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Citations de Louis Chadourne (15)


Louis Chadourne
JARDINS DE NOVEMBRE

La brume s'échevèle au détour des allées,
Un souvenir épars s'attarde et se recueille,
Il flotte une douceur de choses en allées
Un songe glisse en nous, comme un pas sur les feuilles.

Les jardins de Novembre accueillent vos amours,
Ô jeunesse pensive, Ô saison dissolvante,
Les grands jardins mélancoliques et qui sentent
La fin, la pluie - odeurs humides de l'air lourd,
De choses mortes qui retournent à la terre.

Iris mauves aux parfums âcres, aux tiges pâles,
Ployés un peu, et qui se fanent, solitaires,
Et laissent tristement pendre leurs longs pétales
Transparents, trop veinés, trop fins - comme une lèvre
Dont les baisers ont bu le sang et la tiédeur

Cherche encore une bouche où poser sa langueur.
Le grand jardin brumeux sommeille. Sourde fièvre
Ô parfums trop aigus des iris et des roses
Flétris - parfums et mort - serre chaude d'odeurs.

Tout l'univers mourant qui s'épuise en senteurs
Et puis dans la tristesse odorante des choses
Effeuillant, inclinant, chaque fleur du jardin
D'un battement furtif, égal et doux, se pose
L'aile silencieuse et lasse du déclin.
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Instant
 
Je voudrais que notre amour
Pût tenir en une parole :
Je la redirais jusqu'à l'aube.
 
Je voudrais qu'il fût immobile,
infini comme la ligne
Qui sépare le ciel de la mer.
 
Je voudrais qu'il n'eût ni veille ni lendemain,
Pareil à un astre arrêté à son zénith,
Pareil à un flambeau solitaire
Dont l'ardeur ne se nourrit que d'elle-même.
 
Je voudrais qu'il fût à la fois
Toute sa douleur et toute sa joie,
Un instant d'homme et l'éternité,
La vie et la mort tout ensemble.

 
*
 
La douleur des séparations est faite du regret des jours passés et de la crainte des jours à venir. Les jours passés nous ont paru bien courts ; les autres nous semblent bien longs. Puissions-nous rester unis longtemps, à quelque distance les uns des autres où nous mettent les nécessités de la vie ! Est-il rien de doux comme une parole d'ami dans la peine et dans l'isolement. Et si cette parole est douce à recevoir, n'est-elle pas encore plus douce à adresser. Est-il, a-t-on dit, une volupté plus délicate que de consoler !
 
30 août 1907 – Carnets 1907-1925, Morceaux choisis. (hors-recueil)
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Frontispice


Entre deux roses qui se fanent
L’Amour penche le sablier ;
Et la bouche qui souriait
Devient la bouche qui ricane.

« Écoute la chanson légère »
Que fait, en s'écoulant, le sable
Et crispe ta main sur le verre
Pour maîtriser l'insaisissable.

Ma jeunesse fuit : ta beauté
S'efface. De nos deux images
Restera ce qu'il est resté
De l'ombre errante du nuage.

Le vent du soir courbe la flamme
Demeurons, Amour : il suffit
D'un baiser pour étouffer l'âme
Vaine quêteuse d'infini.

p.13-14
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Trois
petits Préludes
II


Seront-ils le terme d'un songe,
Ces feuillages où l'Aventure,
Comme l'eau, le désir ou l'ombre,
A glissé sans regret de lune ?

Ces arches creusées de lueurs.
Ces barques lourdes de désirs.
Le soir penchant sur les eaux calmes
Un visage de souvenir ;

La nuit tiède et lisse à nos mains,
Tel un corps aux parfums obscurs,
Le plaisir beau comme un orage.
Et ces bouches dans l'ombre, avides ?

De tant d'ardeurs évanouies
Ne restera-t-il pour emplir
La splendeur lancinante et vide
Des nuits si belles à venir,

Que ces images obstinées,
Ces feuillages où l'Aventure...
Et cet arbre nu sur le ciel
Que scellait une étoile unique ?

p.17-18
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LE SECRET


Trésors des nuits et vous dons éclatants du jour,
Qui m'avez, ombre molle ou trop vivace flamme,
De tendresse ou d'orgueil dilaté tour à tour,
Ainsi donc je vous ai tenus en ma pauvre âme

J'ai senti sous ma peau se couler chaudement
La sève de mes jours et l'été de ma vie,
J'ai compté la douceur de chaque battement,
Et de vivre ma chair fut sans cesse ravie.

Par grappes les instants comme des raisins mûrs,
Ensanglantaient mes mains de leur tiédeur pourprée
Et le Moi du présent tendant vers son futur
Fiévreusement ainsi qu'une bouche altérée.

Et maintenant, je sais un bonheur plus certain
Que la minute ardente et dont s'émeut notre ombre
Mais dont l'éclair farouche, éblouissant et vain
S'abîme pour jamais dans le passé sans nombre.

Je sais que l'Univers une fois possédé
Est mien comme le sont ma joie et ma tristesse
Que le multiple amour dont je suis habité
Le vêt d'une éternelle et paisible richesse.

Que l'algue qui se ploie au sillage qui luit
L'arôme ensoleillé des pins gras de résine ;
Que les étoiles dans les arbres, et le bruit
Du jet d'eau qui fait sangloter la nuit divine,

Que le fruit qui se gonfle et dont rit le verger
Que l'herbe qui se meut vers le soleil, la flamme
Souple, la terre et l'eau vivantes, l'air léger,
Que ce qui vit et meurt a pour centre mon âme

Je suis riche d'un monde impalpable et puissant
D'où naissent le bonheur et l'orgueil solitaires
La clarté que je vois, le parfum que je sens
M'enivrent d'un docile et quotidien mystère

Et c'est pourquoi, prunelle aveugle de la nuit,
Ô Mort, je vais sans peur vers ta gloire inféconde
Émerveillé de moi, je consens et te suis ;
J'emporte en mes yeux clos le visage du Monde.
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Louis Chadourne
Trois Préludes 1

La nuit s'est refermée
Comme un calice obscur
Sur la pulpe dorée
Et tiède de la chambre.

La lune se consume
Sous un arc de silence
Et je ne sais plus rien
Sinon que je suis seul,

Mordu par un désir
Qui se mêle aux rumeurs
Du jardin frissonnant
Sous l'averse nocturne.(...)

( " Accords")
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Trois
petits Préludes
I


La Nuit s'est refermée
Comme un calice obscur
Sur la pulpe dorée
Et tiède de la chambre,

La lampe se consume
Sous un arc de silence
Et je ne sais plus rien
Sinon que je suis seul,

Mordu par un désir
Qui se mêle aux rumeurs
Du jardin frissonnant
Sous l'averse nocturne.

Un nom — hier ignoré —
Plaqué comme un accord,
Élargit le silence
Aux limites du soir,

Tandis que replié
Sur un âpre plaisir
Où parfois la tendresse
Fuse comme un sanglot,

J'appelle sans espoir.
D'un cri de tout mon être,
Un bonheur déchirant
Amer comme un départ....

p.15-16
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Trois
petits Préludes
III


Toute l'âme réfugiée
Vers la vitre, où se consume
La flamme haute du jour,
J'écoute en la solitude
Mon sang qui bat à coups sourds.

Penché sur mille rumeurs,
Je suis au cœur de la ville
Bourdonnante de clarté,
Une cellule qu'épuise,
Perfide et sûre, l'attente.

J'attends: le monde se rythme
Sous le bélier de mes tempes.
L'Été des rues solitaires
— Désir, angoisse et silence —
Se fige comme un bloc d'or.

Avant même qu'invisible
Ta main n'effleure la porte
Je sentirai sur ma bouche
Le souffle de ta présence,

Comme on devine la mer.

p. 19-20
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Un boa avait élu le dégrad et s'y posait à l'aube pour guetter son gibier. Il ne faut pas troubler un boa à l'affût. C'est une bête, respectable, large et lisse comme le tronc d'un jeune arbre, et qui se détend avec la rapidité élastique d'un lasso, ce qui peut causer des surprises aux indiscrets. Le boa avait choisi cette place d'affût. Un gendarme eut le tort de la lui disputer. Ce gendarme n'avait pas le sens de l'à-propos. Le dit pandore vint, chaque matin, prendre l'affût à côté du boa, que d'ailleurs il ne distinguait pas d'un tronc d'arbre. Les coups de fusils malencontreux chassèrent les paks, les agamis, les flamants et toutes les bonnes nourritures du serpent. Le boa, un beau jour, tandis que le gendarme ajustait son gibier, se déclencha à la manière d'un ressort de montre et noua sur l'infortuné, sa giberne et son fusil, un de ces nœuds qu'il est malaisé de défaire. Un boa commence par enduire sa proie d'une bave visqueuse qui facilite la déglutition; ce faisant, il la malaxe entre ses vertèbres. Un compagnon du pandore survint et d'une balle bien placée interrompit la préparation. On dégagea le corps gluant de bave hors des anneaux. Un médecin en fit l'autopsie. Il déclara que les os du gendarme avaient été moulus fin comme de la farine de froment.
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C'était un Sénégalais, gigantesque, condamné au bagne pour meurtre, et qui travaillait à la chaîne, au chantier des incorrigibles. Samba était fort comme un boeuf. Un matin, à la corvée, en forêt, ayant deux surveillants à la portée de son bras, il les fend de deux coups de sabre. Les deux forçats enchaînés avec lui hurlent. Samba abat l'un, épargne l'autre qui fait le mort, brise sa chaîne et se sauve en criant "Samba prend la brousse".

L'homme noir entre en forêt. A la chute du jour, Samba, qui savait la manière de cheminer sans faire de bruit, avise une case d'Indiens. Il se cache. L'Indien sort et Samba l'exécute d'un revers de son coupe-coupe. Puis, il entre dans la case, chasse la femme et l'enfant, prend le fusil et la poudre, s'en va en mettant de feu à l'habitation.

Il y a dans la forêt un réseau de communications mystérieuses. Les nouvelles se répandent vite, on ne sait comment. La terreur régna, lorsque les hommes des placers et les chercheurs de balata apprirent que le Sénégalais était lâché et tenait la brousse. Les meurtres se succédaient, soudains, imprévus, parfois à de grandes distances les uns des autres, car Samba était un marcheur terrible et infatigable. Les balatistes, pour extraire la gomme, montent à la cime de l'arbre. Il faut pratiquer la saignée le plus haut possible. Ils se servent de crampons de fer qui les tiennent attachés au tronc. Samba les guettait, au pied ; quand ils étaient bien installés à l'ouvrage, il les tuait à coups de fusils et les laissait là à sécher, dans les feuilles. Puis il pillait leur carbet.

(...)

Samba terrorisa la forêt plusieurs semaines. Un jour, il se trouva face à face avec un autre évadé qui, lui, n'avait pas de fusil. L'homme bondit sur le Sénégalais et d'un coup de sabre d'abatis lui trancha net le bras. Puis il le lia à un arbre, prit le fusil et laissa le mutilé à la jungle. Deux jours plus tard, les gendarmes blessèrent cet homme d'un coup de feu. Mourant, il raconta qu'il avait tué Samba et indiqua où était le cadavre. On en trouva ce que les vautours et les fourmis en avaient laissé.
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Enlaçant les muscles tordus des branches, accrochées aux lianes pleureuses, des orchidées gonflaient leurs pistils, étalaient leurs chairs soufrées, violettes, orangées, striaient de lueur la densité visqueuse de la forêt, suspendues en guirlandes d'un arbre à l'autre, palpitant comme des sexes, moites comme des peaux en sueur, rigides de désir, étranges fleurs où la nature avait concentré la plus capiteuse volupté de ses charniers, et qui, mi-bêtes, mi-plantes, oscillaient, lampes des grandes voûtes, aux confins des deux règnes
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