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Nationalité : France
Biographie :

Lucile Peytavin est Historienne, spécialiste de l'histoire des femmes.

Membre du CO du Laboratoire de l'égalité, elle se bat pour le Droit des Femmes et a publié son essai, "Le coût de la virilité", en 2021.

Instagram : https://www.instagram.com/lucilepeytavin/?hl=fr

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Le coût de la virilité par Lucile Peytavin, historienne et intervenante au Printemps des fameuses


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Ainsi, dans tous les milieux sociaux, ce sont les hommes qui commettent la plupart des délits et des violences, sans exception : le facteur le plus déterminant dans les infractions à la loi est donc bien, et de loin, le sexe masculin de leurs auteurs. Avec cet essai, je voudrais alerter sur les comportements asociaux des hommes à travers leur importance statistique, ouvrir une réflexion sociétale autour de la question de la virilité et nous inviter, tous, à un examen de conscience approfondi.
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Cette égalité entre les individus aurait même permis à Sapiens de prendre l’avantage sur Neandertal. Il semble que le véritable basculement dans les rapports de force entre hommes et femmes se situe au néolithique, lorsque les populations se sédentarisent et que se développent l’élevage, la production agricole, la fabrication d’armes
en métal. Avec cette organisation de la société se crée une nouvelle
division des rôles dans le travail qui instaure une distinction et une
hiérarchie plus nettes des sphères masculine et féminine, mais aussi
de l’espace domestique et de l’espace public. La notion de virilité
prend alors corps à la fin du néolithique, avec l’avènement des
armes en métal permettant à la puissance masculine de s’imposer
symboliquement et réellement. Se crée un ensemble de valeurs qui
« balisent la sphère masculine et ses prérogatives, voire son
monopole, dans le cadre de la chasse, de l’affrontement ».
La domination masculine s’accentue à ce moment-là en même
temps que se creusent les inégalités sociales.

Les études sur les ossements corroborent cette version puisqu’on
constate sur le squelette des femmes des traces de violence
beaucoup plus systématiques, mais aussi de pathologies, de
privations, de sous-nutrition. Il y a donc une forte dégradation des
conditions de vie des femmes, et ces inégalités vont peser
lourdement sur leur santé, allant même jusqu’à transformer leur
ossature. En effet, on assiste à une réduction de la taille et de la
robustesse du squelette féminin. Le dimorphisme sexuel est de plus
en plus marqué entre les individus. Cette réduction du gabarit des
femmes découlerait à la fois d’un moindre accès à la nourriture et du
choix des hommes se portant davantage sur des partenaires graciles.
En effet, cette organisation sociale visant la pénurie alimentaire
à destination des femmes les contraint à atteindre moins souvent
leur potentiel de croissance, c’est-à-dire leur taille maximale. Cette
contre-sélection reposant sur des facteurs génétiques et
environnementaux pèse aussi lourdement sur leur santé. Du point de
vue de la physiologie et de la reproduction, les femmes ont
théoriquement avantage à être de grande taille. Mais la pression qui
s’exerce sur leur corps a des conséquences « coûteuses », voire
dramatiques, notamment lors de l’accouchement « puisque la stature
est un déterminant clé de la mortalité maternelle» : un bassin trop
étroit augmente les risques de décès de la mère et de l’enfant. Ainsi,
les femmes n’ont pas toujours été plus petites en moyenne que les
hommes puisque c’est à l’époque néolithique que ce dimorphisme
serait devenu particulièrement prégnant.
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Cette interprétation
reflète l’idéologie sociale de ce début de XXe siècle plaquée par
les historiens sur des traces archéologiques : ils ont genré les
activités en valorisant celles réalisées par leurs homologues
masculins. Ne sachant pas qui utilisait les pierres taillées, par
exemple, ils en ont conclu qu’elles servaient d’armes aux hommes
et d’outils destinés aux femmes pour de menus travaux, en accord
avec les représentations de leur propre époque. Ces préjugés ont
traversé les siècles et construit l’image figée que nous avons
aujourd’hui des sociétés préhistoriques.
Cette méthode a conduit les scientifiques à commettre
d’importantes erreurs d’interprétation des découvertes
archéologiques. Un des cas les plus célèbres est la découverte en
1872 d’un squelette inhumé dans une des grottes de Grimaldi – dite
du Cavillon –, appelé « l’homme de Menton ». Le squelette, aux
caractéristiques proches de celles de l’homme de Cro-Magnon, était
robuste et paré d’une coiffe de coquillages, d’un collier de canines
de cerfs perforées, d’un poinçon monté sur un radius de cervidé, de
deux lames de silex et d’un bracelet de jambe fait de coquillages au-
dessous du genou gauche12. Ces effets étant apparentés à la richesse
et au pouvoir, les archéologues en ont déduit que ce squelette était
celui d’un homme. Des années plus tard, un réexamen des os
a permis de l’identifier comme étant celui d’une femme, malgré la
robustesse du squelette et l’opulence de la sépulture.L’homme de
Menton est alors devenu la Dame du Cavillon !
Ces erreurs d’interprétation se sont répétées jusqu’au XXe siècle.Ces erreurs d’interprétation se sont répétées jusqu’au XXe siècle.
En 1953 est découverte en Côte-d’Or la tombe de Vix, qui abrite
une sépulture à char du VIe siècle av. J.-C. Compte tenu de la
richesse des objets qu’elle contenait, les archéologues ont d’abord
pensé que le squelette était celui d’un homme. Au début des années
2000, des analyses ADN ont indiqué qu’il s’agissait en réalité d’une
femme13, que l’on appelle à présent la princesse de Vix !
Ces exemples sont révélateurs du fait que nous projetons à tort sur
des populations ayant vécu il y a des millions ou des milliers
d’années des schémas d’organisation sociale qui nous sont
contemporains. Alors, que savons-nous de la répartition des rôles
entre les hommes et les femmes du paléolithique ? Que nous disent
les traces archéologiques à ce sujet lorsqu’elles sont analysées le
plus objectivement possible par la paléo-histoire moderne?
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Les discours «virilistes » justifiant le surplus d'agressivité des hommes par le naturel plutôt que par le culturel apparaissent comme irrationnels. Il est donc grand temps que ces mythes soient pris pour ce qu'ils sont : des histoires imaginaires qui nuisent à la recherche de la vérité. Ce n'est pas de ce côté qu'il faut chercher les raisons de la violence masculine. Les preuves en provenance de disciplines aussi diverses que la biologie, les neurosciences, la sociologie, la psychologie, l'anthropologie et l'histoire sont si nombreuses qu'elles font apparaître la primauté du culturel sur le naturel, de l'acquis sur l'inné en ce qui concerne les facteurs explicatifs des comportements humains. De ce fait, les raisons de la violence masculine ne se trouveraient- elles pas plutôt du côté de l'éducation, puisque celle-ci est fondamentale dans la construction des aptitudes et des comportements des individus ?
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Le sexe biologique chez les êtres vivants est apparu il y
a 600 millions d’années1. La procréation « par sexe » n’a pas
toujours existé, elle est une innovation de l’évolution et ne concerne
pas l’ensemble des espèces. La science explique son apparition par
un accroissement des capacités d’adaptation à certains milieux
hostiles. Les mécanismes à l’œuvre sont extrêmement nombreux.
Chez les animaux, de multiples facteurs entrent en ligne de
compte2 : la présence ou non de chromosomes spécifiques et leur
nombre total – il existe une grande variété de caryotypes3 très
différents de ceux des humains –, la température durant le
développement des œufs ou même le stress. Concernant l’être
humain, les scientifiques n’ont pas encore identifié tous les gènes
qui permettent la fabrication d’un sexe biologique. Les recherches
sur le sujet ne cessent d’évoluer. Dans les années 1990, on pensait
que le gène SRY4 (pour Sex-determining Region of Y chromosome)
sur le chromosome Y était le seul responsable de la différenciation
sexuelle puisque, lors de la sixième semaine de vie de l’embryon,
son action oriente les glandes génitales, jusqu’alors indifférenciées,
vers la formation de testicules. Or « il existe de nombreux gènes de
différenciation testiculaire, de même qu’il existe, chez l’embryon
femelle, des gènes qui inhibent la masculinité et induisent la
formation des ovaires5 », précise Marc Fellous, généticien
à l’université Paris-VII. À ce jour, on a seulement identifié trois
gènes ovariens. D’autre part, les cas d’intersexuation (personnes
nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas
aux définitions typiques de « mâle » et « femelle ») remettent en
question les frontières bien distinctes entre les deux sexes. Cette
question est épineuse pour les compétitions sportives6 lorsqu’il
s’agit de déterminer à partir de quels critères définir les catégories
hommes et femmes : que faire d’une participante qui aurait la
« carrure d’un homme », des taux d’hormones « anormalement »
élevés et un appareil génital féminin ? Les réponses apportées par
les comités ne cessent d’évoluer et diffèrent des uns aux autres.

Je reviendrai sur ce point de la définition du sexe plus en détail
dans la deuxième partie de cet ouvrage. Les avancées scientifiques
apportent en tout cas de la nuance concernant la notion de sexe
biologique : c’est une donnée qui n’a pas toujours existé dans
l’histoire de l’évolution des espèces vivantes, et dont la réalité
biologique chez l’être humain pose toujours question.
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En France, d’après les estimations présentées dans cet essai, la fin du
« système viriliste » permettrait à l’État d’économiser 95,2 milliards
d’euros chaque année. Au-delà de l’aspect purement financier, des centaines
de milliers de vies seraient sauvées, des souffrances psychologiques et
physiques évitées... La virilité apparaît bien comme une entrave au
développement humain et économique des sociétés.

Ce montant paraît absolument colossal au regard du budget annuel de la
France. Il représente plus d’un tiers des recettes nettes perçues par l’État
chaque année, soit 250 milliards d’euros1. À titre de comparaison, l’ISF,
source de débats publics depuis presque quarante ans, a rapporté seulement
4,1 milliards d’euros en 20172, la réforme de l’assurance chômage doit
rapporter 4,5 milliards d’euros d’ici à 20223 et la fraude fiscale est estimée
entre 25 et 100 milliards d’euros par an.
Le gain potentiel permettrait de transformer la société de façon inédite et
de sortir des politiques de « redressement » qui consistent à augmenter les
impôts et à diminuer les dépenses de l’État – impactant fortement les
services publics –, ou à augmenter la dette publique qui représente
aujourd’hui 100 % de notre PIB, soit 2 415 milliards d’euros4. Il serait ainsi
possible, en une année, à la fois de diviser de moitié l’impôt sur le revenu
(lequel a rapporté 70,4 milliards d’euros à l’État en 20195), de rembourser
la dette des hôpitaux français qui s’élève à 29 milliards d’euros6, de
financer les trois quarts de la relance économique de l’industrie (suite à la
crise du Coronavirus) qui nécessite 40 milliards d’euros7 ou de financer la
quasi- totalité du revenu universel, estimé entre 36 et 42 milliards d’euros
par an.
Il serait tout aussi possible de financer des politiques sociales ambitieuses
qui sont au cœur des préoccupations politiques depuis des années. Le gain
potentiel correspond à la fois aux moyens nécessaires pour éradiquer la
grande pauvreté (estimée à 7 milliards d’euros par an8), combler le déficit
du système de retraite jusqu’en 2030 (qui atteindra 27 milliards par an9),
augmenter de 50 % le budget de la recherche (représentant 49,5 milliards
d’euros par an10), compléter de 15 milliards d’euros par an le budget de
l’écologie (32,2 milliards par an11) pour réussir la transition dans les
transports et le logement, financer en grande partie la prise en charge des
personnes âgées dépendantes (qui s’élève à 30 milliards par an12) qui
doublera d’ici à 2060, etc.
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La virilité est donc aussi une oppression de l'homme sur l'homme. Elle est extrêmement coercitive et discriminante envers les hommes eux-mêmes. Même si cette masculinité virile s'accompagne de tout un panel de privilèges iniques, elle règne en écrasant le féminin, les autres masculinités et les hommes qui répondent à ses injonctions.
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Du fait de leurs comportements violents ou à risque, les passages aux
urgences des hommes sont plus nombreux que ceux des femmes et
notamment en traumatologie : 63 % des hommes de 16 à 25 ans et 52 % de
ceux de 26 à 50 ans consultant un service d’urgence ont subi un
traumatisme contre seulement 43 % et 39 % des femmes des mêmes
âges. Ils constituent la majorité des victimes d’accidents dont ils sont
eux-mêmes responsables. L’alcoolisme, le tabagisme, les bagarres, les
drogues, la vitesse automobile, les sports extrêmes, etc., sont autant de
facteurs qui tuent les hommes... Ces derniers se mettent plus en danger que
les femmes tout au long de leur vie, et ce dans une même situation.
Quel que soit l’âge, le taux de mortalité prématurée des hommes (avant
65 ans) est 2,1 fois plus élevé que chez les femmes et leur taux de
mortalité prématurée évitable (avant 65 ans et causée par un comportement
à risque) est 3,3 fois plus important. S’agissant des décès provoqués par des
cancers liés à la consommation d’alcool et de tabac, les hommes
représentent 76,9 % à 84 % des cas.
Je précise que les accidents du travail sont quantité négligeable dans cette
estimation : si les hommes constituent 64 % du total des victimes, les
accidents graves (avec au moins 4 jours d’arrêt) sont au nombre de 588 427,
ce qui est très peu par rapport aux 21 millions d’entrées aux urgences
totales annuelles.

Les usagers des services d’urgence sont donc majoritairement des
hommes ; chez les adultes de 16 à 50 ans, ils représentent 57 % des
personnes admises. J’utilise cette donnée pour calculer leur responsabilité
dans le coût de la santé.
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La virilité est un ennemi difficilement saisissable.
Elle prend la plupart du temps les contours d’un visage masculin, mais
elle est en chacun de nous. Dans notre façon de penser, de nous comporter,
de voir le monde. Elle façonne nos modèles éducatifs, nos rapports sociaux
et modèle notre société. En cela, elle est un ennemi difficile à déloger.
Mettons fin tous ensemble à la virilité qui pervertit, qui viole, qui bat, qui
tue, qui écrase, la virilité qui ruine.
Le coût de la virilité n’est pas une fatalité.
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La voiture demeure fortement associée à une manifestation identitaire de
la virilité pour les hommes. Conduire est souvent pour eux l’occasion de
défier les règles : ils représentent 90,7 % des condamnés pour conduite sans permis et jusqu’à 93 % des auteurs d’infractions de 5e classe et 85,3 %
des titulaires d’un permis invalidé après retrait des points. Ils sont
responsables de la majorité des accidents de la route graves. Ils sont
fortement impliqués dans des accidents résultant de prises de risque
(accident avec dépassement ou perte de contrôle en courbe). Près d’un
tiers d’entre eux prennent des risques pour le plaisir, soit 4 fois plus que les
jeunes conductrices. La vitesse est présente chez 29 % des hommes
auteurs présumés d’accidents mortels (contre 18 % chez les femmes) et l’alcool chez 21 % d’entre eux (contre 10 % chez les femmes). Au total,
dans 8 accidents mortels sur 10, le conducteur responsable est un homme.
Et, sans surprise, ils représentent 75 % des personnes gravement blessées ou tuées sur la route. Avec de tels niveaux d’implication dans la délinquance routière, je me demande sérieusement si, à la place du A (désignant un jeune conducteur), on ne devrait pas plutôt mettre un H (désignant le sexe masculin du conducteur) tout au long de sa vie d’automobiliste !
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