes sont ainsi liées par des souffrances communes résultant de leur triple condition défavorable de femmes pauvres issues de communautés autochtones. Il est ainsi beaucoup moins question de la nature du crime lui-même que de la multiplicité et la complexité des liens qui unissent ces femmes et des stratégies qu’elles mettent en oeuvre pour affronter les nombreuses difficultés du quotidien.



Malgré la noirceur qui en émane, Les femmes du North End brille par sa profonde humanité, par l’amour et l’amitié, par le soutien, l’entraide et la solidarité face à l’adversité, par la résilience dont font preuve toutes ces femmes pour se relever et affronter, avec courage et dignité, les terribles difficultés de la vie.




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Les femmes du North End

Alors que son bébé pleure, Stella est témoin depuis la fenêtre de la chambre d'une terrible agression dans le North End, un quartier pauvre de Winnipeg. Elle appelle la police mais à son retour, la victime a disparu.



Plusieurs générations de femmes autochtones sont au cœur de ce roman, toutes liées par la grand-mère, la Kookom, pilier de la famille. Des femmes fortes, des mères, des sœurs, des cousines, qui ne sont pas épargnées par la vie mais qui font face ensemble, soudées par l'amour qui les unit.



Au fil des dix voix, 9 femmes et 1 homme, qui se succèdent tout au long du roman, les pièces du puzzle s'imbriquent et on découvre peu à peu les circonstances du drame.



La trame narrative, très bien menée, est l'un des points forts de ce récit avec en amont un arbre généalogique qui s'avère utile en début de lecture. On est ensuite rapidement embarqué dans cette histoire dans laquelle on côtoie une communauté amérindienne gangrenée par de nombreux fléaux tels que la drogue, l'alcool, ou les gangs. Ici, les hommes préfèrent fuir et laisser les femmes panser leurs blessures seules.



L'autrice est originaire de cette région et cela se ressent au travers de sa plume. J'ai particulièrement aimé les différents points de vue qui enrichissent le récit et j'ai été bouleversée par le combat de ces femmes qui endurent d'atroces souffrances.



Un magnifique premier roman sur l'identité, la famille et la résilience. Une lecture sombre, dure et déchirante.
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Les femmes du North End

Dans le North End, un quartier défavorisé de Winnipeg, cohabitent deux bandes rivales au sein de la communauté amérindienne. C'est là que Stella assistera malgré elle, alors qu'elle est épuisée par son nouveau-né, à une agression dans la rue. Tétanisée, elle appelle la police sans oser intervenir. Aux deux policiers qui se déplaceront quelques heures plus tard, elle racontera sans qu'on la prenne trop au sérieux qu'elle pense que la victime a été violée.



C'est le point de départ qui réunira un récit choral, donnant la parole tour à tour à ces femmes amérindiennes de différentes génération. Le temps de l'enquête du jeune policier métis Tommy, seule voix masculine du récit, on découvrira l'impétueuse Phoenix qui a fugué de son foyer ainsi que Ziggy et Emily, qui iront à la soirée où la violence mènera au pire.



Autour d'Emily, sa mère Paul (Paulina) et sa tante Lou (Louisa) se démêlent d'histoires compliquées avec les hommes tout en entourant la jeune fille pendant son séjour à l'hôpital. Cheryl, la mère de Lou et Paul, essaie tant bien que mal de faire le deuil de sa sœur Rain (Lorraine) récemment décédée. Rain qui était la mère de Stella, cette jeune femme témoin de l'agression qui ne sait pas que c'est une nièce qui a été violentée. Pour tenter de faire tenir cette famille fracturée, Kookom la grand-mère apporte tant qu'elle le peut réconfort et sagesse aux générations de femmes qui lui succèdent.



Il m'a fallu un sacré moment pour garder la tête hors de l'eau dans ma lecture car le récit polyphonique m'a totalement noyé, j'ai eu la sensation de ne rien comprendre à l'histoire pendant la première moitié du livre. Le brouillard s'est dissipé avec le temps et j'ai commencé à apprécier ce roman où les femmes sont au cœur de la communauté et où elles ne peuvent presque compter que sur elles-mêmes pour s'en sortir. Un récit brutal et touchant qui donne un premier roman très abouti.



🔗 Service de presse adressé par l'éditeur.
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Les femmes du North End

Stella est réveillée en pleine nuit par son bébé, et elle assiste alors par la fenêtre de sa chambre, médusée, choquée, à une violente agression … C’est le point de départ de ce roman.



Dix voix retracent les évènements jusqu’à cette nuit funeste, chacune de son point de vue, de celle de la victime à celle du bourreau, en passant par les voix des tantes, mères, cousines, sœurs. Une seule voix masculine, celle d’un jeune policier métis. La construction est très habile, on avance progressivement dans la compréhension de la situation. On croit savoir ce qui s’est passé, mais on ne sait rien… Toutes ces femmes ont un lien entre elles, lien d’amitié, lien familial, lien affectif, et puis le pilier, Kookom, celle qui rassemble, qui pardonne, qui transmet, celle qu’on aimerait avoir pour grand-mère. Toutes ces femmes autochtones ont subi la violence de la vie, des hommes, des autres femmes.



Ce roman évoque sans concession la misère, la dépendance à l’alcool, à la drogue, la détresse des unes et des autres, mais malgré la violence, la dureté des situations, ce roman est lumineux, et il dégage une chaleur incroyable. Et pourtant que d’épreuves, que de sacs de nœuds, que de tragédies, de drames silencieux et mal cicatrisés… de l’indicible, des paroles étouffées, des culpabilités mal assumées…



C’est bien la chaleur des relations entre toutes ces femmes, la solidarité, l’entraide, l’amour qui ne se dit jamais mais qui transpire par tous les pores des corps et des cœurs brisés, qui font de ce roman un petit chef d’œuvre d’humanité.



Les personnages sont tous incarnés, ils sont tous d’une belle profondeur, ce ne sont pas des êtres de papier mais bien des êtres de chair et de sang. Leurs liens sont inextricables, sont puissants et on soupire d’aise devant tant d’empathie et de compréhension.



Les phrases de l’auteure, ce sont les chaudes braises au bout du tunnel, c’est l’espoir au sein d’un quartier défavorisé, ce n’est surtout pas le noir pour le noir, c’est le noir auréolé de lumière.
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Les femmes du North End

Une nuit, Stella est réveillée par son bébé. Alors qu’elle tente de le rassurer, elle assiste, depuis sa fenêtre, à une scène d’agression. Elle prévient la police mais quand cette dernière arrive, la victime et les agresseurs ont disparu. Stella est sûre d’elle. La victime a été violée…



Dans ce roman aux accents féminins et féministes, Katherena Vermette donne la parole aux femmes du North End. Elles sont toutes liées: grand-mères, mères, tantes, filles, cousines, amies. Elles ont toutes un rôle dans ce drame survenue cette nuit glaciale.



Nous sommes au Canada, dans le quartier pauvre de North End, dans la communauté indienne. Tour à tour, à chaque chapitre, les femmes de la famille vont se faire entendre à commencer par Stella qui a tout vu mais qui n’a rien pu faire. J’ai été un peu perdue au départ au milieu de ces paroles de femmes. L’autrice a d’ailleurs placé en début d’ouvrage l’arbre généalogique de la famille. Et puis je me suis laissée complètement happer par le récit, les confidences de chacune d’entre elles. Elles ont preque toutes subi des agressions sexuelles au cours de leur vie qu’elles furent enfants, adolescentes ou femmes. Et puis il y a cette agression de trop qui explose au visage du lecteur.



Ce roman est un roman choral d’une grande force, d’une grande intensité qui me hantera longtemps. Ces femmes vont faire bloc, telle une meute de louves pour protéger leur famille. Certaines sont abîmés par la vie, d’autres sont dépressives, mais elles gardent toutes l’espoir et restent soudées. Sans concession, l’autrice évoque la drogue, l’alcool, la misère sociale, le poids toujours plus lourd qui pèse sur les femmes. Tous les personnages sont attachants et « vivants ». J’ai été submergée par cette lecture incroyablement forte et belle. J’ai été tour à tour indignée, émue, touchée au plus profond de mon âme.



Avec ce premier roman, Katherena Vermette frappe fort avec ce récit émouvant et engagé!
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Les femmes du North End

Dans ce roman choral, Katherena Vermette donne voix à neuf femmes et un homme. Quatre générations de femmes, issues presque toutes de la même famille, qui vont tour à tour s'exprimer sur l'agression dont à été victime l'une des leurs. Elles nous livrent également des tranches de vie, leurs joies, leurs peines, leurs difficultés à s'intégrer parmi les blancs, tiraillées entre deux cultures et toujours victimes de discriminations. Leurs histoires m'ont happée dès les premières pages et m'ont beaucoup touchée. Il y a des passages très beaux, d'autres très durs et d'une rare violence.



Les personnages d'une grande profondeur sont nombreux. L'arbre généalogique en début de roman a été très utile pour me repérer au commencement de ma lecture. Les sujets traités sont abondants. Outre la violence sous diverses formes, l'auteure aborde entre autres les thèmes du racisme, l'alcoolisme et les drogues, les gangs, le deuil, les traditions culturelles.



" - Je suis différent, je suis un sang-mêlé, Je le serai toujours, la moitié du sang de l'un et la moitié de l'autre. Différent des deux."



Le roman s'articule autour de l'enquête. C'est là qu'intervient la voix de l'homme, Tommy, métis et enquêteur sur l'affaire. Lui aussi subit le racisme ordinaire au quotidien de la part de son coéquipier.

Lors de sa résolution, j'ai été ébranlée par l'identité de l'agresseur. L'auteure, une fois de plus, met en exergue la transmission transgénérationnelle de la violence et les répercussions qu'elle entraîne. La toile qu'elle tisse tout le long du livre nous apparaît enfin dans son ensemble.



" Ma Kookom. L'air sérieux, Stella regarde sa grand-mère droit dans les yeux. "Les filles ne se font pas agresser dans les quartiers sûrs."

Sa grand-mère la fixe malgré sa quasi-cécité. +Ma Stella, les filles se font agresser partout." "



Un article lu il y a quelques années m'est toujours resté en mémoire tellement il m'avait choquée et me révolte encore aujourd'hui. En bref, il était question de la violence que subissent les femmes autochtones, beaucoup plus présente que chez les autres femmes. Environ 70 % auraient subi des agressions physiques ou sexuelles au cours de leur vie et environ 50 % subissent des violences conjugales. C'est sans compter les meurtres et les disparitions. Se sortir de ce cercle de violence est extrêmement difficile, d'autant plus quand ça reste un sujet tabou et décrié.



Un premier roman très réussi, d'une grande densité, fort, sensible et poignant. Un roman très noir et sombre illuminé par l'entraide et l'amour qui transpire à chaque page. Une très belle histoire de femmes fortes, de sororité et de résilience et un très beau texte chargé d'émotions que j'ai adoré.



Je remercie le #PicaboRiverBookClub et Terres d'Amérique pour ce très beau partenariat et cette excellente découverte.
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Les femmes du North End

Un premier roman âpre et puissant qui témoigne de la violence subie par les femmes amérindiennes et plus globalement de la ségrégation qui perdure dans les strates de la société canadienne entre les blancs et les "peaux rouges", "les métis", deux communautés marquées par des frontières sociales et géographiques qui entretiennent cette exclusion et alimentent les violences. L'élément déclencheur du récit est la terrible agression dont est témoin un soir enneigé, Stella, une jeune mère de famille qui, malgré son appel à la police, est rongée par la culpabilité, celle de ne pas avoir fait plus. Il faut dire que ce crime résonne douloureusement en elle puisqu'il fait rejaillir des traumatismes subis par les femmes de sa famille. Cette violence est un véritable fléau que malheureusement toutes partagent et elle les rend victimes des hommes, des addictions, du déterminisme social. Alors, tour à tour, elles vont faire entendre leurs voix et témoigner des souffrances qu'elles ont vécues et ainsi, de fil en aiguille, le canevas autour de ce crime va se tisser et nous permettre de comprendre les circonstances du drame initial. Cette histoire est dure mais on ne se sent pas étouffer sous une chape de plomb ténébreuse et misérabiliste car le lien qui unit ces différentes protagonistes est très fort. La romancière donne vie à un tableau social et familial éprouvant, et aussi à celui d'une sororité magnifique et émouvante car ces femmes : mères, filles, grand-mères, cousines sont là les unes pour les autres. Ces héroïnes qui galèrent, qui ne sont pas non plus des modèles, s'aiment profondément, comme elles peuvent, et on les quitte émue.
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Les femmes du North End



Les femmes de North End.

Katherena VERMETTE



Roman familial.

Il y a la grand-mère, la mère, la fille, les petits enfants, les tantes et les cousins.

Beaucoup de femmes (9) et très peu d’hommes (dont la plupart n’ont pas la part belle).

L’une d’elle est témoin d’une grave agression une nuit dans la neige devant chez elle alors qu’elle essaie de calmer son bébé qui hurle.

Les policiers appelés ne semblent pas si inquiets et la font douter.

Les neuf femmes de cette famille vont prendre la parole dans ce roman choral pour raconter leurs vies, leurs drames dans ce quartier défavorisé de Winnipeg.



Un roman agréable avec un arbre généalogique au début qui est fort utile.

Les liens familiaux se tissent peu à peu et nous comprenons le fonctionnement de cette famille.

La pauvreté et la discrimination dont sont victimes les communautés indiennes sont abordées de façon pudique mais concrètes.

C’est une belle histoire malgré le fond tragique.

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