Pierre est parti à Paris. Il paraît que, là-haut, il y a de l’argent facile à gagner. Lui, comme toi, trouvait que la terre était basse. Je n’ai plus de ses nouvelles ; mais, peut-être, comme toi, il reviendra un jour pour venir me reprocher de l’avoir battu !
Lui Isidore on le supportait, s’il n’était pas trop exigeant, mais il devait obéir au doigt et à l’œil et faire tout ce que commandait Boudif ou sa mère sinon les coups pleuvaient. Il s’était toujours demandé comment un homme chétif comme Boudif pouvait taper si fort. Obligé de plier, il avait dû supporter les caprices du couple sans rien laisser paraître mais il était bien décidé à se venger un jour.
Il réfléchit : hier, c’était une bonne vingtaine d’années, presque trente à bourlinguer à droite et à gauche, à s’user la santé dans des pays aux climats étranges qui vous amollissaient la peau et vous sortaient toute l’eau du corps vous laissant épuisé comme une vieille femme…
Son seul plaisir était de partir errer le long des rues à la recherche d’un vestige du passé ou, comme aujourd’hui, de rien de précis… Marcher, seulement marcher pour oublier qu’il y avait eu, un jour, un Rémi Lorrain qui avait été heureux.
Le père souffrit de longs jours avant que son coeur ne s'arrête de battre, un soir de fin juillet.
Robert se reprocha fortement d'avoir abandonné son père et sa mère pour quelques paroles un peu dures et d'être parti, laissant les deux vieux seuls.
Dans le car qui le ramenait chez lui, Robert songeait. Il n'avait pu refuser à sa mère cette visite pour Noël alors qu'elle voulait, comme chaque année, les réunir tous autour de la dinde, mais il se demandait l'accueil que lui réservait son père.