Frédéric Forte "Transformation de la condition humaine dans toutes les branches de l'activité" - P.O.L
« Ce n'est pas un jeu sauf dans le sens où on peut dire que les éléments d'un corps (vivant, social, musical) jouent ensemble. » Michelle Grangaud
à l'occasion de la parution de "Transformation de la condition humaine dans toutes les branches de l'activité" aux éditions P.O.L à Paris le 22 novembre 2023
Abréviation de mots.
Le mot « Avion » est l’abréviation d’abréviation.
Exemples :
Noël Arnaud : Nana
Marcel Bénabou : Mao
Paul Fournel : Poe (Edgard A.) ou Paré (Ambroise)
François Le Lionnais : Rais (Gilles de)
Raymond Queneau : Rameau (le neveu de)
Canton, Canton, quand on entre dans la bible, dans la bibliothèque parmi les preux, parmi les premiers, ce qu’on voit d’abord c’est la lu, la lumière du jour. La lumière du jour contient la lecture qui contient le monde qui contient la lumière du jour, comme dans les paires, les performances de Bernard Heidsieck où la lecture orale contient la lecture écrite et récit et réciproquement.
Il y a de grandes tables gris pâle dans la bibliothèque. Quand on arrive à leur douve, à l’heure d’ouverture, les tables sont vides et prêtes en même temps pour les voies, les voyages qu’on va faire là ; les tables sont comme des ponts qui joignent des bords opposés et pourtant contes, contigus.
Le poème fondu consiste à tirer, d’un poème donné, un autre poème plus court, par exemple d’un sonnet, un haïku. On ne doit pas employer dans le haïku d’autres mots que ceux qui sont dans le sonnet, et on ne doit pas les employer plus souvent qu’ils ne le sont dans le sonnet.
On peut durcir la contrainte en fondant un quatrain en haïku :
Tant de forêts flottent,
l’arbre court, les bois s’en vont
ensemble dans l’arbre.
est ainsi la fusion du quatrain de Victor Hugo tiré des Feuillets d’automne :
Elle court aux forêts où dans l’ombre indécise
Flottent tant de rayons, de murmures, de voix,
Trouve la rêverie au premier arbre assise,
Et toutes deux s’en vont ensemble dans les bois !
• Nota : La ponctuation et l’ordre des mots du texte-souche sont totalement négligés. En revanche, les mots doivent être respectés à l’accent près : on s’interdira d’employer ou pour où, etc.
1874
Or anglais Valeurs modales Formes modales
Pupille optique
Naphte minéral Soude naturelle Médaille muette
Or gris
Travaux souterrains Organe olfactif Pupille optique
Le metteur en scène
a pour objectif
les préhistoriens
d'où un transfert
chez les naufrageurs
un alpiniste un
pyrotchenicien
Esprit nouveau Or rouge Tons fondants
Médaille muette
p.103
Michelle Grangaud nous a quitté le 15 janvier 2022.
1549
Accent aigu Fièvre intestine Accent circonflexe
Accent grave
Demydieux rustiques Bêtes rousses Jeux floraux
Erreurs amoureuses*
Jugement souverain Huis clos Lieutenant criminel
Prison privée*
Les galères
mélancoliquement
les galères
comme rage de dents
putrescente
mélancoliquement
putrescente
Acolyte blafard Accent grave Proportion irrationnelle
Sueur froide
1562
Eau marine Ambre blanc Planète supérieure
Zone tempérée
Lieux communs Zone froide Serpent aveugle*
Idées funèbres
Merle blanc Jumens hermaphrodites Ambre blanc
Ambre gris
Pierre de touche*
de métempsychose
au dieu Terminus*
il ne manque rien
lui qui devenu
terme nous donne
le mot et la fin
Osier vitellin Or blanc Pôle septentrional
Tête humaine*
p.15
1562
* Serpent aveugle : c'était le nom, en 1562, du serpent nommé aujourd'hui l'orvet.
* L'expression pierre de touche, dans le dictionnaire d'Alain Rey, est donnée à pierre comme étant de 1579, mais à touche elle apparaît datée de 1562.
* Le dieu Terminus, chez les Romains, était un dieu-tronc, sans bras ni jambes.
* Tête humaine : se trouve, en 1562, dans le titre : Méthode curative des playes et fractures de la teste humaine.
Michelle Grangaud nous a quitté le 15 janvier 2022.
Rue de la comète. En août, les jours se confondent, on dirait qu’un seul et même soleil les flambe avec un ou deux orages posés au hasard, comme de travers, sur les récoltes et les processions d’estivants. La nuit, quand me réveille l’urine qui grésille au ventre, je sors dans le pré tout noir. J’aime m’accroupir en plein air et sentir les étoiles au-dessus de ma tête, leur pluie palpitante immobile, en suspens très haut par dessus la courte pluie qui s’écoule de moi. Parfois une étoile filante pour se souvenir qu’on oublie de faire un vœu. Les dernières cerises sont noires. Je pense à la saphée d’Azarquiel, premier astrolabe universel, je pense à Lucilio Vanini accusé de magie et brûlé vif, Lucilio comme lumière, Vanini comme en vain. Titania, Umbriel, Ariel, Oberon et Miranda sont des satellites d’Uranus.La terre est ronde. On a bu Toquay Madère, Falerne et Champagne, on a bu Saint-Emilion, Château-Neuf-du-Pape, Frontignan Mâcon Fleury, Jurançon Cognac, on a bu le Calvados, le Beaujolais la Bourgogne, Armagnac Bordeaux, on a bu toute la France, et d’autres pays, Porto Xérès Alicante. On fait deux tours de soleil, Sancerre Chablis, Chianti Sauternes Gaillac, Pommard et Pauillac, on a vidé la bouteille, le flacon la fiasque, le bock le jéroboam, le nabuchodonosor, le canon la buire, le mazagran la tourie, et la dame-jeanne, on a tout vidé la cave.Trajets, passage de l’ancre. Vous visitez le Musée Océanographique. Vous défilez le long des parois transparentes, silencieux, presque autant que les poissons. Vous lisez, de L.A. Millet-Mureau, Le Voyage de La Pérouse autour du monde. C’est un livre qui a été publié conformément au décret du 22 avril 1791. Faire passer un décret pour qu’un livre soit publié, ça c’est toute la Révolution.»
Le temps, déguisé en temps voulu, sort de la nuit des temps. Étendue sans limite des jours qui déclinent. Clignotant rouge du répondeur téléphonique, luisant dans l'obscurité, vers deux heures du matin. Atteint de somnambulisme, le boulevard vagabonde sombrement et en solitaire entre les grands lampadaires. Derrière le monde, il y a du monde et d'autres mondes. Ondulation permettant de remettre ce qu'on peut faire le jour même dans la poche du lendemain. Main tenant l'extrémité du tuyau d'arrosage, comprimée par le pouce pour mieux diriger le jet d'eau et en augmenter la portée. Portée de canetons se dirigeant en file indienne vers la mare aux canards, avec la dignité d'une troupe qui s'exerce pour le passage en revue. Revue des deux Mondes placée, en double exemplaire, entre deux miroirs qui se font face. Facéties satanico-divines proposées en exemple. Employé à la Bibliothèque nationale ouvrant pour la dernière fois aux lecteurs les portes de la salle des Imprimés, rue de Richelieu. Lieux-dits semés un peu partout dans la campagne.
Gare-d’Austerlitz reste gala du Ritz s’attarde leur zig-zag t’use retard il a dû t’égarer Liszt et leTzara du Gris
Mais il y a aussi, souvent, des émotions anonymes.
Bonne-Nouvelle Porte-d’Auteuil lieu le pont au vent roue blonde blonde on ouvre peula nuit d’été on double le tonneau ivre pleut pleut un boulevard étoilé néon notes d’aveu on broutille le pneu
(J’ai fait encore un livre anagrammatique d’après un petit recueil intitulé Ternaires, par Maurice Regnaut. Ce sont des poèmes composés chacun de trois vers, brefs pour a plupart. De chaque ternaire, pris en bloc (toutes les lettres) j’ai tiré de 3 à 5 anagrammes. Parce que les lettres étaient beaucoup plus nombreuses que tout ce que j’avais fait jusque là, j’avais l’impression d’apprendre à conduire un poids-lourd. Le maniement était à la fois lourd et délicat. Le résultat s’appelle RENAÎTRES.)
Début XVIe
Siècle, 1501 à 1509
Barbe prolixe Verge virile Moine gyrovague*
Flamme crépitante
Saut périlleux Membres massifs Racines ligneuses
Couronne margaritique
Père naturel Clé pendante* Saisie féodale
Doctrine mosaïque
La mutinerie
n’a pas eu lieu
le siège levé la
papelardise
gangrène les
discours du
souverain pontife
Cœur vaillant* Verre dormant Année émergente*
Genre humain*