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Critiques de Mitiarjuk Nappaaluk (11)
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Sanaaq

Voici un livre précieux, ce qui le rend émouvant. Pas tellement pour les émotions qu'ils charrient ( elles sont plutôt frugalement développées ) mais par son impact intellectuel et la possibilité offerte au lecteur de se décentrer de son habituel point de vue occidentalo-centré. Sanaaq est le premier roman autochtone de l'Arctique canadien.



Son auteur, Mitiarjuk Nappaluk ( 1931-2007 ), l'a composé sur une vingtaine d'années à partir des années 1950. Analphabète ( au sens premier du terme, ne sachant ni lire ni écrire un alphabet ), elle l'a écrit en caractères syllabiques sur des milliers de pages, avant que l'éminent ethnologue et ami Bernard Saladin d'Anglure, ne le translittère en alphabet latin puis le traduise. Au départ, c'était une commande de missionnaires catholiques lui demandant de transcrire le plus grand nombre de mots de la vie quotidienne inuit.



Etant donné son contexte, ce roman est très atypique. Il ne faut pas s'attendre à retrouver les codes et conventions romanesques occidentaux. Chaque chronique est quasiment une chronique indépendante décrivant le quotidien rigoureux des Inuits confrontés à une nature extrême. L'auteur raconte les mille gestes d'un mode de vie entièrement axé sur la survie en une lutte acharnée à se nourrir : la construction d'un iglou ou d'une embarcation, la pêche à l'omble ou au béluga, la chasse à l'ours ou au phoque barbu, la cueillette des bouleaux nains, on partage les labeurs saisonniers des Inuits.



Du coup, ce texte vivant déborde de factuel dans une profusion de vocabulaire inuit ( les traductions sont mises directement dans les marges et dans un lexique final ) avec beaucoup de répétitions. Il est également truffé de style direct, de dialogues alertes, d'expressions acoustiques, d'onomatopées fixées dans la langue ou d'interjections. Cette grande spontanéité dans l'écriture surprend et désarçonne, forcément. On ne lit pas ce roman pour la beauté de son écriture, souvent hachurée, mais pour son authenticité éclatante qui respecte la musique de la langue inuit.



Pour autant, il ne faut pas réduire ce texte à la valeur anthropologique d'un documentaire. Ce n'en est pas un, c'est bien un roman car son auteur porte un regard sur les faits racontés. Mitiarjuk Nappaluk est une personnalité exceptionnelle qui reçut en tant qu'aînée de quatre soeurs l'enseignement de son père réservé aux garçons. Dans sa communauté, elle était considérée comme une médiatrice entre les hommes et les femmes, sorte de «  troisième genre ». Sans doute a-t-elle mis beaucoup d'elle dans son personnage de Sanaaq, femme forte qui devient veuve très jeune avec en charge sa petite soeur.



Dans le dernier tiers, l'auteure semble s'extraire de la chronique factuelle pour aborder des thématiques fortes, universelles, plus « romanesques », comme si elle faisait sauter le verrou de l'autocensure : l'irruption de la violence conjugale, la place des croyances ou de la sexualité, l'héritage des aînés, à un moment charnière de l'histoire inuit, entre un passé qui s'effrite et une modernité à aménager suite à l'arrivée intrusive des Blancs. Tellement précieux de découvrir cette culture inuit avec un point de vue féminin original.



A noter, la qualité formelle de ce livre, comme toujours avec la maison d'édition Dépaysage qui apporte un soin extrême au choix du papier, de la mise en page et des illustrations ( en couverture, merveilleuse photo de Mitiarjuk Nappaaluk dans son iglou ). Cette réédition est définitivement précieuse.
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Sanaaq

Mitiarjuk Nappaaluk ? Robert Lechat ? Bernard Saladin d’Anglure ? Ces noms ne vous disent rien ?



Normal. Et pourtant, sans eux, Sanaaq ne serait probablement jamais arrivé jusqu’à nous, nous privant de ce qui est sans doute le premier roman autochtone du Canada. Longtemps cantonné au rang de « peuple sans écriture », les Inuits de l’Arctique québecois n’en sont pas pour autant un peuple sans histoire, loin de là.



C’est cette histoire individuelle et collective que nous conte Mitiarjuk Nappaaluk dans Sanaaq, celle de ces familles vivant dans la baie de Wakeham au Nunavik. Des morceaux de vie, des parenthèses du quotidien, des instantanés joyeux ou plus sombres…



Amateurs de romans à intrigues ou à suspense, passez votre chemin ; vous n’y trouverez pas votre compte. Mais si aller un peu plus loin dans la découverte des modes de vie des peuples autochtones vous intéresse, alors vous êtes au bon endroit, avec le bon livre !



On y parle de pêche, de chasse et de cueillette bien sûr, de peaux et de fourrures, d’ours blancs et de phoques annelés, d’igloos et de traineaux. De chiens aussi, à la fois protégés et parfois détestés. Et de légendes enfin, allant des lièvres aux sept anus aux bélugas avec lumaajuq…



Mais à travers ces saynètes parfois un peu désuètes, on explore surtout les relations familiales qui unissent ou séparent ces peuples, leurs migrations, leurs rituels ancestraux, leur hospitalité, leur justice ou leur approche de la mort et de la naissance, sans oublier les influences des Blancs et de leur argent, missionnaires catholiques ou explorateurs-envahisseurs.



Un livre instructif donc, mais qui finit au fil des pages par nous embarquer dans un élan empathique pour Sanaaq, fière et forte femme qui porte haut la parole des siens !



« Tu dois toujours te souvenir que tu es un chasseur et que n’importe quand, tu auras à affronter le danger et à passer par des moments désagréables. Il te faudra faire en sorte que les tiens ne souffrent jamais de la faim, et penser plus à eux qu’à toi. Tu ne devras jamais rester à ne rien faire quand se présente une possibilité de subvenir à leurs besoins. Ai ! »
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Sanaaq



Saanaq, de Mitiarjuk Nappaaluk, est qualifié de premier "roman inuit". Écrit sur une période de deux décennies, d'abord en syllabique inuktitut puis en translittération, il a été commandé par des missionnaires catholiques travaillant au Nunavut, qui souhaitaient améliorer leur capacité à communiquer avec les peuples autochtones vivant dans la région. Ce qu'ils demandaient, c'était un simple recueil de phrases. Ce que Nappaluk a commencé à écrire, c'est un roman. Elle ne connaissait aucun alphabet, elle n'avait jamais lu de roman auparavant.



Composé de 48 épisodes, ce roman raconte le quotidien de Sanaaq, une jeune veuve forte, de sa fille Qumaq, et de leur petite communauté nomade du nord du Québec.

Le style d'écriture de Mitiarjuk est sans artifice, ancré dans le présent et parsemé de dialogues. Elle raconte leur vie au jour le jour, c’est ici et maintenant: chasser le phoque, réparer le kayak, ramasser des moules sous la banquise bleue, trouver du combustible, etc…. Les épisodes présentés sont simples dans leur structure mais d’une belle complexité émotionnelle. Le lecteur est plongé dans la vie nomade intime des familles inuites alors qu'elles luttent quotidiennement pour leur survie, face à la nature et à l’arrivée des missionnaires qui menacent de changer à jamais leur mode de vie et leurs croyances.



Roman sincère et formidable source d’informations anthropologiques sur une culture qui peut être difficile à pénétrer pour un français, Sanaaq nous est offert par les éditions Depaysage, avec comme toujours un super boulot éditorial (avant-propos, lexique, postface, etc…).



Traduit par Bernard Saladin d’Anglure
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Sanaaq

Ce roman détonne par bien des aspects. Pour sa maison d’édition que j’ai découverte il y a peu temps et qui propose des ouvrages de qualité, originaux et hautement symboliques dans la défense des peuples arctiques, la reconnaissance des préjudices endurés au fil des années.

L’autre particularité, tient dans le travail de traduction, je parlerais plutôt de transcription de par la nature même de la langue inuit, dont la transmission est davantage orale. Tout cela fait l’objet d’un avant-propos qui éclaire bien des choses, et conditionne le lecteur une fois entré dans le vif du sujet. Le traducteur a en réalité travaillé de longues années, en plusieurs étapes, et s’est adjoint l’aide précieuse de scientifiques comme Claude Lévi-Strauss.

Sanaaq n’est pas un roman comme les autres. C’est surtout la juxtaposition de quarante- sept scènes de vie se déroulant dans une baie du grand-nord canadien, au fil des saisons. L’auteur y expose un grand nombre de personnages, dont finalement très peu occupent le devant de la scène. Un lexique en fin d’ouvrage permet à chacun de s’y retrouver. La structure familiale inuit est assez particulière, car s’entend au sens large, et a une organisation essentiellement féminine. Qu’on se le dise, dans le grand-nord, ce sont les femmes qui ‶tiennent la boutique‶. Elle se sentent une grande liberté de corps et d’esprit.

On y apprend à chasser le phoque, avec à l’esprit l’idée de ne pas prélever plus que les besoins, à en utiliser chaque partie à des fins précises et utiles ; on y apprend à construire un igloo, à observe la glace et à en déjouer les pièges, on y découvre le regard d’une femme face à l’arrivée de l’aviation (nous sommes dans le début des années 50), des missionnaires et leur dédain pour l’esprit chamanisme…

Il faut s’habituer au style, volontairement simple, et sans aucun doute fidèlement transcrit par l’interprète, par ailleurs fin connaisseur de la culture inuit.

J’ai beaucoup aimé cet ouvrage, qui a toute sa place parmi les autres publications Dépaysage, qui ont fait le pari de l’originalité, du respect et de la défense de ces peuples longtemps ignorés ou malmenés.


Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Sanaaq

Écrire un roman. Vaste programme, idée séduisante, peut-être un peu effrayante aussi. Mais pour Mitiarjuk Nappaluk, c'est carrément bousculer les lignes, sortir du cadre et en inventer un nouveau. Car elle écrit un roman sans connaître en amont ce concept. Bref, elle innove !



Grâce à ses multiples connaissances, à sa curiosité, à ses aptitudes tant en des tâches traditionnellement féminines qu'en des plus masculines, elle offre à son lectorat la rencontre en immersion avec toute une communauté Inuk.



Onitialement conçu afin de transmettre du vocabulaire autochtone à des missionnaires catholiques, ce qui m'a frappée à sa lecture, c'est l'évolution du style. Les premiers chapitres sont très ancrés dans les dialogues dans lesquels les personnages décrivent beaucoup leur actions. Ils semblent ainsi interagir avec le lecteur (qui ne voit pas l'action) plutot qu'avec leurs comparses qui sont effectivement près d'eux. L'autrice semble prendre goût à animer ses créations, transmettre son expérience du monde à travers eux, presque comme un enfant qui jouerait à la poupée. Puis la narration s'affirme, prend une place plus importante. Les sentiments s'invitent davantage, diverses croyances traditionnelles, aussi. Les chapitres se répondent davantage les uns au autres. Les personnage s'émancipent de leur rôle-témoin.



Si la postface du traducteur attribue une part de ces changements au fait que la dernière partie du livre n'a pas été écrite à la demande des missionnaires, ce qui a permis à Mitiarjuk Nappaaluk de s'affranchir de certains tabous, n'y aurait-il pas aussi chez cette audacieuse exploratrice du verbe, une maîtrise progressive de son art ?



Une nouvelle fois merci aux éditions dépaysage d'avoir fait réémerger un trésor littéraire, atypique, brouillant les pistes entre anthropologie et création littéraire. Sans modèle et donc sans comparaison possible, cet objet littéraire non identifié aboli toutes les frontières.
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Sanaaq

Les éditions Dépaysage réédite Sanaaq de l’autrice Mitiarjuk Nappaaluk dans leur très belle collection Talismans (traduction de Bernard Saladin d’Anglure).



Il s’agit d’un texte écrit à la demande de missionnaires catholiques à partir du début des années 1950 dans le but d’enrichir les connaissances sur la culture et la langue inuit. Très descriptif et maximisant l’emploi de termes spécifiques, il nous partage pêle-mêle les techniques de chasse, les outils pour tous usages, la fabrication de vêtements, la méthode de construction d’un iglou ou encore la faune et la flore du Nunavik.



Chaque chapitre nous présente une scène de vie du quotidien des Inuit (sans s) comme « La cueillette de bouleaux nains », « Le passage de la tente à l’iglou » ou encore « Une pêche à l’omble arctique ».

Le style simple et direct à vocation informative, devient plus vivant sur la dernière partie avec des chapitres où les sentiments des personnages affleurent davantage.



L’intérêt de ce livre réside indéniablement dans le témoignage rare et exceptionnel du mode vie Inuit par une femme du Nunavik (en photo sur la couverture en 1966).
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Sanaaq

Nous sommes habitués avec les éditions Dépaysage à découvrir des textes qui sortent de l’ordinaire, mais Sanaaq se distingue des ouvrages de la maison d’édition que j’ai pu lire jusqu’à présent. Ce n’est pas tant son caractère romanesque (bien que pour une majeure partie autobiographique) qui a retenu mon attention en premier lieu, mais bien l’histoire de la genèse du livre, et le travail de longue haleine qui a permis que nous l’ayons entre nos mains françaises en 2022.



Sanaaq, c’est un texte commencé dans les années 50 et qui s’échelonna sur vingt ans. C’est un millier de pages en caractères syllabiques écrit par une autodidacte qui n’est jamais allée à l’école, Mitiarjuk Nappaaluk. C’est (sans doute) le premier roman autochtone canadien. Mais c’est aussi la rencontre entre l’auteure et l’anthropologue Bernard Saladin d’Anglure, qui a translittéré puis traduit le texte avant de le publier dans les années 80, et de le réviser entièrement pour cette nouvelle parution.



Que raconte ce roman ?

Nous suivons sur plusieurs années, Sanaaq, une jeune veuve qui vit au jour le jour, à la rudesse des saisons sur son territoire de Nunavik. Scènes de vie quotidienne du peuple Inuit, ce roman nous permet de découvrir les us et coutumes et la psychologie des autochtones. Chasse et pêche (des scènes pas toujours évidentes à lire pour moi), construction d’iglous, recherche d’un(e) compagn(e)on, liens familiaux et sociaux, violences, mais aussi esprits chamaniques sont au rendez-vous.



Mitiarjuk Nappaaluk y insère également de nombreuses références historiques avec notamment l’arrivée des premiers Blancs, des missionnaires anglicans, du premier avion, mais également de la première évacuation aérienne médicale ou de la venue d’un agent des Affaires Autochtones. Mais c’est aussi un peu d’elle aussi dont il est question. En parcourant sa biographie, on découvre qu’elle a aussi bien profité des enseignements de sa mère pour les tâches dites féminines que ceux de son père pour toutes les activités masculines, n’ayant jamais eu de fils. Dans sa préface, Bernard Saladin d’Anglure parle d’elle comme d’un « véritable troisième genre culturel et social ».



Une expérience de lecture assez déroutante lors des premiers chapitres, tant pas l’oralité de l’écriture, que pas une certaine distance émotionnelle du texte, assez ethnographique et anthropologique. Puis un changement s’opère, et c’est grâce à la postface que j’ai finalement compris pourquoi. À la moitié du récit, l’auteure ne s’est plus autocensurée. Et c’est grâce à ces chapitres, écrits à la demande de l’anthropologue, que la magie a opéré sur moi. Il est alors question de violences conjugales, de mythologie et croyance et de possession sexuelle…Mais je ne vous en dis pas plus, et vous invite à votre tour à découvrir ce texte singulier .

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Sanaaq

Avant de parler de ce livre, j’aimerais vous raconter ce qui en fait sa particularité et toute sa richesse, à savoir son auteure, Mitiarjuk Nappaaluk, née en 1931 et morte à l’âge de 76 ans, qui a vécu toute sa vie dans le Nunavik et est considérée comme une pionnière de la littérature inuite.



Comme l’explique son ami et traducteur en français Bernard Saladin d’Anglure dans la préface du roman, Mitiarjuk Nappaaluk n’a pas été scolarisée et est donc analphabète au sens étymologique du terme (c’est-à-dire qu’elle ne maîtrise pas l’alphabet). Cependant, elle a appris l’écriture syllabique inuktitute grâce à des missionnaires catholiques, ce qui lui a permis de rédiger un certain nombre de récits qui racontent la vie quotidienne de sa communauté et qui ont été publiés dans des revues. Cela lui a également permis d’écrire, en 1952, le roman Sanaaq, ce qui en fait peut-être la première auteure autochtone a avoir rédigé un roman publié, même si celui-ci ne sera finalement publié qu’en 1984, après avoir été transposé de l’écriture syllabique vers l’écriture alphabétique (mais toujours en inuktitut), avant d’être traduit en français en 2002 par son ami susnommé).



Sanaaq est donc l’histoire d’une petite communauté inuite, qui, au fil d’anecdotes suivant les saisons et les quarante-sept chapitres qui composent l’écrit, vit dans les conditions extrêmement rudes du cercle arctique, entre tente aux moments moins froids et iglou durant les périodes plus glaciales. Tour à tour, nous assistons à la chasse au béluga, à celle au phoque, à la pêche à l’omble arctique, à la fabrication de bottes, au montage d’un iglou, à la préparation et à la conservation de la viande, mais aussi à l’arrivée des Blancs, de l’argent et des pensions pour les enfants et les personnes plus âgées.  



L’écriture est fort particulière : beaucoup de répétitions, des tournures de phrases inhabituelles, des dialogues parsemés d’interjections diverses dont on nous explique le sens la première fois mais dont on doit se rappeler par la suite (on peut néanmoins se référer au glossaire qui finit à la fin du livre). Cependant, j’ai eu, tout au long de ma lecture, le sentiment de lire un document rare, et de mesurer toute la portée de ce récit qui était arrivé jusqu’à moi par la magie de la traduction et de l’édition. Lire Sanaaq, c’est se plonger dans un autre temps, à une époque pas si lointaine, et des conditions de vie si différentes de celles qui sont les miennes que le voyage est forcément réussi. L’envie de partage de Mitiarjuk Nappaaluk est flagrante, dans sa façon de faire passer les us et coutumes de sa communauté, ses valeurs et ce à quoi elle attache de l’importance, et en cela, je la remercie du fond du cœur.



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Sanaaq

A mi chemin entre récit de vie et roman, ce live est une vraie curiosité. On se retrouve plongé dans le quotidien des inuits au milieu de la banquise, chassant le phoque, préparant un igloo, ou en train de coudre des bottes en peau. C'est vraiment très intéressant et instructif. Le récit est ponctué de mots en inuit, c'est une vraie mine d'informations sur la culture inuit, la vie quotidienne, l'arrivé des religieux, l'éducation des enfants. à découvrir.
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Sanaaq

Sanaaq est le nom d'une jeune femme faisant partie d'un petit groupe d'Inuit vivant quelque part tout au nord du Québec. Elle, sa fille Qumaq et son mari Qalingu son au centre de ce qui serait difficile de qualifier d'histoire racontée par Mitiarjuk Nappaaluk. L'autrice, elle-même issue d'une de ces communauté du Grand Nord ne veut pas faire le récit d'une vie, mais le récit de son peuple. Les nombreux chapitres du roman nous content les événements du quotidien du petit groupe, qui doit monter ses tentes l'été et construire un igloo en hiver. Doit chasser le phoque pour en extraire de l'huile pour se chauffer et s'éclairer et surtout manger, survivre.



Tout au long du livre, on apprend à découvrir à travers la voix enfantine de son autrice ce qu'est la vie d'un Inuit, traditionnellement. On retrouve même une sorte de chronologie historique, alors qu'à la fin du livre on découvre les Blancs qui débarquent, avec leur religion, leur médecine et leur magasins où on peut acheter plein de produits contre de l'argent, qu'il faudra bien gagner à son tour. Il est important de noter que Nappaaluk est analphabète et a dicté son récit à un ethnologue et des missionnaires comme elle a pu le mettre sur papier en inventant son propre système d'écriture, avec que celui pour écrire l'inuit ne soit créé.



Il en résulte un livre étonnement agréable à lire d'un bout à l'autre ; qui, s'affranchissant du récit dramatique traditionnel à notre littérature occidentale, permet d'accepter plus facilement le nombre d'information qui nous est transmis, sans ce soucier de laisser derrière un personnage ou l'autre. On retrouve ainsi tout au long de l'ouvrage une mine de petits détails de la vie quotidienne traditionnelle inuite, qui plaira certainement aux curieux et aux anthropologues. Par là, Sanaaq est un livre absolument unique.



Comme Bernard Saladin d'Anglure (quel nom !), l'ethnologue et ami de Mitiarjuk Nappaaluk, l'a dit, Mitiarjuk a écrit d'autres ouvrages plus encyclopédiques encore, mais même ici dans son roman, le style n'en reste pas moins très descriptif. Évidemment, on ne peut que difficilement s'impliquer émotionnellement dans Sanaaq comme on le ferait avec l'histoire d'un roman comme on en lit habituellement, même si certains aspect du quotidien inuit peut provoquer une réaction : l’écartèlement du premier oiseau tué par un jeune homme par tout le village est un moment assez dur ; la nourriture habituelle des héros peut dégoûter à juste titre. Toute la fin du roman est aussi plus dramatique, en dix chapitres, que pendant les trente premiers. Un hiatus et une hospitalisation de Nappaaluk expliquent a priori cela. Mais encore une fois, on découvre une facette plus sombre de la vie de ces gens.



Sanaaq est une lecture légère, pleine d'onomatopées, de répétitions, de petites phrases qui nous paraissent étranges, comme écrites par un enfant, mais elle permet de s'évader, de survoler le temps d'un récit les lacs et les plaines recouvertes de glaces de l'extrême nord de notre planète. Et c'est rare, qu'un tel livre soit à la fois si doux, facile et si enclin à nous faire apprendre une coutume, la gestion d'un événement ou tout autre chose qui arrive dans la vie d'un Inuk. Encore une fois, c'est totalement unique ! Le travail de traduction permet aussi, en ayant laissé une centaine de mot en langue inuit, de s'en approprier un ou deux, qu'on apprend à reconnaitre à chaque fois qu'on le trouve. Évidemment, cette lecture ne plaira pas à tout le monde, mais pour ceux qui ont l'esprit ouvert à ce genre d'aventure, la plongée est recommandée !
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Sanaaq

Le cœur des femmes inuits.



Ça fait quoi d’assister à une naissance ?



Il y a quelque chose d’absolu et d’indéfinissable dans les balbutiements littéraires.

Ce texte est doublement singulier.

C’est le premier récit « recueilli en écriture syllabique inuit et translittéré en orthographe latine et traduit de l’inuktitut » , et il est incarné et porté par la voix d’ une femme, Mitiarjuk Nappaaluk.



L’aventure humaine qui a donné vie à ce roman est passionnante , l’introduction et la postface sont d’ailleurs une mise en lumière précieuse des intentions de l’autrice et du traducteur.



Une immersion en deux temps.

Il y a cette première partie qu’ il faut apprivoiser, même si en réalité c est l’inverse qui se produit.

Un peu spectatrice pendant les 60 premières pages, j’avais peur de poser une regard trop « anthropologique » sur l’histoire de Sanaaq, une jeune veuve en prise avec son quotidien et sa condition.

On baigne dans une sorte de poche amniotique dans laquelle on s’imprègne des coutumes des inuits.

Le rythme est lent, il cale aux rituels saisonniers .

C’est une vie rude qui ne laisse que peu de place aux émotions, la mécanique d’un quotidien de survie.



Progressivement les gestes se teintent d’humeurs, de désillusions , de rêves.

L’âme des personnages prend possession des lieux, du froid, des bêtes.



Les annotations en inuktitut se métamorphosent, ouvrent des portes , libèrent l’imaginaire et les émotions.

Sans que je m en aperçoive, mes pieds ont glissé dans les bottes froides et trempées d’un monde qui déborde du simple témoignage.

Cette deuxième partie, sensible, dont je suis incapable de vous en définir le commencement , c’est le cœur des femmes inuits qui bat.



Alors ça fait quoi d’assister à une naissance… ça fait le regard neuf et l’âme un peu plus grande.



Traduit (et bien plus encore) par Bernard Saladin d’Anglure.

{360 pages}



Un incontournable si vous avez déjà lu des romans sur les nations autochtones

Une expérience littéraire et humaine importante.

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