Nadia Karmel raconte l'accident de voiture qui a coûté la vie de ses deux filles
J'avais mis beaucoup de soin également à habiller Lila et Adélaïde, avec de jolies robes aux couleurs douces, pastel et poudrées, leurs belles chevelures étaient ornées de serre-tête à fleurs même si leur plus bel accessoire était sans conteste leur sourire. Elles étaient si heureuses, elles aussi. Ces photographies étaient de vrais bijoux. Elles respiraient la soif de vivre et annonçaient un avenir radieux. Le soleil n'était pas dans le ciel, il s'incrustait pourtant sur chacun de ces clichés.
Une voiture entre les mains d'un chauffard multirécidiviste peut devenir une arme aussi létale qu'un pistolet.
Alors oui je dois l'avouer, c'est un livre d'amour mais pas que, et loin d'être niais ou utopiste.. C'est aussi un livre qui attend des réponses à des questions, des questions qui sont posées aux personnes qui peuvent prendre les décisions. C'est un livre qui laisse penser qu'on peut faire mieux pour que jamais plus une seule lumière ne s'éteigne et que chacun d'entre nous continue de s'aimer et d'aimer les autres très très fort.
Un ambulancier se tourne vers moi : « Il faut calmer votre bébé. » Mais je ne veux pas qu'il cesse de pleurer, s'il pleure c'est qu'il est en vie. Chaque larme, chaque cri est pour moi comme un cri de vie, il est là avec moi, dans mes bras, vivant. Pleure Isaac, pleure, montre-moi ta vie, laisse-moi entendre ta voix, résonne dans mon corps, pleure autant que tu le souhaites.
Lila et Adélaïde étaient deux petites filles merveilleuses, lumineuses, aimées et choyées de tous, je ne peux me résigner à pen-set que leur départ n'apporte pas du sens à nos vies, je ne peux penser qu'ensemble on ne puisse pas œuvrer pour changer les choses, pour que de tels drames soient évités à l'avenir, pour que les proches des victimes se sentent écoutés, pour que la justice soit enfin proche de nous et pour que nos lumières brillent encore longtemps.
Après avoir lu mon histoire, je souhaite que chacun d'entre vous prenne conscience de la préciosité de la vie humaine. Lorsque vous vous installez dans votre véhicule, je souhaite que désormais, vous ne fassiez plus rien de manière mécanique. Tentez de visualiser, ne serait-ce qu'un instant, ce que seraient nos vies si chacun ne pensait qu'à soi.
Je resterai néanmoins de ces femmes qui vivront le restant de leurs jours profondément tristes. Le deuil est le travail de toute une vie, j'apprends chaque jour à composer avec et je sais que je partirai sans avoir réussi à maîtriser parfaitement cette terrible ritournelle. Peu importe, j’aurai continué d'aimer mes enfants jusqu'au dernier jour.
Juste parce que conduire prudemment et de manière respectueuse, c'est finalement se respecter soi-même et respecter les autres.
Dans le véhicule de secours, on me tient la main, on dirait que les secousses de la route sont là pour m'indiquer que je suis encore vivante. Je n'entends plus ce qu'on me dit. C'est comme un bruit de fond ambiant qui ne me concerne pas. Je ne ressens rien, je suis le néant.
Il paraît que les écrits sont les paroles des vivants, c'est ce qui reste derrière nous. Alors je souhaite qu'à travers ces chapitres, il comprenne mes larmes et mes sourires, tous sont teintés de cet amour pour mes enfants.