Elle ne réagit pas à ma voix, mais sa tête commence à s'incliner sur la gauche puis sur la droite dans un mouvement saccadé dérangeant.
- Mme Lili ? Vous avez besoin de quelque chose ?
Elle ne me répond pas, le tic-tac de sa tête s'accélère. Inutile d'insister, je décide de sortir. Certainement dû au stress de l'instant je fais une erreur de débutant, je lui tourne le dos pour sortir. Immédiatement mon système nerveux s'électrise, elle vient de bouger derrière moi.
Je suis dans le sas, plongé dans le noir, derrière la porte les grognements reprennent de plus belle et la patiente se jette à nouveau dans ma direction.
J'entre dans le secteur de soins intensifs. Les lumières du service se coupent à nouveau, évidemment.
- Ça devient lassant ton petit jeu avec la loupiote sale conne ! Tu t'es prise pour Jacquouille ?
Rien de plus désagréable que quelqu'un qui vous dévisage, surtout quand vous n'êtes pas bien.
Elle porte des vêtements hors d âge, une sorte de tailleur à poids, lui aussi couvert de crasse, de graisse, de sang, de merde peut être aussi.
La force des Nixes est semblable à la mer d'Améthyste. Une immensité sans nom, d'un calme quasi méditatif, mais qui vient nous frapper de plein fouet. Elle nous prend et nous broie en nous rappelant que nous ne sommes rien, rien qu'une minuscule petite chose.
Voilà ce qu'était donc la guerre. Ni une maladie ni un fléau. La guerre est une évidence macabre dans laquelle l'öhmanité finit toujours par plonger. C'est une grande machinerie à vider les esprits. La guerre efface les ailleurs de chacun.
Habituellement, j'aurais juste râlé sur un énième truc qui ne fonctionne pas dans ce foutu hôpital. Mais là, dans ces circonstances, devant cette chambre abominable, j'ai peur.
Toutes ces souffrances silencieuses qui assourdissent nos âmes quand, par malheur, on leur prête une oreille distraite.