The Life of Mary Wollstonecraft
De quel droit les hommes s'arrogent-ils les fonctions exclusives de juges si les femmes partagent avec eux le bienfait de la raison ?
(P18)
Rejetant donc ces jolies expressions féminines que les hommes utilisent avec condescendance pour rendre plus doux notre état de dépendance servile, et méprisant cette piètre élégance d'esprit, cette exquise sensibilité et cette souple docilité qu'on suppose être les caractéristiques du plus faible des sexes, je souhaite montrer que l'élégance est inférieure à la vertu, que le premier objet d'une ambition louable est d'acquérir une personnalité en tant qu'être humain, sans distinction de sexe, et que c'est d'après cette simple pierre de touche qu'il faut évaluer les objectifs secondaires.
Dans ma réclamation des droits de la femme, mon principal argument est établi sur ce principe simple que si la femme n'est point préparée par l'éducation à devenir la compagne de l'homme, elle arrêtera le progrès des Lumières. Car la vérité doit être commune aux deux sexes, ou nous courons le risque de la voir sans effet par rapport à son influence dans la pratique générale ; et comment veut-on que la femme y coopère à moins qu'elle ne sache de quelle manière elle doit être vertueuse ?
(P16)
J'attribue en grande partie ce luxe stérile au système faux d'éducation emprunté des livres écrits sur ce sujet par des hommes, qui considérant les femmes plutôt comme les instruments de plaisirs de l'autre sexe que comme des créatures humaines, ont aussi été plus jaloux d'en faire des maîtresses charmantes que des épouses raisonnables. Avouons que cet hommage spécieux nous a fasciné l'esprit au point qu'aujourd'hui les femmes, à quelques exceptions près, ne veulent qu'inspirer de l'amour, tandis qu'elles devraient nourrir une plus noble ambition et s'attirer le respect par des qualités du cœur et de l'esprit.
Un homme, quand il entreprend un voyage, a généralement un but en vue ; une femme pense davantage aux incidents, aux choses singulières qu'elle pourra rencontrer sur la route, à l'impression qu'elle espère faire sur ses compagnons de voyage, et, par dessus tout, elle est sérieusement occupée du soin des parures qu'elle emporte avec elle et qui font toujours plus qu'une partie d'elle-même, surtout quand elle va figurer sur un nouveau théâtre, quand elle va faire "sensation", pour me servir de l'expression française qui rend très bien mon idée.
La dignité de l'âme peut-elle exister avec des soins si puériles !
Mais si les femmes doivent être exclues de la participation aux droits naturels du genre humain, et totalement privées de donneurs leurs voix, du moins dans ce qui les concerne particulièrement, prouvez d'abord, pour vous laver du reproche d'injustice et d'abus, qu'elles manquent de raison : autrement cette tache dans votre nouvelle constitution, la première qui ait été fondée sur la raison, témoignera toujours aux siècles à venir que l'homme ne peut s'empêcher d'agir en tyran et la tyrannie dans quelque partie de la société qu'elle lève son front d'airain détruira toujours la moralité.
Je plaide pour mon sexe, j'en conviens, mais non pour moi-même. Je regarde depuis longtemps l'indépendance comme le plus grand bonheur de cette vie, et même comme la base de toute vertu ; et cette indépendance, je me l'assurerai toujours en resserrant mes besoins, dussé-je vivre sur des landes stériles.
Les droits de la femme doivent être respectés,… je demande haut et fort la justice pour une moitié de la race humaine.
Le feu de mon imagination, que la campagne avait maintenu, fut presque étouffé par les pensées que m’inspiraient les maux accablant une si grande part de l’humanité. J’eus l’impression d’être un oiseau qui agitait ses ailes au sol, incapable de s’envoler, mais refusant de ramper tranquillement comme un reptile tant qu’il avait conscience d’avoir des ailes.
J’ai longtemps considéré l’indépendance comme la grande bénédiction de la vie, la base de toutes les vertus.