Madeleine de Scudéry

L'amour est un je-ne-sais-quoi, qui vient de je-ne-sais-où et qui finit je-ne-sais-quand.

NOËL À MARSEILLE

L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement, Mademoiselle, à l'heure même que je vous parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones, d'oeillets, de narcisse, de jasmin, de fleurs d'orange, plus beaux que Mlle de Lorme n'en porte au mois de mai ; et ce qu'il y a de commode ici est que l'on fait des visites à la fin décembre sans avoir besoin de feu, que l'on se promène sur le port comme l'on se promène aux Tuileries en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une fois, et que le soleil y est toujours aussi pur et aussi clair que dans la saison où il fait naître des roses.

Correspondance déc. 1644

«  Quand on fait ce qu’on peut , on fait ce qu’on doit » ...

«  Comme il n’est pas aisé de cacher le feu,
Il n’est pas facile de cacher l’amour » ...

Comme il n'est pas aisé de cacher le feu, il n'est pas facile de cacher l'amour.

Je plains étrangement mes amis des malheurs qui leur arrivent, mais je ne les saurais plaindre de ceux qu'ils se font ; c'est pourquoi ne vous attendez pas d'avoir nulle part à ma compassion, lorsque vous ne souffrirez que les maux que vous vous ferez à vous-même.

Je suis pourtant persuadé qu'une amour qui n'a pas un commencement si subit, et qui est devancée par une grande estime, et même par beaucoup d'admiration est plus forte, et plus solide, que celle qui naît en tumulte, sans savoir si la personne qu'on aime, a de la vertu ni même de l'esprit.

Il n'y a rien de plus cruel, que d'aimer une personne, qui ne fait réflexion à rien, qui n'observe rien, qui ne se souvient de rien.

Il faut, s'il a un jour quelque chose à me reprocher, que je n'aie du moins rien à me reprocher à moi-même.

Comme pour l'ordinaire, ceux qui sont d'un naturel ardent et prompt, n'aiment pas si constamment que les autres, parce qu'ils se lassent de tout, et que ne pouvant demeurer longtemps en une même assiette, il faut de nécessité qu'ils changent d'amour comme d'autre chose, il s'ensuit de nécessité, que ceux qui aiment le plus promptement, ne sont pas les plus constants.

«  L’amour est un-je-ne- sais-quoi qui vient de je ne sais où et qui finit je ne sais comment . »

Quelle gloire mérite un homme qui préfère son plaisir à tout ; qui ne cherche que ce qui le peut rendre heureux ; qui ne songe toute sa vie qu'à fuir tout ce qui peut faire obstacle à sa joie ?

Une autre fois voyant un Amour représenté avec un flambeau à la main, et un autre avec un arc, on lui demanda lequel des deux elle aimait le mieux ; elle dit d'abord qu'elle n'aimait ni l'un ni l'autre, comme tous les enfant le disent. Mais comme on la pressa de dire du moins lequel elle croyait être le plus dangereux, elle dit brusquement, " Je crains plus celui qui brûle, que celui qui blesse, car j'ai ouï dire qu'on peut guérir d'un coup de flèche, mais si mon cœur était réduit en cendres, je crois qu'il n'y aurait plus de remède."

Mais que vous importe [...] qui Cynésie a aimé, puisqu'elle vous aime?

Pour moi, dit alors Clélie, je n'ai jamais pu comprendre qu'il fût possible d'aimer ce qu'on n'a pas eu loisir de connaître ; je conçois aisément, poursuivit-elle, qu'une grande beauté plaît dès le premier instant qu'on la voit ; mais je ne conçois point du tout qu'on la puisse aimer en un moment.

Conserve la vie aussi longtemps que possible, sans honte, car enfin, elle ne nous sera précieuse que tant que notre amour sera parfait. 

Les maris jaloux de ce païs-cy déguisent leur jalousie quand ils le peuvent et prennent d'autres prétextes pour se plaindre de leurs femmes.

De la tyrannie de l'usage, 1686-1688

Parmi les femmes, la beauté fait excuser beaucoup de défauts ; mais parmi les hommes, elle redouble les mauvaises qualités.

De la beauté, 1686-1688

Tu es le seul maître de ta volonté, de ta haine, de ton estime et de ton affection. L’être humain possède le privilège d’être libre au milieu des chaînes et d’être le maître absolu de ses sentiments.

Juge ma vie par ma mort et l’affection que j’ai eue pour toi par ces charbons ardents que je tiens et qui vont m’étouffer.