GRAND V - Le passage de la parfaite maman cinglante Maude Michaud
Lorsque l'hiver débarquait, mes amis et moi sortions pelles et traineaux et construisions des forts qui étaient détruits chaque fois que la gratte passait, comme la mer emporte les châteaux de sable à marée haute. Parce que le plaisir de bâtir était plus grand que le résultat final, nous en recommençions la construction en boucle avec la même motivation et le même grand sourire sans jamais nous tanner.
Je passais donc le plus clair de mon temps dans la ruelle, ma mère me laissant m'y amuser en jetant à l'occasion un oeil distrait par la fenêtre sans me voir, jusqu'à ce qu'elle me crie que c'était l'heure de manger.
Nous n,avions ni IPad, ni ordinateur, ni jeu vidéo. Parfois, nous n'avions même pas de ballon et c'est l'imagination dont nous débordions qui faisait tout le travail.
S'ils nous avaient vus et s'ils nous avaient connus, ils n'auraient pas eu d'autre choix que de revoir leur définition de l'amour.
Les premières semaines où ton ventre va réellement donner l’impression de se métamorphoser en chalet à bébé, tu vas jubiler. C’est à peu près là que tu risques de sentir ton p’tit bouger pour de vrai. Parce qu’au cours des premiers mois, tu vas assurément prendre chacun de tes ballonnements pour un coup de pied de bébé en formation. Bref, le premier coup de pied de ton p’tit va te marquer pour la vie parce que ce sera le premier signe qu’il t’enverra pour manifester son existence, si on met de côté tes envies de faire pipi toutes les quatre secondes et quart, tes nausées du premier trimestre, les fourmis que t’as possiblement dans les jambes et ton humeur en dents de scie. Ce qui est beau, c’est que tu ne te tanneras pas de le sentir bouger et que chacun de ses mouvements te greyera encore d’un sourire maternel épanoui deux jours, deux semaines pis même trois mois plus tard.
Après, je me suis mise à me demander si c'était une bonne idée de mettre un être humain au monde dans un monde aussi fou que le nôtre. Je me suis demandé si la joie que tu peux vivre dans une vie était assez grande pour compenser le malheur qui t'attend forcément quelque part dans un détour parce que rien n'est parfait pis surtout pas l'humanité. Je me suis demandé si j'étais prête à donner naissance à une enfant qui allait sûrement avoir ben du plaisir, mais qui allait aussi souffrir parce qu'on souffre tous un jour ou l'autre. Je me suis demandé si j'allais pouvoir t'accompagner là-dedans sans m'effondrer en me disant que je ne pouvais rien faire pour que tu y échappes parce qu'on échappe pas à sa vie pis à tout ce qui vient avec.
Tout le monde te dit de dormir en même temps que ton bébé et ça, ça me semble une grave erreur. En théorie, c’est vrai que c’est logique. Mais dans le vrai monde avec de vrais bébés, les p’tits ont un sensor qui détecte le moment exact où tu vas t’assoupir et ils se font un plaisir de s’assurer que ça ne t’arrive jamais. JAMAIS. Ça fait qu’à la seconde où tu fermes les yeux, tu peux compter sur ta progéniture pour se mettre à hurler comme une sirène de pompier ou à jaser dans son lit, juste pour que tu te mettes à redouter le moment où ses balbutiements vont se transformer en pleurs. Et ça va venir, promis.
On dit souvent que les femmes enceintes ont des envies bizarres. Dans les faits, il y a de bonnes chances que tu ne rêves jamais de pickles trempés dans la crème glacée à la vanille, mais quand l’envie de manger des fraises, du gâteau au chocolat ou du popcorn au cheddar et au caramel va se pointer, watch out à tous ceux qui vont se mettre en travers de ton chemin parce que ça va te prendre ça right now. Ça va être un besoin viscéral au même titre que ton corps qui réclame de l’eau après une couple d’heures à se déshydrater dans le désert.
Parce qu’être maman, c’est vivre dans le doute en permanence. Qu’on se comprenne bien, se remettre en question, c’est une bonne idée. Le bât blesse quand t’as jamais l’impression de faire la bonne affaire, que tu questionnes pratiquement tout ce que tu fais, et que tu finis par te convaincre que t’es dans la bonne track jusqu’à ce que le voisin, ta belle-mère ou l’amie de ta troisième cousine de droite débarquent avec leur opinion et foutent tout en l’air.
Partout, les femmes enceintes ont donc l’air rayonnantes. Parce que la grossesse, ça donne une belle peau de pêche. Parce que la grossesse, ça rend les cheveux soyeux comme dans les annonces de Pantene Pro-V. Parce que la grossesse, ça rend les femmes énergiques et de bonne humeur. Parce que, clairement, rien ne peut rendre une femme plus heureuse que de porter la vie.
Le plus grand problème entourant la venue d’un bébé, c’est le manque de sommeil. Je sais qu’on t’a déjà prévenue de l’immense fatigue qui accompagne l’arrivée d’un nouveau-né, mais, crois-moi, tu n’en mesures vraiment pas l’ampleur. Imagine-toi la pire fatigue que tu peux ressentir et multiplie ça par mille. Tu y es? Ben, c’est cent fois pire que ça.