Changer de maison avec d'autres bagages,
changer de ciel pour un château sans âge,
changer de souffle, de pieds, de ventre,
devenir un battement d'aile d'oiseau,
La saveur de l'air, la gaieté du chemin,
l'eau profonde d'un puits, lieu
sincère qui rit au nuage ;
Changer de rue comme on change de crâne,
circuler dans le hennissement des chevaux,
dans la sève du sycomore et la senteur
heureuse des pierres : devenir
Du sommeil flottant dans un rosier fleuri
ou dans l'étreinte du regard extrême :
tel est l'art insensé de poésie.
Dans l'écriture
dans le creux des mots
il y a ce que nous sommes
en marche vers d'autres chemins
et la halte
inaccessible.
Le bleu se
déplie à
l'ouest du soir.
Les chemins sont vrais. inconcevables.
La terre donne à voir. il y a l'eau la roue
la soie teinte. la cueillette des taches
sombres et claires. la lumière gèle.
Ce sont chemins échappés. la terre ne manque pas.
effacement des vagues. devenir des pierres.
collines à plumes bleues. tilleuls.
miroirs d'amants d'autrefois.cette buée
du matin jeune sur le cuivre des près.
LES CHEMINS
L’automne attend sous les arbres
dans cette lumière incomparable
des fruits obscurs.
Déjà entre les pierres
la nuit comme l’eau
circule.
Tu es venu de plus loin,
ne dormant pas, dormant peu,
ne t’arrête pas en chemin.
Marcheur de plus d’étages,
le monde au-devant de toi
n’a plus de frontières,
il s’ouvre de l’intérieur où
tu cherches
obscurément.
Tu sens monter en toi les souvenirs :
un bleu couleur d’étoile
comme est la foule.
Puis avec la nuit viennent
d’autres nuages qui
te ressemblent.
On entend des cris
du côté des ombres,
des clefs
qui n’ouvrent plus aucune porte.
Peut-être est-ce la lune
avec soi qu’on emporte
au plus loin du temps avec
sa vieille charge de silence
sans trace aveuglément.
Comme une question arrachée
au silence
et c’est surgir :
lumière fut le soleil où l’inaperçu
glisse.
Tu lui demandes qui tu es, ô compagne!
vois, comprends :
ni l’instant lointain ni la déchirure de l’aube
n’exigent pareille alarme.
Mais toujours le sang vibre, appelle,
à cause de la terre et des arbres,
des sentiers et des lendemains.
Que ne suis-je une forêt,
un ruisseau, une ville impatiente,
un voyage que rien n’épuise?
Dans un même silence
les maisons et les jours
les corps endormis
miroirs et lampes
le pain les citrons les solitudes.
Puis cette marée en nous du désir
qui glorifie les roses :
c’est l’heure où d’antiques ténèbres
montent
jusqu’à la bouche natale.
Salve d’écume
ni aube ni voix
ni blessure ni enlisement
mais la parfaite nudité
comme un
coquelicot d’avril.
Comme nuage et vent
font un
avec
le ciel,
le parc
soudain tourne
au fond d’un rêve :
demain est
une matière bleue.
La joie infime
d’être
traverse les fleurs.
Un monde s’achève
plus grand
d’avoir été
si
proche.