Citations de Nadeije Laneyrie-Dagen (102)
Il trouvait que Martin [Luther] s'était servi un trop fréquemment du vin, ses silences prolongés l'avaient frappé et l'amertume affleurait dans tout ce qu'il disait. Il avait montré une acidité qui frôlait la colère et on pouvait se demander à quoi elle mènerait.
Le destin des nations tenaient donc à cela : des caprices et des bêtises ? C'était affligeant et comique à la fois.
Chez nous [...], on a grand mépris pour le gouvernement des rois ; on se méfie dès lors qu'une famille s'impose dans une ville et veut y conserver le pouvoir. Ici, un monarque et une reine ont créé en se mariant un royaume durable On méprise les marchands en Espagne davantage qu'en Italie, mais on fait en sorte qu'ils s'y enrichissent. C'est que ce pays regarde au-delà de la seule Méditerranée. Ce Génois qui la sert [...], Cristoforo Colombo - Cristobal Colon comme on l'appelle à Séville -, je ne sais où il est parvenu avec ses bateaux mais ce qu'il a rapporté il y a deux ans ou plutôt, devrais-je dire, ceux qu'il a ramenés, ces hommes et ces femmes à l'apparence étrange... C'est un monde, peut-être, qu'il a découvert, un monde neuf, et qui sait, immense, où pourraient se trouver des richesses incroyables.
Le dernier jour [des célébrations de la Vierge Marie à Santoña], sur les quais bordant l'eau, était le plus magnifique. Les chars défilaient et l'évêque, tour à tour, les aspergeait d'eau bénite, puis on installait Marie dans un bateau décoré d'asters pour qu'à son tour elle aille bénir les barques et les plus gros navires où on la faisait monter. Les nuits, en revanche, étaient moins tranquilles : des grivoiseries succédaient aux psaumes des heures diurnes tandis que victuailles et vinasse remplaçaient l'eucharistie. Il ne faisait pas bon alors, pour une fille, se trouver dans les rues. Mais ces excès aussi faisaient partie de la fête : n'était-ce pas parce que l'humanité était pécheresse que Jésus était né ?
Car le roi avait voulu pour sa tente et pour celle de la reine, non du fil de soie mais un brocard d'or. Peu avant de mourir Leonardo da Vinci, l'artiste qu'il avait fait venir de Milan, avait dessiné les motifs qu'il faudrait reproduire. Alors Damiano s'était souvenu que son ami Guido vivait où l'or d'Ameriga arrivait et où on brodait bien. Il avait envoyé un émissaire, appris que Liuciardi venait d'ouvrir un comptoir à Londres, et sut qu'on pourrait faire coup double : Henry également préparait ses tentes, il fallait aussi lui vendre l'or et la soie tout en lui envoyant des experts.
"Ce serait peut-être mieux si nous, les Européens, étions demeurés dans notre monde, si les gens d'ici étaient restés entre eux et si on laissait en paix les Noirs chez eux", osa-t-il dire.
Juste, elle demanda à Amerigo pourquoi il voulait Ulisse et Silvana pour nommer les jumeaux.
« Silvana, dans la langue qu’on appelle le latin, ça veut dire celle qui vient de la forêt. Et vraiment, c’est le cas de ta petite fille, tu sais… Ulisse, c’était un héros qui était aussi un très grand voyageur. Tout ce que je peux espérer pour mon fils. »
La carte montrait l'orient du monde. C'est-à-dire ce que Juan n'avait jamais vu.
Ce que peut-être il n'avait été donné à personne en Europe d'observer avant lui, et qu'il savait en tout cas qu'on ignorait à Alcalá aussi bien qu'à Séville.
Le cœur de Juan, d'un coup, battit plus vite.
Le destin des nations tenait donc à cela : des caprices et des bêtises ? C'était affligeant et comique à la fois
Il se perdait dans ces princes et ces dynasties. La situation, en Italie, était déjà compliquée avec toutes les villes, et si pour faire commerce il fallait comprendre les alliances des familles dans le reste de l'Europe, il y avait en effet beaucoup à apprendre.
L'oisiveté permet de réfléchir. Juan eut l'idée que peut-être c'était la Bible, celle des juifs autant que celle des chrétiens qui faisait du labeur une peine et une obligation. Il s'habitua dès lors à être paresseux.
Quelle bêtise la guerre. […] Un commerce qui va bien est plus utile au pays que des conquêtes vite perdues.
Écrire, c'était rêver et encore un peu accomplir...
La réalité du mariage de Claude et Charles, tout-à-coup, lui parut lointaine et il songea que, peut-être, les pleurs d'une filette et la susceptibilité d'une infante avaient fissuré la paix neuve que le Te Deum avait célébrée
"Il a commandé un plateau rempli de personnages avec l'histoire de la sainte dont Catherine porte le nom : une fille de roi qu'on a déchiquetée entre des roues crantées, et puis décapitée. Il paraît que la reine avait dans sa chapelle, quand elle était enfant, une image avec son histoire. Peut-être pense-t-elle que c'est parce qu'elle ne l'a plus qu'elle est privée de fils ?
Les gens ont des idées si étranges, nous le savons toi et moi."
"Quelle bêtise la guerre. C'est la paix qu'il nous faut, à nous marchands, n'est-ce pas ? Un commerce qui va bien est plus utile au pays que des conquêtes vite perdues."
Paroni surveillait ses opérations délicates. Aussi, plusieurs jours durant, Guido eut le champ libre. Le mistral, un vent de terre glacial, rendait l'air transparent et pourtant, sous ce grand, soleil, Marseille ne lui fit pas une forte impression. Depuis l'eau, les masures des mariniers et des pêcheurs se serraient sur un mont où devaient abonder les rats. Seuls quelques monuments échappaient à la médiocrité, un couvent où il vit les reliques d'un roi qui s'était fait franciscain, le palais des consuls aux pierres taillées en pointe, et un hôtel à la façade frappée de cœurs qui aurait apparten à un marchand du même nom, Jacques Cœur, mort des dizaines d'années plus tôt.
Le port était le quartier animé. Les bateaux s'en allaient au lever du soleil, mais les pêcheurs vendaient leur poisson le matin et Guido trouva, sur le marché des figues et des dattes qui venaient de l'autre rive de la Méditerranée, en plus de noix arrivées de montagnes désolées qu'on appelait Cévennes.
"Comme Joachim bredouillait qu'une vérité ne sert à rien si elle n'est pas diffusée, Solfa haussa les épaules et dit que la question était de travailler doucement à ce qu'elle vienne à jour [...]."
"Camarena ne voyait pas où elle voulait en venir. Du doigt, Maria Conception tortillait une mèche de cheveux. Il pensa que ce mouvement exprimait son hésitation :
_C'est compliqué...Je ne sais pas par où commencer.
Camarena se pencha et mit la main sur la sienne :
_Par le commencement ?
Maria ferma les yeux, incertaine. Puis elle respira un grand coup, comme prenant son élan."
Pourquoi crois-tu que le prince Frédéric soutient Luther ?
Je comprends peu de choses à la politique, mais ce que je sais, c'est que des étrangers veulent gouverner l'Allemagne. L'empereur Maximilien, au moins, était bien de chez nous. Ce Karl, au contraire, qui vient d'être sacré, il est roi d'Espagne ! Quant au pape de Rome, il nomme des évêques à sa dévotion.