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Citations de Léon-Paul Fargue (238)


Dans la rue qui monte au soleil morne et grand ouvert, des voix conseillent qu'on s'accoude aux fenêres, pour voir passer les trains de luxe, au bord du ciel, à droite, par-dessus les arbustes du jardin de la gare. Un train écume et se rendort. Des musiques diffuses rôdent. La vie antérieure émerge et chuchote.

Villes de songe, lorsqu'on pense à vos noms plaintifs, on prête l'oreille.. II semble que des voix longues vous hèlent par-dessus les barrières et les chants des âges, et que des odeurs, comme des veilleuses, et que des fougères d'étoiles s'allument.. Il semble que vos ruines tremblent sous leur châle de lune, et que l'horizon bouge, au plus profond des nuits repues de silence, d'une lente pluie de larmes...
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PHASES

-Dites-moi. Savez-vous même
Aimer aussi qui vous aime?

-Mon oiseau de paradis,
C'est quand le soleil sourit.

-N'est-ce point là qu'une mouche
Dit sa musiquc jalouse?

-Le silence bleu et or
Cueille d'invisibles fleurs.

-Ah le soleil délaissé
Faisait mon intimité.
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Paris file à toute allure vers un avenir plus sec et certainement moins nuancé. Déjà le contraste entre la décoration "art nouveau" du Maxim's et la physionomie des dîneurs apparaît à celui qui le veut bien. On n'y entend plus parler que de pactes, de plans (avez-vous remarqué que tout le monde a le sien), de records ; on explique la sexualité par la biologie, la biologie par la sauce mayonnaise...
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Point n’est besoin d’écrire pour avoir de la poésie dans ses poches. Il y a d’abord ceux qui écrivent, et qui constituent une académie errante. Puis il y a ceux qui connaissent ces secrets grâce auxquels le mariage de la sensibilité et du quartier fabrique du bonheur. C’est pourquoi je pare du noble titre de poète des charrons, des marchands de vélos, des épiciers, des maraîchers, des fleuristes et des serruriers de la rue Château-Landon ou de la rue d’Aubervilliers, du quai de la Loire, de la rue Terrage et de la rue des Vinaigriers. A les voir, à leur sourire en courant sur le trottoir gravé de fatigues, à demander des nouvelles de leurs filles, à voir leurs fils soldats, je me sens réjoui jusqu’aux écrous secrets de mon vieux cœur sans haine.
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La nostalgie n'était pas mon métier. Mais on a voulu me mettre tout jeune dans un atelier de tristesse, et j'ai pris la filière. On m'a montré les outils du malheur, les limes du cafard, les rabots de l'ennui, les courroies de transmission de l'agitation et du souvenir. On m'a appris à relier mon coeur aux autres coeurs, à beaucoup attendre des hommes. On m'a enseigné à ne présenter aux femmes que le plus faible de moi-même. Et je suis devenu peu à peu un gaillard de métier qui connaît bien son affaire. Mon Dieu! Que ne m'a-ton appris le bonheur! C'eût été si simple, pendant qu'ony était. Et je n'attendrais pas aujourd'hui, crucifié sur des pancartes, voué aux horaires, que les filles du passé et de l'impossible accourent auprès de moi, en rond, et remuantes et stupides, mais heureuses.
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Peu à peu, le sommeil et ses algues glissent sur mon corps de sable et de détresse, et tels que des vagues rappelées par les clairons de l'Amérique. Je suis à marée basse, et je peux rentrer pieds nus dans les barques correctes de la vie bourgeoise, digne et sérieuse. Allons! Encore un effort...
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Un destin, c'est de l'ouragan en bouteille, mais qui fermente dans un sternum.
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Et depuis cent ans, je suis à la recherche de ces ombres, depuis cent ans je parcours les impasses, je cogne aux portes, j'implore des lucarnes. Mais les couloirs me ramènent aux couloirs. J'attends mon tour de sortir. Qu'il fait noir, dans ce monde où l'on finit par se heurter à son propre corps, par s'apercevoir partout en caravanes! Que faire pour éviter ces hordes de moi-même qui remontent les avenues, font la queue aux gares, occupent les tables des cafés ?
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Alors, paix sur la terre aux hommes de bonne incohérence!
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Ce n’est pas, à proprement parler, un ghetto comparable à ceux de Pologne, de Roumanie ou de Hollande, c’est un petit pays limité par la rue du Roi-de-Sicile, la rue Ferdinand-Duval, autrefois rue des Juifs, et la rue Vieille-du-Temple, et dont le centre se trouve au coin de la rue des Écouffes et de la rue des Rosiers, où s’ouvre la librairie Speiser, rendez-vous de tous les Juifs du monde. Stephan Zweig ne traversa jamais Paris sans faire une visite à cette boutique. Trotsky venait souvent s’y asseoir. J’y suis entré tout à l’heure pour y apprendre la mort de Zuckermann, qui tenait à cette place, il y a quelque trente ans, un excellent restaurant où nous venions avant la guerre, Charles-Louis Philippe, Michel Yell, Chanvin et moi-même, attirés par une eau-de-vie qui sentait la violette et que le fils du patron nous servait avec une grâce de petit seigneur.
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Il est commun de s'attendrie sur Montmartre et sur Montparnasse. Ces deux quartiers complètent Paris comme un coup de peigne achève le fini d'un type vêtu comme i lui sied. Supprimez-les, et vous aurez l'impression d'avoir sous les yeux quelque chose d'aussi inconnu qu'un homme sans cravate.
(Début de Paris au temps des valses)
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Contrairement à une légende entretenue dans la cervelles des jeunes bacheliers par des papas casaniers, la Chapelle n'est ni un quartier de crimes, ni un quartier de punaises. C'est un endroit charmant, et même sérieux. Mais sérieux dans le sens où le mot s'applique à un bourgogne, à un cassoulet ou à un brie de Melun. C'est un plat sérieux.
(extrait de Mon quartier)
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LIEDER OU L’ON SOURIT POUR NE PAS PLEURER
Pour André Lebey.

MATIN
  
  
  
  
Loin de la ville
Sitôt crépite
La libellule
De linon bleu.

C’est le matin
Pauvre malade.
Il fait si doux
Qu’on est heureux.

La lampe sœur
Au col marin
Couve sa peur
Sous le clin bleu.

Elle contrôle
Qui dort encore
Et arque drôle
Sa clef d’or.

Au bleu baiser
Sur la croisée
L’oiseau commence
À chanter.

Sur la croisée
Triste ai-je dit
L’oiseau timide
Interdit.

Les hauts nuages
Qui frôlent vieux
Ont passé l’âge
D’être heureux.

Qu’est-ce qui trinque
Dans la rue bleue ?
C’est un forçat
Délivré d’eux.

Un chant pas loin
Part de l’église.
Il fait si doux
Qu’on est sauvé.
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KLAGELIED
  
  
  
  
O misère de trop aimer.
On se tient mal à cause de cela.
Lorsqu’on donne la main, on rougit.
Pourtant, nous touchons aux fleurs,
Aux cristaux, aux petits encriers.
Et l’on se touche, pour pleurer.
Il me faut beaucoup de silence.
Rien qu’un bruit…
Tranquille au parc bleu :
Pas de l’enfant qui se lamente
En souvenir de tes yeux bleus.
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LE TIMIDE

À pas menus, feutrés d'appréhension, il s'est approché du comptoir. C'est là le but que s'assignait le combat qui prit naissance dans la rue. Entrerait-il ? Il est là, maintenant, fiché, attendant - comme une aumône - le verre qu'il a commandé d'une voix sourde... Il aimerait, comme les autres, pouvoir se manifester, parler... Il n’ose. Une longue succession d'épreuves est venu alourdir le complexe obscur qui mijote dans son effacement. Tout l'affole : les lumières, les glaces, les gens, le bruit. Une admiration jalouse lui vient pour le patron massif aux biceps de bœuf; et la sûreté infaillible du garçon, aux gestes de prestidigitateur, qui veille à la voltige des bouteilles, l'écrase, le bluffe. Il est le bouchon que balotte, engloutit, recrache, et submerge à nouveau la vague des épaules et des coudes anonymes. Insensiblement, par étapes, repoussant son verre, il a gagné un coin. Le mur gratiné de faïences, stoppe sa retraite, un percolateur ventru, maintenant le dissimule. La confiance renait de l'abri que lui offre le nickel éblouissant. Il risque un regard sur l'image que lui renvoie le flanc miroitant de la machine. Il essaie un sourire qui fidèlement lui est restitué. Il tente une moue dédaigneuse et se félicite de l'intérêt que, soudain, elle donne à sa pauvre gueule. Il grimace, se cure les chicots d'un bout d'allumette, avantage sa pose d'un coude artistement posé sur le rebord du zinc, redresse sa taille, incline son feutre verdi, cligne de l'œil, et le goût du monde en lui est revenu, commande d'une voix affermie : — … « Garçon, un quatre !… 
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On ne saurait nier que la rue de la Paix, le Café de Paris, l’hippodrome de Longchamp, les hôtels de la rue de Varenne, les ambassades, les cercles de la rue du Faubourg- Saint-Honoré aient été, pendant plus de trente ans, les courbes d’un point de mire comme il n’en existera plus. Il me souvient d’avoir écrit, il y a quelque deux ans, un article en l’honneur de Paris, où je disais en substance que les avions ennemis, en cas de guerre, seraient à coup sûr frappés par le murmure d’histoire, d’élégance et d’amour qui se dégage de Paris, et qu’une présence providentielle, qu’une sorte de charme irrésistible leur commanderait de rebrousser chemin afin de laisser intacte sur le relief du monde une plante d’enchantements et de délices qui ne reprendrait pas de si tôt racine.
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Me voici au terme de mon voyage sentimental et pittoresque dans un Paris qui n’est plus, dans un Paris dont les prolongements ne nous parviennent déjà plus que sous forme de souvenir chaque jour plus pâles, ou de nouvelles déchirantes : la mort d’un ami très cher, la fin d’une famille naguère encore brillante, la démolition de quelque maison qui fut jadis choisie pour y tenir assemblée de bon ton.
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Trop de gens aujourd’hui ont « voulu » Paris, le cinéma s’y est mis, nous avons vu de ruer des troupes de Sarrasins à l’assaut de ce qui était autrefois réservé à quelques-uns. Ils sont bien libres. Toutefois, quand je lis dans la chronique : « Mme de Saint-Chouette vient de donner une soirée très parisienne en son hôtel, ou le comte Le Truc du Machin a convié quelques amis à se réunir pour un bridge », je rigole. Tout cela est très exact, les Saint-Chouette et les Trucmuche du Machin sont gens vivants et dépensant, mais ils sont d’un Paris aussi factice que les images cinématographiques. Ce sont des fantômes.
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Une des questions qui sont particulièrement importantes dans le tourbillon de la vie d’hôtel est celle des chiens, source d’ennuis et de tracas, voire de complications diplomatiques pour le personnel. Une armée de grooms doit être mobilisée plusieurs fois par jour pour la promenade hygiénique des clients à quatre pattes. Il faut de plus éviter les rencontres entre pékinois d’opinions politiques différentes, rencontres qui dégénèrent rapidement en bagarres. Enfin, il faut fermer les yeux sur de petits accidents d’ordre naturel, si naturels que certaines clientes ne comprennent pas que l’on s’en étonne et menacent de quitter l’hôtel à la moindre observation.
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Ce n’est pas impunément que j’ai comparé le George-V à un paquebot. Il supporte admirablement la visite, tout comme l’Île-de-France ou le Normandie. Mieux : il l’appelle, et il tient ses promesses. Entrer dans les profondeurs du George-V, c’est descendre dans les anciennes carrières du village de Chaillot d’où fut extraite la pierre qui servit à édifier l’Arc de Triomphe. Dans cette cave modèle, d’un silence de désert, s’empilent aujourd’hui des bouteilles aussi précieuses, pour quelques fous, que des vies d’hommes.
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