Citations de M. L. Stedman (344)
Tout en vaquant à ses occupations de la journée - toujours en mouvement, toujours occupée -, Isabel sait instinctivement à quel endroit se trouve Lucy, reliée à elle par un fil d'amour invisible. Elle ne se met jamais en colère - sa patience vis-à-vis de l'enfant est infinie. Quand de la nourriture tombe par terre, quand des traces de mains sales tapissent les murs, cela ne provoque jamais de réaction, ni de regard désapprobateur. Si Lucy s'éveille en pleurant la nuit, Isabel la réconforte gentiment, avec amour. Elle accepte ce cadeau que la vie lui a envoyé. Et elle en accepte les fardeaux.
Tom emporta la lampe dans la chambre à coucher. Son ombre se colla contre le mur, comme un géant plat, tandis qu'il retirait ses bottines et se déshabillait, gardant néanmoins son caleçon long. Ses cheveux étaient gonflés de sel et sa peau irritée par le vent. Il ouvrit le lit et se glissa dedans, avant de sombrer dans les rêves pendant que son corps continuait à suivre le mouvement des vagues et du vent. Toute la nuit, bien au dessus de lui, le phare monta la garde, fendant les ténèbres comme une épée.
Et l'obscurité s'infiltre dans le ciel seconde après seconde, jusqu'au moment où les ombres ne tombent plus mais s'élèvent du sol pour remplir l'air. Les êtres humains se retirent dans leurs maisons et abandonnent la nuit aux créatures qui la peuplent : criquets, chouettes, serpents. Un monde qui n'a pas changé depuis des centaines de millions d'années s'éveille et s'active, comme si la lumière du jour, les humains et les évolutions du paysage avaient été une illusion. Plus personne ne marche dans les rues.
Plus tard, alors que Violet polissait les cadres en argent des photographies de ses fils, elle repensa à la situation pour la énième fois. Une fois qu'un enfant était entré dans votre cœur, il n'y avait plus de bien ou de mal qui tint. Elle avait vu des femmes donner naissance à des enfants engendrés par des maris qu'elles détestaient, ou, pire encore, des hommes qui les avaient violées. Et les femmes avaient aimé ces enfants d'un amour farouche, tout en haïssant les géniteurs. Il n'y avait pas moyen de se défendre de l'amour qu'on portait à un enfant, Violet ne le savait que trop bien.
La lumière capta les yeux d'Isabel de telle façon qu'il eut l'impression de pouvoir voir en elle : une certaine ouverture, une clarté qui l'attirait.
" Revenez demain. Je vais préparer un pique-nique. On ira jusqu'à la baie.
- Je devrais peut-être d'abord demander la permission à votre père, non ? Ou bien de votre mère ? ajouta-t-il en penchant la tête de côté. Je veux dire, enfin, si la question n'est pas trop grossière, quel âge avez-vous ?
- L'âge d'aller pique-niquer.
- Ce qui, en chiffres, donnerait...
- Dix-neuf. Environ. Alors, laissez-moi me débrouiller avec mes parents", dit-elle, avant de lui adresser un signe de la main et de rentrer dans la maison.
À Janus, il n'y a aucune raison de parler. Des mois entiers peuvent s'écouler sans que Tom entende le son de sa propre voix. Il sait que certains gardiens mettent un point d'honneur à chanter, comme on ferait tourner un moteur pour vérifier qu'il est en état de marche. Mais Tom trouve une certaine liberté dans le silence. Il écoute le vent. Il observe les moindres détails de la vie sur l'île.
On ne peut jamais vraiment parler de l'avenir, si vous y pensez sérieusement. On ne peut parler que de ce que l'on imagine, ou de ce que l'on souhaite. Ce n'est pas la même chose.
- Et être papa ? C'est comment ? demanda Bluey.
-C'est comme ça.
- Non, dis-moi. C'est une vraie question, mon vieux"
Le visage de Tom se fit sérieux.
"Rien ne peut t'y préparer. Tu n'imagines pas à quel point un bébé peut percer tes défenses, Bluey. A quel point il peut aller jusqu'au fond de toi. Une vraie attaque surprise."
Nous ne vivons pas dans un monde parfait. Il faut bien s'en accommoder.
Tout comme le mercure qui contribuait à la rotation de la lumière, Isabel était... un mystère. Capable de soigner comme d'empoisonner; capable de porter tout le poids de la lumière mais aussi de la diffracter en un millier de particules impossibles à attraper, s'égayant dans toutes les directions.
Il est des moments où l'océan n'est pas l'océan – ni bleu, ni même
aqueux –, mais une violente explosion d'énergie et de danger : une férocité que seuls les dieux peuvent atteindre. Il se rue contre l'île, projetant son écume par-dessus le phare, rongeant la falaise. Le vacarme qu'il produit ressemble au hurlement d'une bête dont la colère ne connaît pas de limites. C'est ces nuits-là que le phare est le plus utile.
C'est tellement moins fatigant. Il suffit de pardonner une fois.Tandis que la rancune, il faut l'entretenir à longueur de journée , et recommencer tous les jours.
"Chaque fin est le début de quelque chose d'autre."
Elle savait que quand une femme perdait son mari, il y avait un mot tout nouveau pour la définir, elle était dorénavant une veuve. Un mari devenait un veuf. Mais si un parent perdait un enfant, il n'y avait pas de mot spécifique pour ce chagrin-là. Ils étaient encore un père ou une mère, même s'ils n'avaient plus de fils ou de fille.
"Qu'est-ce qui vous fait sourire ? demanda la fille, prenant Tom au dépourvu.
-Désolé, dit-il, tout en sentant son visage rougir.
- Il ne faut jamais être désolé parce qu'on sourit !
- Un bout de cuivre ne fait pas de quelqu'un un héros, dit Tom. Presque tous ceux qui méritaient vraiment les médailles ne sont plus là.
"[...] la promesse d'oubli est parfois aussi importante que celle du souvenir."
Ne jamais penser à long terme : se concentrer sur l'heure à venir, et peut-être la suivante. Le reste n'était que pure spéculation.
La vie pouvait vous arracher ce que vous chérissiez, et il n'y avait alors plus aucun moyen de le récupérer. C'est ainsi que grandit en elle un sentiment d'urgence, un besoin de saisir une occasion. Avant tout le monde.
Il n'y avait rien au monde de plus merveilleux que le spectacle de votre enfant endormi.