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3.83/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Michèle Vignaux est professeur agrégée au Ministère Education Nationale.

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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Mais le relativisme généralisé est aussi à l'origine d'un nouvel intérêt pour les individus, et non plus pour l'Homme perçu de façon plus ou moins abstraite. L'entreprise inouïe de Montaigne dans les Essais, de faire de lui-même la matière de son livre, eût été impensable un siècle plus tôt. Elle fut sans doute une étape déterminante dans le dégagement progressif d'une littérature dominée par des types au profit de personnages plus complexes et plus individualisés, comme certains des grands personnages shakespeariens.
Tous ces bouleversements, qui contenaient des ferments de progrès dont l’absorption allait nécessiter plusieurs générations, se conjuguaient pour substituer une conscience nouvelle de la relativité de toutes choses à l'univocité, à l’absolu et à la transparence qui avaient prévalu jusqu'alors. Le théâtre de Shakespeare se fait l'écho de ces bouleversements et se situe toujours de façon critique, tant envers le nouvel esprit de la Renaissance qu'envers la sclérose scolastique, renvoyés dos à dos dans un dialogue toujours dynamique.

Chapitre 2 : L'esprit du temps
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Les représentations, on l'a dit, avaient lieu l'après-midi dans un espace à ciel ouvert, donc en éclairage naturel, sans possibilité de variation de l'intensité lumineuse. Les scènes se déroulant la nuit étaient signalées par une chandelle ou ne torche symboliques, mais surtout par le dialogue et le jeu des acteurs, qui créaient véritablement l'atmosphère nocturne. Ainsi, la scène élisabéthaine présente un renversement des rapports de cause à effet par rapport à la logique de nos modes de perception et de pensée habituels : là où, pour signaler une scène nocturne, le théâtre réaliste aurait plongé la scène dans l'obscurité, le théâtre élisabéthain montrera un personnage qui n'en voit pas un autre, et le spectateur en déduit que la scène se déroule dans l'obscurité. Un tel théâtre repose avant tout sur le texte, qui doit donner toutes les informations et les indications nécessaires à la mise en scène, et qui comporte donc très peu d'indications scéniques, devenues inutiles.

Chapitre 4 : Le théâtre élisabéthain : tradition et innovation
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Shakespeare, nous l'avons vu [...], est venu à la tragédie par les pièces historiques, avec la pleine conscience de ce que son matériau recelait de potentialités tragiques, comme en témoignent certains titres sur le modèle "The Tragical History of...", suivi du nom d'un roi. La tragédie a donc chez lui, dès l'origine, partie liée avec le pouvoir royal. Et même si les Histoires sont plus centrées sur le destin de la nation et les tragédies sur celui du héros tragique, la dimension politique est présente dans pratiquement toutes les tragédies, qui thématisent très souvent les questions touchant aux relations entre le souverain et ses sujets. Ce n'est donc pas un hasard si les héros des tragédies de Shakespeare sont presque toujours des princes ou des chefs. Et ces princes dont on nous montre le sort tragique ne sont pas des princes d'opérette, à fonction ornementale, mais bien des hommes d’État qui placent la question du gouvernement au premier rang de leurs préoccupations ou qui, faute de l'avoir fait, perdent leur prééminence. Ajoutons que les destinées individuelles ne sont pas séparables de la destinée collective ; car en dernière instance, ce qui est en jeu dans la tragédie est moins le destin des personnages individuels que celui de la cité. C'est pourquoi le personnage royal est le personnage tragique par excellence. Être unique, doté d'un corps naturel et d'un corps politique (bien analysés dans l'ouvrage d'Ernst Kantorowicz, Les Deux Corps du Roi), il forme, seul de sa génération, ce que les juristes médiévaux appelaient une corporation sole avec la lignée de ses prédécesseurs et de ses successeurs. Il ne peut être remplacé que par son héritier légitime (le seul à pouvoir faire partie de ce second corps royal qui, lui, ne meurt jamais), et sa mort, lorsqu’elle n'est pas naturelle, a une portée cataclysmique : elle entraîne une chute ontologique, une perte d'être pour le royaume, qui en est ébranlé jusque dans ses fondements. On comprend qu'une grande partie de l’œuvre de Shakespeare traite de façon quasi-obsessionnelle des relations entre la légitimité du monarque et son aptitude à gouverner.

Chapitre 7 : Les tragédies
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Les personnages du théâtre élisabéthain sont souvent très stylisés, encore marqués par des types fortement contrastés, aux contours nettement délimités et en nombre relativement restreint : le scélérat (villain), le mélancolique, le bouffon, le vengeur, le soldat fanfaron (braggart soldier) héritier du miles gloriosus de la comédie latine, font partie d'une sorte de galerie de rôles obligés. Le trait est souvent accentué jusqu'à l'outrance, notamment dans le contraste entre les générations : les jeunes gens sont souvent encore des adolescents et les parents des vieillards parfois presque séniles, si bien que l'on a l'impression d'avoir affaire à des relations entre grands-parents et petits-enfants plutôt qu'entre parents et enfants.
La définition des caractères est assez rigide et quelque peu figée, ce qui lui confère un certain systématisme : il y a adéquation parfaite entre ce que les personnages sont et ce qu'ils font. Les comportements, déterminés par des règles inspirées de la Rhétorique d'Aristote et des Caractères de son disciple Théophraste, ainsi que la théorie des humeurs [...], peuvent être déduits avec une quasi-certitude. Cela n'exclut pas pour autant les comportements imprévisibles, mais lorsqu'ils se produisent, ils sont perçus comme étant en contradiction avec le caractère. Or, une telle contradiction ne peut se résoudre qu'au bénéfice du caractère, qui prévaut toujours sur le comportement, tout comme le sens des mots l'emporte toujours sur l'intention dans laquelle ils ont été prononcés. La conclusion qui s'impose "naturellement" dans ces cas-là est celle d'un revirement de caractère aussi complet que soudain. Le théâtre élisabéthain ne met pas en scène de personnages évoluant de manière progressive : lorsqu'ils changent, c'est en leur contraire. L'une des illustrations les plus frappantes de ce type de revirement est fournie par le personnage de Iago, flanqué de l'épithète quasi-homérique de honest, qui se révèle à la fin de la pièce une incarnation du mal absolu.

Chapitre 4 : Le théâtre élisabéthain : tradition et innovation
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Au premier rang des illustrations de ce mode de pensée par analogie figure le couple macrocosme/microcosme. Il s'agit en fait de notions relatives l'un par rapport à l'autre, car il faut considérer trois niveaux : cosmique, socio-politique, et individuel - le niveau intermédiaire pouvant être considéré comme microcosme relativement au tout macrocosmique, ou comme macrocosme relativement à l'individu humain. En pratique, le terme macrocosme désigne l'univers, celui de microcosme renvoie à 'homme en tant qu'individu - this little word of man, comme on l'appelait -, tandis que pour le niveau social on trouve le plus souvent l'expression métaphorique de corps politic (body politic), qui renvoie à une conception organique de la société. Entre ces trois niveaux, on trouve toutes les combinaisons de correspondances : entre l'univers et le corps social (c'est-à-dire entre l'ordre naturel et l'ordre social) entre le corps social et le microcosme individuel (c'est-à-dire entre l'ordre social et psychologique) ; entre l'univers et le microcosme individuel (c'est-à-dire entre 'ordre naturel et l'ordre psychologique).
L'ordre social, on l'a vu, n'était pensable qu'en relation avec l'ordre cosmique, dont il était l’émanation naturelle. Réciproquement, un dérèglement de l'ordre cosmique était le signe de troubles sociaux imminents [...].

Chapitre 2 : L'esprit du temps
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La configuration de la scène élisabéthaine, par la proximité qu'elle établit entre l'acteur et le public, a une incidence sur cette forme de discours particulière qu'est le monologue. La langue anglaise utilise deux mots distincts pour désigner un discours pris en charge par un personnage unique, selon qu'il est prononcé en présence d'un ou de plusieurs autres personnages (monologue) ou par un personnage qui est seul sur scène et qui s'adresse directement au public (soliloquy).Dans ce dernier cas, il s'établit une complicité avec le public, que l'acteur semble prendre dans la confidence, si bien qu'un discours prononcé dans ces conditions est crédité, selon la convention, d'un plus haut degré de véracité que des propos échangés dans un dialogue. C'est notamment ce type de monologue que les personnages de scélérats dévoilent leurs intentions. On se situe donc ici à l'articulation des conventions liées à l'espace scénique et de leurs implications en matière de caractérisation.

Chapitre 4 : Le théâtre élisabéthain : tradition et innovation
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