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Citations de Lluis Llach (96)


Germinal, il y a quelques années j'ai lu un livre où on raconte que souvent, trop souvent, les pères meurent sans avoir dit à leurs enfants combien ils les aiment. Je sais que je ne me suis pas toujours bien occupé de toi, avec tout ce travail sur les quais et pour ce militantisme de merde, mais à présent, avant d'y aller, je voudrais te le dire. Mieux encore, je voudrais que tu m'entendes te le dire : je t'aime Germinal. Tu es ce que j'aime le plus au monde. Je voudrais que ça reste gravé dans ta tête, aussi vide que la mienne, me dit-il en souriant et en caressant mes cheveux.
Tu es mon fils, la personne que j'aime le plus au monde.
Je compris qu'il était en train de me faire ses adieux au cas où il ne reviendrait pas. Je ne pus éviter de fondre en larmes, à mon grand dam, car je voulais qu'il me voie à ses côtés comme un garçon courageux, et pas comme un petit pleurnicheur à la manque.
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Dans mon souvenir, l'appartement de mes parents n'est pas si minuscule que je sais aujourd'hui qu'il était. J'imagine qu'un enfant ne vit pas seulement dans l'espace que délimite son corps, mais aussi dans celui qu'il parvient à envahir grâce aux jeux de ses rêves.
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On me baptisa Germinal. C'était un prénom qu'à l'époque on donnait aux enfants des ouvriers athées, impies, révolutionnaires,, anarchistes, communistes, syndicalistes et généralement gens de mauvaise vie. Finalement, aux enfants des modestes travailleurs, plutôt agnostiques, qui voulaient changer le monde pour vaincre leur misère et préféraient le prénom d'un diablotin à n'importe quel autre trop bien vu par une Église qu'ils sentaient très loin d'eux, ou plutôt trop proche des gens biens.
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Mais la peur que procure à l'être humain cette ignorance à propos de lui-même et des choses qui l'entourent le poussse à se réfugier dans la croyance d'un dieu et finit par faire de son analphabétisme une religion. C'est pour cette raison que l'Église craint à ce point les découvertes scientifiques et la connaissance en général. Et pas seulement à cause de leurs démonstrations. L'Église n'a que faire que la Terre soit ronde ou plate, ce qui l'emmerde c'est que cet espace d'ignorance se réduise, parce que chaque fois que cela se produit son dieu ou son pouvoir, ce qui est plus ou moins pareil, se réduit lui aussi.
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Pour lui, tout était clair, il fallait partir. La droite au pouvoir n'allait pas perdre les prochaines élections et il ne supportait plus tous ces factieux. Comment la droite aurait-elle pu perdre en Espagne, quand on voyait ce qui se passait en Italie avec ce petit bonhomme costaud et têtu qu'il appelait le maquereau et qui l'irritait au plus haut point ? Pour ne pas parler du Teuton fou, là-haut, en Allemagne qui, tout cinglé qu'il était avait réussi à se faire élire. Et, pour couronner le tout, lui, qui se considérait de gauche, ne supportait pas les bolcheviques ni les moustaches de leur patron, le camarade Joseph.
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Alors que nous vivions ce processus consistant à troquer sa peau d'enfant contre celle d'un jeune homme, nous nous aperçûmes de façon pratiquement imperceptible que nous perdions le privilège de la protection dont bénéficient les enfants. On aurait dit que parents et amis levaient prudemment le rideau mystérieux qui avait préservé le monde fictif dans lequel nous avions évolué jusqu'alors, comme si notre entourage pensait soudain qu'il nous fallait à présent découvrir la cruauté et le paysage de notre infortune.
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Je vous raconte tout ça pour vous expliquer que pour moi des mots tels que éducation, connaissance et culture occupaient les autels les plus élevés de l'Olympe personnel de mon père. Les seuls autels et les seuls dieux qu'il vénérait.
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La gare ferroviaire était un colossal chaos, avec des milliers de garçons errants. Ils avaient l'air si jeunes qu'on aurait dit qu'ils étaient plutôt là pour partir en colonie de vacances que pour aller à la guerre. Des paquets, des gamelles, des pères et des mères les accompagnaient. La plupart faisaient une tête de gamin effrayé, même si certains avaient l'art de plutôt bien dissimuler. En tout cas, avec beaucoup de confusion, de nombreux cris et pas mal de désordre, chacun allait rejoindre le groupe auquel il avait été affecté.
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Parfois, nous nous asseyions sur le sable et David engageait une conversation inattendue.
- Tu crois en Dieu ?
Je pris un air surpris.
- Putain, non !
Il poursuivit en me lançant un regard grave.
- Tu n'as jamais de doutes ?
Je levai le poing.
- Aucun !
Il me regarda en souriant.
- Même pas lorsque tu vois ce que nous contemplons en ce moment ? Les étoiles, l'infini, l'harmonie...
Je lui sautai dessus et l'immobilisai en m'asseyant sur son ventre.
- Arrête avec tes conneries ! Si au lieu de regarder le ciel, tu regardes la Terre, en voyant ce qu'on voit, si Dieu existait vraiment, il faudrait s'en débarrasser tout de suite. Moi, je ne crois qu'en l'humanité, et en voyant ce que je vois, je ne suis même pas certain de lui conserver longtemps ma foi.
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C'était une époque où on croyait encore à l'être humain comme à une entité unique, qui méritait d'avoir une chance face à son destin et qui était doté d'une générosité magnifique. Vous imaginez ça, au début du XXIème siècle ? Pas moi. Ou est-ce seulement lorsque les collectivités sont confrontées à des périodes de difficultés exceptionnelles que se créent les conditions pour l'épopée de l'humanisme des meilleurs se révèle avec éclat ? Je l'ignore, voyez-vous. Mais même si pour rien au monde je n'aimerais revivre les moments horribles que j'ai dû traverser pendant ces années-là, je vous avouerai que secrètement, presque honteusement, j'en ressens une certaine nostalgie. Le souvenir du fantastique courage des résistants persiste au fond de moi, la faculté de toujours capter l'imposante grandeur des sans-noms. Ce doit être grâce à eux, ou seulement par eux, que l'humanité tout entière mérite son avenir.
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Et nous faisons des détours si prodigieux que nous finissons par perdre le fil de nos propos. On pourrait presque s'imaginer égaré parmi le lierre de tant de vécu accumulé. Le plus curieux est que nous le réalisons immédiatement. Moi, en tout cas, j'en suis tout à fait conscient. mais franchement, c'est tellement amusant de tirer les tiroirs de notre tortueuse cervelle où reposent nos expériences, de voir comment elles se sont fardées avec le poids des ans, que je ne sais plus m'en passer. Comme des enfants, nous jouons à nous perdre dans ce labyrinthe, en pensant présomptueusement que nous avons vécu les petits trésors d'un monde qui ne se répétera plus.
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De toutes ces belles choses qui furent balayées en même temps que la République, l'Ecole de la Mer est pour moi une des plus exceptionnelles. Au sein de tout ce chaos politique, du soulèvement social, de la lutte et de la confusion des valeurs, quelqu'un pensait fermement que l'avenir du pays et du monde devait passer par l'éducation des enfants. Comprenez-vous ce que cela représentait ? Au milieu de l'hécatombe que connaissait notre pays, et que malgré notre âge nous pressentions déjà, pendant que les gens s'entretuaient dans les rues, que les bombes des attentats ouvriers faisaient sauter des entrepreneurs, que les pistolets des mercenaires engagés par les industriels tuaient des travailleurs, et que des assassins institutionnalisés préparaient la destruction de la République, pendant ce temps, des hommes et des femmes oeuvraient pour donner un sens à l'un des plus beaux mots qu'on puisse trouver dans un dictionnaire, enseignement. p 47
(...) La devise de l'école était la suivante : " Apprendre à Penser, à Ressentir, à Aimer". p 48
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A tous ces problèmes, s'en ajoutait un autre, loin d'être négligeable et qu'elle ne pouvait partager avec personne : Elle était une femme et le vin était le sang d'un monde d'hommes et la plupart du temps de mâles nerveux. Les tractations commerciales étaient des écueils peuplés de requins et un parfum de femme pouvait éveiller les pires instincts chez les négociants. La plupart de ces commerçants prenaient comme une offense de devoir traiter avec elle. Mais ce n'était pas tout. A sa condition de femme s'ajoutait le fait qu'elle n'avait encore que vingt ans et, de plus, un caractère bien trempé, qu'elle savait parfaitement ce qu'elle voulait et ne lâchait jamais rien. Tout cela était insupportablement humiliant pour cette catégorie d'hommes, si tant est qu'il en existât une autre.
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Et ce fut ainsi, involontairement, que nous assistâmes de la mer au bombardement de Barcelone. J'espère que vous ne serez pas étonné si je vous dis que ce que je vis me fit une impression aussi terrible que merveilleuse. De ce lieu privilégié, nous apercevions l'immense dos de la ville qui monte jusqu'au Tibidabo exploser en étranges volcans de feu qui s'élevaient par rafales et dessinaient un chemin de terreur tracé depuis le ciel. Nous aperçûmes également les énormes projecteurs de la défense antiaérienne lancer leurs faisceaux de lumière en direction de la nuit, tournant dans tous les sens pour tenter, en vain, de chasser les faucons que nous distinguions parfaitement de là où nous étions. Les batteries situées sur les hauteurs de la ville et du Carmel tiraient à l'aveugle vers un endroit du ciel éloigné de celui où volaient les bombardiers. Quelle image monsieur le réalisateur! Ah, si je savais vous la décrire mieux que cela ! Avez-vous quelquefois imaginé la beauté de l'apocalypse. Eh bien de là où nous nous trouvions, en pleine mer, là où le reflet de l'horreur se multipliait sur l'eau calme, nous étions des spectateurs bouleversés. Et émerveillés.

Barcelone fin 1937 - Germinal 17 ans - d'une barque de pêcheur - page 185
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On me baptisa Germinal. C'était un prénom qu'à l'époque on donnait aux enfants des ouvriers athées, impies, révolutionnaires, anarchistes, communistes, syndicalistes et généralement gens de mauvaise vie. Finalement, aux enfants des modestes travailleurs, plutôt agnostiques, qui voulaient changer le monde pour vaincre leur misère et préféraient le prénom d'un diablotin à n'importe quel autre trop bien vu par une Eglise qu'ils sentaient très loin d'eux ou plutôt trop proche des prétendus gens biens. Le fait que mon père se fasse embaucher au port et que la vie se complique après son adhésion au syndicat me fit perdre toute éventualité de porter un prénom en rapport avec les Evangiles.

Page 19
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Lentement, me regardant dans les yeux, il me parla comme s'il récitait une leçon apprise pour l'occasion :

- Germinal, il y a quelques années j'ai lu un livre où on raconte que souvent, trop souvent les pères meurent sans avoir dit à leurs enfants combien ils les aiment. Je sais que je ne me suis pas toujours bien occupé de toi, avec tout ce travail sur les quais et tout ce militantisme de merde, mais à présent, avant d'y aller, je voudrais te le dire. Mieux encore, je voudrais que tu m'entendes te le dire : je t'aime, Germinal. Tu es ce que j'aime le plus au monde. Je voudrais que ça reste gravé dans ta tête, aussi vide que la mienne, me dit-il en souriant et en caressant mes cheveux. Tu es mon fils, la personne que j'aime le plus au monde.

Je compris qu'il était en train de me faire ses adieux au cas où il ne reviendrait pas. Je ne pus éviter de fondre en larmes, à mon grand dam, car je voulais qu'il me voie à ses côtés comme un garçon courageux et pas comme un petit pleurnicheur à la manque.

Barcelone - 19 juillet 1936

page 112
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C’était une époque où on croyait encore à l’être humain comme à une entité unique, qui méritait d’avoir une chance face à son destin et qui était doté d’une générosité magnifique. Vous imaginez ça, au début du XXIe siècle ? Pas moi. Ou est-ce seulement lorsque les collectivités sont confrontées à des périodes de difficultés exceptionnelles que se créent les conditions pour que l’épopée de l’humanisme des meilleurs se révèle avec éclat ? Je l’ignore, voyez-vous. Mais même si pour rien au monde je n’aimerais revivre les moments horribles que j’ai dû traverser pendant ces années-là, je vous avouerai que secrètement, presque honteusement, j’en ressens une certaine nostalgie. Le souvenir du fantastique courage des résistants persiste au fond de moi, la faculté de toujours capter l’imposante grandeur des sans-noms. Ce doit être grâce à eux, ou seulement par eux, que l’humanité mérite son avenir.
C’était une époque intense, peu encline au calme ou à la réflexion, qui palpitait à une vitesse démoniaque. p 108
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Pour être sincère, je ne me sens pas très à l'aise parmi toutes ces soutanes et pourtant je suis croyant, un pur et dur, mais... En plus, l'évêque Roderich est une personne très distinguée et on ne sait jamais, comment se comporter avec lui. Il parle comme un érudit, s'écoute beaucoup et vous pose juste une petite question, de temps en temps, pour vous permettre d'exister.
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À l’époque, je pensais que les enfants étaient la réalisation de deux personnes, mais c’est une ineptie. Les pères ne sont que des acteurs solidaires, c’est vous, les femmes, qui portez tout le poids de l’œuvre…
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C'est alors que Maria, debout, le fixant dans les yeux et avec un surprenant regard d'acier pour ses frères, prononça ces mots qui sonnaient le début d'une nouvelle ère :

- Robert Roderich, si j'ai bien compris, notre père m'a sacrifiée en m'enfermant dans la Principal, pour que de votre côté vous puissiez aller vivre à Barcelone pour votre travail, vos études et pour entamer une existence qu'on m'avait tout bonnement refusée. Il a jugé, sans doute à tort, que, vu les circonstances, c'était mieux pour la famille. Et vous les mâles du clan, vous avez trouvé parfaitement normal que la fille de la maison acceptât de se faire emprisonner à vie entre les quatre murs d'une bâtisse luxueuse et ruinée pour surveiller un cellier rempli de richesses qui devaient vous revenir.

Maître Pagès l'écoutait, fasciné. Voilà l'intelligence de sa mère et l'autorité de son père réunis dans une jeune femme apparemment fragile mais qui à présent, juste en cet instant, était en train de déployer ses ailes pour prendre son envol.

Page 112 - Hiver 1893 - ouverture du testament chez le notaire, un grand moment du récit!
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