Morgane Pinon

Extrait Éditeur

Respirer. C’est aussi essentiel que manger ou boire. Jusqu’ici, l’eau et la nourriture se sont retrouvées empoisonnées sans aucune limite. La pollution des sols pour produire toujours plus d’aliments. Les pluies s’infiltrant dans ces espaces souillés se sont gorgées d’éléments nocifs. Il fallait donc que l’eau soit traitée avant d’être bue. Et, bien entendu, ce n’était pas gratuit. De même pour tout ce qui se mange. Les enfants croient à de la science-fiction lorsqu’on leur raconte qu’il fut un temps où l’on pouvait manger des fraises sauvages qui poussaient en forêt ! Et tout ça sans aucun impact indésirable sur la santé. De nos jours, même en ingérant de la nourriture traitée, la population arrive à tomber malade ou vit avec des carences. Mais ce n’est pas grave. Car si l’on est souffrant, il est toujours possible de se soigner en gardant l’économie de la santé à flot.

Respirer. C’était bien la seule chose gratuite. Mais tout a une fin.

Quand je m'endors, mes rêves s'éveillent...

Lise ne comprend pas pourquoi, mais elle sait qu’elle a des sentiments pour cet homme. Comment est-ce qu’un tel attachement a-t-il pu se créer alors qu’il ne se sont vus qu’une fois dans un bus ? Car même si cette expérience a quelque chose de particulier, elle garde cette impression que toutes ses émotions se sont forgées sur de longs mois… Puis une idée s’impose dans l’esprit de la jeune femme.

On a tous des rêves que l’on souhaiterait réaliser. Des voeux qui semblent bien trop grands, voire même inaccessibles. Il faut juste se lancer. Mais pour ça, vous devez vous réveiller. Si notre rencontre vous a déplu, reprenez conscience pour me dire que je suis un parfait imbécile. Mais si au contraire… Je… J’aimerais une seconde chance.

– Parle-lui. Dévoile-toi.
– Ça ne changera rien.
– Peut-être pas pour elle, mais pour toi oui. Libère-toi de ce fardeau. Demande-lui pardon si c’est ce que tu aimerais. Fais comme si elle était éveillée. C’est à mon sens le premier pas pour que tu sois en paix avec toi-même…

– Le passé est déjà écrit. Il ne sert plus à rien de se torturer avec ce que tu aurais pu faire. Il te faut simplement agir maintenant, pour changer l’avenir...

Même si physiquement, je pourrai largement remporter le match, c'est moralement que je suis le plus affecté. Les insultes font mal. Les mots sont choisis avec soin et font écho à mon passé dont je lui ai tout dévoilé.

Certaines personnes n’ont que la fureur qui transparaît, sans que rien ne suive. Mais il y a ce je ne sais quoi qui s’ajoute à l’expression faciale, lorsque la personne compte subitement en venir aux mains.

L’homme a toujours été vu comme un dominant. Il ne peut en être autrement.

Ça doit être dur d’avoir un père homophobe. Mais heureusement pour lui, il est majeur maintenant, il peut choisir ce qu’il veut faire de sa vie. Et il a préféré s’installer chez maman. Enfin ! La famille, c’est toujours compliqué. Je suis navrée pour ce spectacle.

Ce qui blesse le plus ce sont les mots. Et je reste interdit en recevant de plein fouet ce langage familier que je n’aurais jamais imaginé entendre d’une bouche aussi délicate.

On a tous des regrets. Je n’ai jamais pris soin de lui dire que je l’ai toujours trouvée forte et pleine de courage, même si ces dernières années lui ont été difficiles. Elle ne disait rien, mais je voyais bien que quelque chose la rongeait. Si j’avais été plus encourageante, peut-être qu’elle se serait confiée à moi. Enfin, ajoute-t-elle dans un soupir. On ne peut pas réécrire l’histoire…

Rien n’arrive par hasard. Si tu l’as retrouvée à ce moment précis, c’est pour une bonne raison. Garde des pensées positives. Tu rayonneras forcément sur les gens autour de toi et ça fera bouger les choses dans le bon sens.

N’aie pas honte de ces larmes. Elles sont la preuve de ton humanité. Tu n’es pas comme lui et tu n’as pas besoin de le devenir. Tu dois juste apprendre à lui cacher cette belle part de toi-même qu’il est incapable de comprendre.

Certains disent qu’elle a mûri. Moi je crois qu’elle a dû vivre une énorme déception amoureuse. Elle a tout plaqué du jour au lendemain. Maman n’arrête pas de dire qu’elle n’aurait jamais dû abandonner ses études de droit… Enfin, je n’sais pas pourquoi je raconte la vie de ma sœur à un inconnu. Je suis désolée si je vous ennuie. Quand je commence à parler, on ne peut plus me stopper.

La jeune femme a l’impression de devenir folle à espérer des choses qui n’existent pas. Et en cet instant, elle donnerait n’importe quoi pour retrouver son corps et être face à lui dans ce bus. Revivre peut-être ce moment de légèreté. Un instant de bien-être et de protection à la fois. Un besoin de se sentir vivante pour lui.

On ne persiste pas à donner des coups pendant des heures entières juste pour tuer le temps. Non. Et ce mystère fait naître en elle l’envie de passer chaque seconde auprès de lui. Pour savoir. Oui. Mais pas que. C’est un élan de compassion qui l’anime. Pas de pitié ou autre. Elle est sensible à cette détresse que personne ne semble comprendre. Peut-être arrive-t-elle à la sentir aussi facilement qu’elle-même s’est également enfermée dans son propre chagrin pendant tant d’années.

Voir et entendre c’est bien. Mais je préfère retrouver les personnes en vrai. C’est bien que vous soyez monté me voir. Il faut parfois se déconnecter pour mieux s’ouvrir au monde. C’est comme dans les transports en commun. Je remarque à regret trop de gens les yeux rivés sur leurs téléphones sans prendre le temps de regarder le monde autour d’eux. Je pense malheureusement que si j’avais été jeune à notre époque, mon mari et moi n’aurions jamais levé les yeux l’un vers l’autre.

Elle doit avouer que le fait de cogner, pour évacuer toute sa rage enfouie au fond d’elle, est une pratique qui la tente assez. Relâcher toutes les tensions, se libérer de ses idées noires…

Si Lise devait qualifier le nouveau venu, ce serait tel un Don Juan. Le genre qui aime séduire d’un regard et qui sait pertinemment combien il lui est facile de plaire.