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Citations de Marie-Pier Lafontaine (45)


Il y a tout un pan de violence que je ne me résous pas à écrire. Ça en ferait trop. Trop de violence dans le même livre. On dira que j’ai exagéré ou menti. Et toutes les personnes qui me diront que j’ai exagéré ou menti seront mon père.

(Héliotrope, p.65)
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On dit qu’il est normal d’avoir peur du viol. Que son idée seule terroriserait n’importe quelle femme. Moi, le viol ne me fait plus peur du tout. J’ai reçu suffisamment de coups, de haine et de crachats pour ne plus trembler devant la possibilité d’un contact non désiré. Mon corps a été maltraité tant de fois, mes os battus, que ma chair a été vidée de son sacré. Mon corps a été purgé de lui-même. Ses terminaisons nerveuses ne mènent plus nulle part. Il est devenu un objet comme un autre. Un sac de boyaux et de tripes dans lequel les hommes peuvent piger sans que je m’en formalise. Suffisamment d’hommes sont passés sur moi, m’ont éventrée, pour que le viol ne me fasse plus peur. Je peux désormais marcher librement dans la rue.
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Si je n’écris pas ce qui s’est passé quand j’avais huit ans, peut-être que ce qui s’est passé quand j’avais huit ans n’aura jamais eu lieu.
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Si papa dit jappe. Je jappe. Si papa dit rapporte. Je rapporte. Si papa dit lèche ta patte. Je lèche ma patte. Si papa dit sens les fesses de ta sœur. Je sens les fesses de ma sœur. Si papa dit roule sur le dos, sale chienne. Je roule sur le dos et sale chienne, je deviens. Si papa dit gruge le soulier. Je gruge le soulier. Si papa dit mange tes excréments. Je mange mes excréments. Si papa dit tourne en rond, sale conne. Je tourne en rond et sale conne, je deviens. Si papa dit grogne. Je grogne et reçois un coup de pied ça t’apprendra à grogner après moé, sale chienne. Papa dit aussi les animaux, faut les attacher avec une chaîne. Si je refuse les rouli-roulades, les biscuits en forme d’os, les donne la papatte, il sort la laisse.
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J'aurais voulu écrire un roman sur mon enfance avec des pages et des pages remplies décriture. Sans espaces blancs, sans pauses ni silences. Que l'on comprenne bien tout le vacarme que fait faire la peur de mourir a un coeur.
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J'ai toujours trouvé idiots tous ces enfants qui s'égosillent de peur à l'idée des ombres tapies sous les lits ou dans les placards. Moi je sais où les monstres dorment la nuit. Je sais exactement où.
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Le père adore jouer. Les jeux l’excitent. Les stratagèmes élaborés lui plaisent au plus haut point. Il en a mal aux testicules. Repousser les limites de l’interdit lui demande beaucoup d’ingéniosité. Comment agresser ses enfants sans les pénétrer.
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Les gens ne savent pas que, lorsqu’on a été tuée plusieurs fois déjà, il n’y a plus rien de tragique dans la mort. Plus rien de dramatique. Peut-être qu’au moment de lui tendre la corde, moi, debout sur le plancher et elle, grimpée sur le fauteuil du salon, peut-être que dans nos chuchotements de gamines tristes et brisées, peut-être que j’aurais réussi à lui mentir, à lui dire, sans que les mots ne s’étranglent dans ma gorge, que la plus forte des vengeances serait la vie.
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Marie-Pier Lafontaine
La peur nous a été inculquée avant même le mot pour la nommer. Je me souviens d’une sensation diffuse. Un picotement sous la peau. La peur mobilise le sang dans les veines du cœur. Laisse l’extrémité des doigts et des orteils glacée. Dans les battements accélérés de l’organe, l’attention se dirige, se fixe sur le père. Le choix de ses mots, l’intonation de la voix, ses poings sont-ils ouverts ou fermés? Ça change tout, ouvert ou fermé. Les poumons oublient d’expirer. Ils retiennent l’air, le compressent en petites bulles d’asphyxie
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Je dissimulais mes désirs dans des textes de fiction, enfant. Deux soeurs enf fugue. Pourchasser par un monstre à deux têtes. Elles s'enfuyaient dans des sombres forêts. S'armaient de branches, de bâtons. Aujourd'hui, je ne cache plus mes désirs. Je voudrais que ce texte décime ma famille entière.
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A quoi bon écrire chaque épisode, chaque violence, chaque soumission. Jamais personne ne pourra comprendre ce que c'était que de grandir sous le même toit que cet animal. Et même si j'avais des photos à montrer et des enregistrements vidéo et d'autres photos encore, il faut l'avoir vécu dans son corps pour comprendre. Je fais partie des éclopées. De ces gens qui ont expérimenté au plus pres du coeur la déchirure du monde. Je ne crois en rien si ce n'est en la capacité des hommes à détruire.
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Le père sort de la chambre de ma soeur. Son ombre obscurcit le tapis bleu du couloir. Il marche jusqu'à la descente d'escalier. Les marches craquent sous son poids. Un porte s'ouvre, puis se referme. Je recommence à respirer.
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J’ai inventé un souvenir d’enfance. De toutes pièces. À croire que j’avais besoin que personne ne sache tout à fair la nature exacte de ma souffrance. Qu’il y ait cette pièce amovible dans le casse-tête. Il y a une justesse biographique plus grande dans ce morceau de mensonge, de fiction, que dans les reconstitutions. Et si un jour j’étais lue. Si j’étais lue, je porterais ce faux souvenir avec encore plus de conviction que les autres. Je dirais même que c’est le seul qui soit véridique, qui nous soit bel et bien arrivé.
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Je voudrais écrire cette fois où il a failli me tuer. Où il a « perdu le contrôle ». À croire que tous les autres jours, il se maîtrisait. C’était une question de sang. S’arrêter avant que le sang coule. C’était ça que ça voulait dire, dans ma famille. Être « en contrôle ».

(Héliotrope, p.31)
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Je suis jalouse de toutes ces femmes qui réussissent à tomber amoureuse d’un homme. Comment font-elles? Ne voient-elles pas le danger? Le risque pour leur vie? Je voudrais hurler, leur crier de fuir, de ne pas se laisser prendre au piège. Les hommes, vaut mieux les prendre, jouir, puis les quitter. C’est plus sécuritaire.
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Les hommes m’aiment, m’ont toujours aimée, comme on aime une chienne. À quatre pattes. La langue sortie. Surtout ne pas grogner, surtout ne pas mordre. Ils me l’ont dit. Leurs phalanges verrouillées autour de mon cou. Une ceinture une fois. Ils me l’ont dit des centaines de fois t’aimes ça, hein, maudite chienne. Les hommes m’aiment comme ils aiment leurs chiennes. Pour leur fidélité. Pour le besoin d’eux qu’elles expriment un peu plus chaque jour. Les chiennes restent. Elles restent malgré les coups de pied dans les côtes, les claques, les tapes. Ils savent que je reviendrai. Que je feindrai avec conviction le plaisir à chaque coup sur mes fesses tendues.
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Il vaut mieux exister en tant que chienne que de ne pas exister du tout.
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Si un jour un homme venait à moi avec le désir de m’aimer, qu’il me voyait en tant que femme, qu’il avait pour moi des envies de douceur et de caresses, il falsifierait la nature même de ma naissance et j’en mourrais.
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(p.91) À quoi bon écrire chaque épisode, chaque violence, chaque soumission. Jamais personne ne pourra comprendre ce que c'était que de grandir sous le même toit que cet animal. Et même si j'avais des photos à montrer et des enregistrements vidéo et d'autres photos encore, il faut l'avoir vécu dans son corps pour comprendre. Je fais partie des éclopées. De ces gens qui ont expérimenté au plus près du coeur la déchirure du monde. Je ne crois en rien si ce n'est en la capacité des hommes à détruire.
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Il y a tout un pan de la violence que je ne me résous pas à écrire. Ça en ferait trop. Trop de violence dans le même livre. On se dira que j’ai exagéré ou menti. Et toutes les personnes qui me diront que j’ai exagéré ou menti seront mon père. Je ressentirai l’urgence, à chaque fois, de leur planter un couteau dans la gorge.
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