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Citations de Lili Leignel (19)


Maman a été notre guide, notre soutien, notre refuge, notre modèle.
Elle a su nous protéger, nous aimer par-dessus tout.
Notre mère nous a portés deux fois. Elle nous a donné deux fois la vie.
L’amour d’une mère est incommensurable.
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Lili Leignel
Les femmes gémissent, les enfants pleurent. Notre installation se fait dans le chaos. Nous nous asseyons par terre, et ne bougeons plus, serrés dans un recoin étroit. Robert et moi nous couchons à moitié sur une personne qui nous laisse faire, ne nous fait aucune remarque désobligeante. À la clarté du jour naissant, nous découvrons que nous avons dormi sur un cadavre.
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Nous sommes au préventorium depuis plusieurs semaines, le temps est sans fin. Notre moral est au plus bas, quand l’impensable se produit. Un miracle, que nous n’osions plus imaginer. Alors que nous sommes totalement désespérés, que nous avons complètement perdu foi en l’avenir, et que dans notre chambre nous sommes tous les trois amorphes, effondrés, à nous morfondre, la porte s’ouvre. Nous avons peine à le réaliser tant cela paraît irréel. Maman. Maman apparaît. Elle est revenue. Maman nous a retrouvés. Maman, dans un état épouvantable, d’une maigreur terrifiante – elle ne pèse plus que vingt-sept kilos –, mais elle est là, c’est bien elle. Nous n’arrivons pas à le croire. Maman est venue nous chercher, elle est vivante.

Nous fondons dans ses bras, transportés de joie. Elle, est en larmes. Maman est vivante, elle est avec nous. Nous retrouvons instantanément notre raison de vivre. Avec maman à nos côtés, tout redevient possible.

[...]

Entre cent trente mille et cent quarante mille femmes ont été déportées à Ravensbrück, dont huit mille Françaises. Près de quatre-vingt-dix mille y ont péri. Souvent je m’interroge et me demande comment, alors que tout le monde est mort autour de nous, nous sommes revenus tous les quatre vivants de cet enfer. La fratrie complète et notre mère. Je ne vois qu’une explication : l’amour de maman, sa force, son courage. Son énergie.

Notre mère nous a insufflé la foi dans la vie, elle a été l’ultime rocher auquel nous avons pu nous accrocher quand tout s’effondrait, que nous n’avions plus rien, que nous n’étions plus rien. Elle a continué à nous apprendre à nous tenir debout au milieu de ce champ de lambeaux de chair et de cendres. Elle a tenu à ce que l’on reste dignes, toujours. Elle s’est privée du peu qu’elle avait pour nous le donner. Elle a été notre joie quand nous la retrouvions le soir à Ravensbrück, alors qu’elle n’avait plus aucune force après le calvaire de l’Arbeit. Elle s’est battue chaque jour pour trouver de quoi nous nourrir, récupérer un bout de sucre, un peu d’avoine pour André. À Bergen-Belsen, son amour a permis que nous tenions encore, encore un peu… Elle n’a survécu que pour notre survie.

Maman a été notre guide, notre soutien, notre refuge, notre modèle.

Elle a su nous protéger, nous aimer par-dessus tout.

Notre mère nous a portés deux fois. Elle nous a donné deux fois la vie.

L’amour d’une mère est incommensurable.
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Je suis juive, et je ne sais pas vraiment ce que cela signifie. Mes parents ne sont pas pratiquants. À la maison, il n'est pas question de religion, uniquement d'amour, d'honnêteté, de valeur du travail.
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J’essaie de donner aux élèves une leçon de citoyenneté, d’humanité. Je les appelle à la vigilance pour que jamais plus l’ignominie ne puisse réapparaître. Je leur demande de combattre le racisme, fléau de notre époque, la xénophobie, l’antisémitisme, générateurs de désordres et de guerres. Je leur explique que l’on ne construit rien avec de la haine.

Je m’applique à leur renvoyer une image de paix, d’amour, d’optimisme pour qu’ils comprennent que l’on est acteurs de nos vies, responsables. Nous agissons en conscience.

Malgré tout le mal que l’on m’a fait, sans état d’âme, je veux leur montrer qu’il est possible d’agir et de transformer ce mal en bien. Et de rester digne. Cette valeur que m’a transmise maman, qui nous a tenus debout dans les pires moments et nous a permis de faire face à tous les événements de nos vies, qu’ils soient heureux ou malheureux.

Les jeunes m’écoutent, attentifs. Je vois qu’ils sont touchés, et je leur dis toujours : « Les enfants, il ne faut pas pleurer, je ne fais pas ça pour faire pleurer, ce serait trop facile avec ce sujet. Si je le fais, c’est pour vous faire comprendre qu’à votre tour vous avez un rôle à jouer : transmettre la mémoire, être mes petits messagers quand je ne serai plus là. » Mais parfois c’est plus fort qu’eux, ils essuient quelques larmes. C’est tellement dur à entendre. Ils sont sensibles.
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J’ai eu envie de rompre le silence à un moment très précis, encore vif dans ma mémoire.

L’antisémitisme a toujours existé. Il perdure aujourd’hui. Mais un jour, j’ai entendu à la radio quelqu’un dire que les chambres à gaz n’avaient existé que pour tuer les poux. Ces mots ont été si douloureux, si pénibles à entendre que j’ai décidé, ce jour-là, de réagir. Comment pouvait-on proférer de tels mensonges ? Comment pouvait-on nier ces faits ? Ça m’a mise hors de moi.

Ce jour-là, j’ai réfléchi à la façon dont je pouvais m’adresser à ces gens-là. La réponse qui m’est venue, c’est qu’il fallait éduquer les jeunes, les informer, les éclairer. Pour que ce pan de l’histoire ne soit jamais ignoré, il me fallait témoigner pour révéler à tous, au monde, aux jeunes générations, cette tragédie à nulle autre pareille, afin qu’elle ne se reproduise plus jamais.

Bien des déportés ne pouvaient le faire. Je les comprends bien sûr. Mais ce jour-là, j’ai réalisé que je ne supporterais pas que tout ce que nous avons subi puisse être mis en doute, que ma mission était de combattre le négationnisme par mon témoignage, jusqu’à l’épuisement.

Il faut que les jeunes sachent ce qui s’est réellement passé durant ces années de guerre, les crimes commis par les nazis. Les adultes, les plus âgés, savent. Je n’arriverai sans doute pas à changer leur point de vue. Mais il est encore temps d’éduquer les plus jeunes.
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Décrire la scène de la fouille m’est, aujourd’hui encore, pénible. Sur ordre d’un SS, nous tous, hommes, femmes et enfants, devons nous mettre nus. Nous obtempérons, mais c’est très difficile, surtout pour maman devant ses fils et ces jeunes SS pleins de morgue. Nous ne l’avons jamais vue nue. Je ressens sa gêne extrême, tous ces corps jeunes ou vieux m’incommodent énormément.

Un à un, nous devons alors pénétrer dans la guérite dans laquelle deux SS, très jeunes, sont assis et nous attendent pour procéder à la fouille. Il nous faut ouvrir la bouche pour qu’ils vérifient que nous n’y cachons aucun objet de valeur, argent ou bijoux en or qu’ils auraient pu s’approprier, puis ils nous forcent à nous pencher vers l’avant et à écarter les jambes, et pendant que l’un des deux SS éclaire avec sa lampe de poche, l’autre s’assure que rien ne se trouve à l’intérieur de notre sexe et de notre anus. Des larmes de honte me brûlent les yeux. Jamais je n’oublierai cette humiliation.

Quand nous sommes tous passés, nous devons nous rhabiller et on nous presse de nous rassembler pour le départ. Un départ pour où ? Nous l’ignorons.
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Maman a été notre guide, notre soutien, notre refuge, notre modèle.
Elle a su nous protéger, nous aimer par-dessus tout.
Notre mère nous a portés deux fois. Elle nous a donné deux fois la vie.
L'amour d'une mère est incommensurable.
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Le camp est en surnombre. Lorsque nous entrons dans le block qu’on nous a désigné, qui ressemble plus à un baraquement, il fait sombre, nous ne voyons pas très bien, mais nous devinons qu’il est plein à craquer. Immédiatement, un groupe de Polonaises se ruent sur nous. Menaçantes, elles se mettent à nous battre, nous maltraitent en hurlant sur nous. Elles nous reprochent de ne pas être morts. 《 Il n’y a déjà plus de place et pas assez de rutabagas pour nous ! 》, vocifèrent-elles.
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Quand les Anglais ont libéré le camp de Bergen-Belsen, le 15 avril 1945, des milliers de cadavres pourrissaient à même le sol.

Soixante-quinze ans après, je devrais être habituée à la mort. Mais c’est tout le contraire. J’en ai une peur terrible. Je la redoute. Je suis incapable de dormir dans une pièce sombre. Je ne veux pas de doubles rideaux à mes fenêtres. Ça me fait trop peur. Je dors très mal. Je fais des cauchemars. Je ne commence à m’apaiser qu’au petit matin, quand le jour apparaît. J’ai cette chance que mon organisme n’a pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil.

J’ai peur du noir, de la mort, des chiens. Je revis les scènes, j’entends les gémissements des mourants.

Je me demande encore comment nous avons fait pour en revenir vivants. Cela tient du miracle.
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Lili Leignel
Vous êtes mes petits messagers
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En classe, je me suis fait une copine, elle s'appelle Nicole. Elle est brune, gentille, pas vraiment exubérante, mais je l'aime bien. Sa maman est enseignante. Nous jouons souvent à la marelle dans la cour. Le soir, Nicole et moi faisons la route ensemble, en empruntant le pont Saint-Vincent
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À l'école, les jeux innocents occupent nos récrés, et l'on nous y distribue des biscuits vitaminés rectangulaires et du lait. C'est le moment préféré de notre journée et nous l'attendons avec grande impatience ! J'apprécie mes camarades, elles m'apprécient aussi. Je vais à l'école le cœur léger.
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Nous n’avons rien vu venir, nous n’avons rien deviné, tout à notre enfance bénie, choyée. Nos parents, pour nous protéger, ont préservé notre insouciance tant qu’ils l’ont pu.
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Nous sommes une armée de morts-vivants, chacun lutte pour arriver au bout du voyage et ne s'occupe que de son propre sort. Nous sommes les seuls enfants de ce convoi retour, mais nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.
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Massés les uns contre les autres pour s’encourager mutuellement, nous franchissons l’entrée du camp et découvrons ce décor apocalyptique, la peur tenaillée au ventre, sous les cris féroces des SS qui nous talonnent. Nous avançons vers notre fin, le néant. Des centaines de cadavres jonchent le sol, nous devons les enjamber, partout, des morts-vivants gisent, décharnés…

Je me souviens qu’à ce moment où nous découvrons Bergen-Belsen, maman et moi échangeons un regard, pensant toutes deux que, cette fois, nous n’allons pas nous en sortir. Mes frères restent muets.

Alors, après un lourd silence, maman se penche vers nous, elle préfère que nous nous disions adieu, tous les quatre. Nous nous embrassons, car nous nous attendons à la mort, désormais.

Mais ce qui va suivre sera pire que la mort.
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Comme nous sommes à présent trop nombreuses pour la capacité du camp, au Waschraum, il n’y a pas suffisamment de points d’eau et nous disposons d’un temps très court le matin pour nous rafraîchir. C’est chaque fois la bousculade. Alors maman a pris une décision : désormais, elle nous réveille une demi-heure avant la sirène, pour que nous puissions faire notre toilette avant tous les autres, car pour elle, la dignité doit l’emporter sur tout. C’est très difficile pour André, Robert et moi de nous lever si tôt, mais elle nous répète : « Les enfants, vous voyez, on nous a tout pris, nous n’avons plus rien. Mais il ne faut pas courber la tête. Redressons-nous. Soyons dignes. Et pour rester dignes, il faut faire sa toilette chaque jour, avoir l’air correct. »

Aujourd’hui encore, quand j’y repense, je trouve incroyable, invraisemblable cette force de caractère de maman. C’était un supplice pour nous, il faisait un froid glacial, c’était la nuit, mais elle tenait à ce que nous ayons ce moment d’intimité, à notre propreté, dans cet endroit sans nom, de boue, de puanteur, infesté de poux, oui, envers et contre tout, elle voulait que nous restions présentables, respectables…

Toute ma vie, l’apparence physique restera importante, par respect pour autrui et pour moi-même, et je pense que cela vient de là. J’ai gardé cette leçon de vie, celle de tenter de rester digne, en toutes circonstances.
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Dans notre désarroi, nous ne savons pas que prendre. Alors André, qui a trois ans, emporte son jouet préféré, un petit canard en bois à roulettes.
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Il y a beaucoup de choses que j’apprendrai ou comprendrai plus tard, car maman nous cache tant qu’elle le peut les faits terrifiants de notre vie là-bas, les monstruosités, l’inhumanité. Avec mes yeux d’enfant, je ne perçois pas toujours toute la réalité du camp ni sa perversité. La mienne, de réalité, est limitée à un enfermement sinistre rythmé par l’épouillage, une attente interminable, une angoisse irrépressible et un lent déclin physique. Je n’ai plus rien d’une enfant. Je ne sais plus ce qu’est l’enfance.
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