Leni Riefenstahl pouvait transcender la réalité. C'était précisément ce dont Hitler avait besoin.
L’œuvre de Brecht est donc pour la chanteuse un genre de langage illustré qui nous force à aiguiser notre regard critique sur le monde contemporain. Cette parole doit se transmettre car Brecht n’y voyait qu’un matériau à soumettre au collectif pour des adaptations futures. Nina Hagen est sa plus fidèle interprète. Elle est bel et bien une élève de Brecht qu’elle a toujours prétendu être.
Fidèle à elle-même comme à son héros. Connaissant le moindre mot de son mentor sur le bout des doigts. Il fut une véritable révélation. Voire plus, il s’opéra en son for intérieur une révolution artistique. Sans Bertolt Brecht, Nina Hagen n’aurait tout simplement pas été Nina Hagen.
Toute sa vie, Leni Riefenstahl a été en quête du beau, mais aussi de sa propre gloire."
Les mains de Nina Hagen
La première fois que j’ai vu Nina Hagen, j’ai été frappé par ses mains. Nous discutions dans l’arrière-cour du Berliner Ensemble et je me disais, en mon for intérieur, que ce sont ces mains-là qui ont joué de la guitare sur scène moins d’une heure auparavant. J’ai aussitôt pensé à la pochette de son premier album solo, Nunsexmonkrock, sorti en 1982. Nina pose en Vierge Marie avec sa fille bébé, Cosma Shiva. La main est tendue vers nous dans un geste d’amour.
Les mains de Nina Hagen : celles qui saluent la foule, celles qui applaudissent, celles qui tiennent des micros, celles qui prient, celles qui lèvent le poing en l’air, celles qui font le signe V de la victoire ; comme en 2011, sur la pochette de son album Volksbeat. Des mains qui donnent. « L’amour est nu comme la main » disait Jacques Prévert.
Bref, les mains d’une artiste.
Un instantané gravé sur ma rétine : Nina Hagen joint ses doigts pour faire un cœur. Elle me tire la langue. Nous sommes toujours dans la cour du Berliner Ensemble. Elle pose pour moi dans sa lourde parka jaune fluo à haute visibilité. Elle a des bottes de pluie rose. Juste au-dessus, il y a une silhouette de Bertolt Brecht, de profil. C’est comme un camée noir dans un médaillon.
Les mains d’une fille de Brecht.
La boucle est bouclée
Le 16 juin 1979, dans un article pour le magazine anglais Melody Maker, Chris Bohn se demande si « Nina Hagen peut devenir la plus importante contribution allemande à la pop culture radicale depuis Brecht ? » De tels propos pourraient faire tiquer. Quel rapport entre Bertolt Brecht et Nina Hagen ? Mais le rapprochement est loin d’être incongru, bien au contraire, tant les mots du dramaturge allemande font partie de l’A.D.N. de la chanteuse berlinoise. C’est la raison pour laquelle, depuis 2013, sur la scène du Berliner Ensemble d’abord et dans plusieurs autres salles d’Allemagne et d’Europe ensuite, Nina Hagen entonne les chansons et les textes de son mentor avec sa guitare sèche. Les gens sont ravis mais beaucoup sont étonnés devant un tel décalage entre son ramage et son plumage… Pourtant, il n’y a là rien de nouveau et Brecht n’est pas une énième lubie de la lady punk. Nina Hagen a toujours chanté Bertolt Brecht. Ce qu’il faut déjà retenir, c’est qu’il a toujours été là, au-dessus d’elle, en elle, pour elle, en toutes circonstances…
Les dimanches, on ne mettait pas la table.
[François Dieuaide]
Ceux qui la croisent ne savent pas que cette fille est en train de forger sa propre légende.
Ses démons dansaient avec frénésie devant elle. Elle avait été emportée dans une spirale et tout était devenu noir. Tout se confondait dans sa tête et il n'y avait plus d'écran pour projeter du merveilleux.