Extrait du livre audio « La nuit où les étoiles se sont éteintes » de Nine Gorman, Marie Alhinho lu par Xavier Baur. Parution numérique le 28 février 2024.
https://www.audiolib.fr/livre/la-nuit-ou-les-etoiles-se-sont-eteintes-9791035414634/
- Par eul’ sang Dieu ! jura grand-oncle Obole qui avait échappé de justesse à la déflagration. Sales croûtelevées de traversieux, lunetiers de l’antéchrist !
La reine et tout le décorum royal m'ont tellement subjuguée que j'en ai oublié le cristal. Mon chat, lui, est resté concentré. Il s'est pavané jusqu'au trône et se fait à présent cajoler par la reine en personne ! Les serviteurs s'empressent de lui servir à boire et à manger.
— Le voyage de ma Dame a été fructueux ? Est-
ce qu’elle a...
— C’est pire que ce que je croyais.
La voix de la vieille chuintait comme le vent
dans un arbre creux.
— J’en conclus que votre visite a été...
— J’ai écouté vos conseils. J’ai vu. J’en tire les
conséquences, le coupa-t-elle de nouveau.
Le majordome pinça les lèvres. La vieille n’avait pas quitté des yeux la ligne d’horizon. Elle finit par se tourner vers lui.
— Ils ne méritent pas les beautés que je leur offre. Il est temps qu’ils goûtent à ma fureur.
Le valet s’inclina avec respect.
— Bien, il sera fait selon vos ordres, Dame Nature.
Et il disparut.
On ne réalise pas, quand tout va bien, la rapidité avec laquelle ce qu'on croit immuable peut s'écrouler.
[C'est un feu follet qui parle].
Pourtant, il ne s'était jamais imaginé à quel point il pouvait s'avérer douloureux d'être un mortel.
Les mortels avaient des crampes et des courbatures.
Rien de tout ça ne lui faisait envie, a posteriori.
- Tu n'as pas cessé de t'arroeiller sur ces vieux livres toute la journée, dit-il. Si tu continues comme ça, ce sont ces grimoires qui verront en toi, plutôt que l'inverse.
Une chose est sûre : les Égyptiens ont le sens de la démesure. Le kitsch, ça ne leur fait pas peur !
Quand ils ont construit leur temple, ils ont dû penser que deux obélisques, six statues colossales et des drapeaux ne suffisaient pas. Je les vois bien échanger un regard enthousiaste et se dire : et pourquoi on ne rajouterait pas une allée de sphinx ? - et l'autre : oh, ouais !
On n'aperçoit plus de verdure, l'herbe est jaune et flétrie. Ce pays mourait par le manque d'arbres. Le monde était maussade, englué dans une morosité grise. La Terre, ce patchwork bleu et vert en passe de devenir gris béton et brun sécheresse. La Nature peut se dresser et dire : " Voilà un juste châtiment. " Son vent contribua sans doute à la catastrophe.
La réalité est le fruit de notre imagination. On plaque notre subjectivité sur le monde pour lui donner du sens, comme on le ferait avec une paire de lunettes 3D, un livre de philosophie, un dieu, une carte de parti politique. Mais dans le fond, que sait-on de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas? La réalité n’est qu’une opinion.
Au Monkey Palace, club de luxe face à la mer de Chine, dans la partie indonésienne de l’île de Bornéo, les primates sont chez eux. Pas seulement parce que leurs têtes sculptées ornent le moindre chambranle, la moindre poutre : les singes se baladent un peu partout. Je me demande s’ils ne sont pas aussi nombreux que les vacanciers.