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Citations de Laurent Kloetzer (45)


Je ne me souviens plus d’avant. Tout était noir et froid et désagréable. Si j’ai eu une famille, si j’ai eu un visage, un corps, je ne me souviens pas. J’existe, je suis, j’avance. Ce que je fais je ne le fais pas exprès, je n’agis pas par ma volonté propre. Nous ne nous sommes pas rencontrés par hasard. C’est peut-être la volonté de Dieu, peut-être la bonne fortune ou une conspiration étrange. Je ne vais pas rester dans ce camp, je vais emmener mes frères ailleurs vers un pays plus beau et plus sûr. Nous aurons une vie heureuse et douce, dans la paix. Je m’efforcerai de rendre le bien que je reçois, j’aimerais te rendre le bien que tu me donnes.
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Je savais que les Elohim collectionnaient les souvenirs et les talents de ceux qui les voyaient apparaître.
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Vostok dort, d'un sommeil semblable à la mort; le bruit des moteurs s'éloigne de plus en plus, le vent siffle et emporte les paroles.
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Nous sommes dans le noir, dans le froid. Nous sommes à la merci de la nuit et de ses fantômes. Nous avons tous peur, jamais nous n'avons eu autant l'impression d'être abandonnés.
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Il lit au-delà des mots, il voit dans les cœurs. Il prononce des paroles de sagesse. Il est éclairé par Dieu
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Si on t’a joué un tour on t’a joué un tour merveilleux, payé au prix le plus cher : la disparition finale du magicien, pour maintenir l’illusion, pour qu’il ne soit plus jamais possible de la dissiper. Si ton garçon était un artiste, c’ était un artiste extraordinaire, un des plus grands qui soit.
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Qu’elle qu’ait été sa nature, j’ai aimé ce garçon. Je l’ai aimé non comme on aime parfois un enfant ou comme on aime un homme, je l’ai aimé pour lui-même. J’ai eu envie de le protéger, de le soutenir, de le croire. De le suivre. Les récits de Wissam et de Mehdi étaient clairs, sans lui ils n’auraient jamais parcouru la route, jamais fait ce chemin. Sans son charisme, sans le regard toujours aimable qu’il portait sur le monde et cet espoir qu’il tenait par dessus tout que les choses allaient s’améliorer…
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Il a ri encore, comme si cette conversation entière n'avait pas de sens. J'ai posé d'autres questions mais ce que je disais ne comptait pas, j'essayais de le cerner, de le saisir mais il m'échappait. Il était assis là, léger et joyeux, devant son gobelet plein de thé très noir qui refroidissait, faisant rayonner son sourire alentour.
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《Que veux-tu faire, maintenant?
- Vivre. Juste vivre.》
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On pouvait croire ou ne pas croire aux buzz mondiaux orchestrés par la secte d'Aion. Les considérer comme les teasers d'un blockbuster étrange, vendant des séances de méditation de pleine conscience collectives dans des stades, des livres, des reportages, des récits de science-fiction mal bricolés nous expliquant que les Elohim "venus des étoiles" allaient nous apporter le soulagement spirituel auquel l'humanité aspirait. Je n'avais rien contre les believers, ni tous ces jeunes et moins jeunes qui se teignaient une mèche de cheveux couleur cuivre pour marquer leur attachement à Noïm, Christ new age de notre temps.
J'y croyais, n'y croyais pas, mon opinion n'avait pas d'importance, pas même pour moi. Mais là, envoyée en reportage sur une des frontières de notre forteresse Europe, j'avais assisté au plus étrange des phénomènes qu'on associe aux Elohim, cette disparition-apparition qui est le signe, la singularité de nos frères non-humains.
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Je l'ai aimé non comme on aime parfois un enfant ou comme on aime un homme, je l'ai aimé pour lui même.
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Les jours passaient et nous commencions à nous inquiéter. Le moindre contrôle de police, la moindre question officielle ou la moindre dénonciation et nos trois garçons seraient emmenés dans un des centres fermés pour un traitement accéléré de leur procédure d’asile, et je savais comment ce traitement se terminerait pour au moins deux d’entre eux. Enregistrés dans un camp Frontex, ils seraient renvoyés dans un camp Frontex, au Maghreb ou en Turquie. Aucun avocat n’oserait défendre la nécessité pour un Elohim de rester avec ses frères. Nous avions entamé des démarches administratives, contacté les associations d’aide, un avocat, collecté un peu d’argent, et puis nous attendions. L’attente, les doutes, les incertitudes, tout ceci use les esprits et les volontés. Ceux des réfugiés, en premier lieu, ceux des personnes qui les aident. On est sans cesse inquiet, sans cesse à l’affut. C’est destructeur.
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Ma vie a repris, la course permanente contre le temps. Le voyage à Araies a duré bien plus que les quinze jours passés là-bas. J’en ai parlé, j’ai écrit dessus, pour moi, pour Edward, pour des amis. J’ai enquêté sur les réseaux d’Aion, je suis devenue « une amie d’El-Ze » et j’ai visité l’Elohim Zentrum, ils ont même proposé de me payer pour que j’en parle sur mon flux personnel, ce que j’ai refusé. Je n’ai assisté qu’à une seule des réunions d’opening, comme ils disaient alors. J’ai continué à suivre les apparitions d’Elohim à travers le monde ; il y en avait de plus en plus, avec le même taux de hoax qu’avant.
En parallèle, j’ai cultivé mes contacts à Araies et ai enrichi ma culture au sujet des politiques migratoires de la confédération. Centres de regroupement, mineurs non accompagnés, matière noire, théorie de la submersion, associations de soutien, collectifs populaires pour et contre, etc. Je suis principalement restée en lien avec Marie-Claude (Gertrud s’est envolée pour un autre camp, en Turquie), j’ai pu rassembler grâce à elle quelques autres témoignages de swaps d’Issa survenus dans le camp ; Marie-Claude m’a dit avoir assisté à l’un d’entre eux mais n’avoir pas pu le filmer…
Wissam, Issa et moi nous étions promis de nous parler une fois par semaine, pour suivre leur dossier, mais les rendez-vous étaient difficiles à honorer pour eux, les autorisations d’accès au réseau étant fluctuantes et difficiles à négocier. J’ai passé plusieurs vendredis après-midi à attendre qu’il soit disponible, pour passer des conversations toujours frustrantes. Ils me demandaient d’étudier une demande d’asile traditionnelle, ou alors d’envoyer de l’argent (ce que je n’ai jamais fait), ou alors d’essayer de contacter telle ou telle personne pour eux, d’un coup sur l’autre leurs plans changeaient.
En septembre, les émeutes ont éclaté dans le camp, organisées selon les médias par le cheikh Saïf Al Islam, accusé par les autorités locales d’utiliser les infrastructures européennes pour organiser des activités terroristes. Marie-Claude a immédiatement été évacuée, ainsi que la plupart des ressortissants européens à l’exception des agents de sécurité, et la répression très brutale a été menée par la police et les sociétés privées de sécurité mandatées par Frontex.
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L’Hôtel des Mines d’Araies était ma dernière escale avant le camp Frontex, un palace désolé datant du temps de la colonisation avec réseau satellitaire dernier cri, climatisation aléatoire et plomberie bruyante. J’ai envoyé un mot à Edward pour le rassurer et le faire rire et je me suis allongée une vingtaine de minutes sur le lit étroit ; le trajet depuis la capitale du gouvernorat dans le taxi surchauffé m’avait porté sur les nerfs, je voulais souffler un peu avant d’aller retrouver Gertrud. C’était mon tout premier reportage de ce type ; à dire vrai, j’appréhendais l’arrivée au camp.
Tout ça, l’hôtel, le voyage, avait été financé par un crowdfunding monté à l’arrachée et bouclé dans les toutes dernières secondes. Comme par miracle, juste après ça, une commande de pige était tombée de la part de la Zürcher Zeitung me demandant de pondre un papier sur les cadres supérieurs lancés dans des « vacances humanitaires », et un autre de la part des écoles polytechniques fédérales pour rendre compte de Sofar, un programme diplômant d’enseignement informatique s’adressant aux étudiants qualifiés bloqués dans les centres de réfugiés. Le monde entier conspirait à ce que je me rende à Araies, j’avais pris ça comme un signe. Je devais rester deux semaines, jamais je n’avais laissé les enfants aussi longtemps.
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J'avais fait la connaissance d'un jeune garçon et ce garçon n'était pas humain. Pas complètement humain.
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“Il était assis là, au milieu de ces deux-là. On ne voit pas le troisième, il est à côté de moi.”
Un espace vide entre deux garçons à la peau mate. J'ai récupéré la photo, zoomé, regardé, zoomé encore, analysé la photo avec des services spécialisés. Aucune trace de retouche. Marie-Claude en avait pris trois, toutes très semblables, toutes présentant la même absence. Cette histoire m'a plu. J'ai décidé de creuser.
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Il s'est campé, jambes écartés, au milieu du toit et il a déployé le drapeau de notre Union soviétique, le grand étendard rouge de la révolution prolétarienne. Nous étions une expédition de quatre tracteurs géants, nous venions de parcourir 1 400 kilomètres et nous arrivions après trois semaines de voyage, portant le carburant, la nourriture, la chaleur, j'avais le coeur fier pour l'équipe, pour notre grand pays.
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Il avait raison, bien sûr. Mais j'ai levé le menton :
- "En quoi est-ce que je trouble l'ordre et la sécurité ?
- Es-tu mariée ?
- Non, bien sûr...
- Voilà"
Il m'avait mouchée. Tous les types me regardaient en souriant, même ceux que je considérais comme mes amis, mes soutiens. En moins d'une seconde, le temps de dire "voilà", cette mauvaise blague, et une jeune femme au milieu des hommes devenait une grenade dégoupillée, une putain en puissance. Mironov m'avait eue.

(Extrait du livre "La base du bout du monde" par Veronika Lipenkova)
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Vostok est un promontoire. Ton frère et ses copains voient nos cabanes pourries et les vieilles machines soviétiques, et le froid, et le vent, mais toi tu sais que c'est un lieu tout au bout du monde et que rien n'y est comme ailleurs.
(Vassili à Leo)
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La vie de la base dépend de la centrale électrique. Un bâtiment à l'écart contenant deux moteurs diesel qui tournent en permanence pour générer le courant dont nous avons besoin. Il s'agissait à l'origine de moteurs de bateau, robustes et et fiables, installés séparément des lieux de vie. Ils sont le coeur battant de la base, source de lumière et de chaleur, objet des soins constants d'Anatoli Kouprine, chef électromécanicien lors de mon deuxième hivernage. La cause du départ de feu n'a jamais pu être déterminée : un court-circuit, un fût d'essence mal refermé diffusant ses vapeurs dans un espace confiné, une étincelle... La négligence, la malchance.
(Extrait du livre "La base du bout du monde" par Veronika Lipenkova).
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