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Quel journal intime, présenté comme un roman, marque l'entrée en littérature d'une jeune femme qui exerça le métier de prostituée et finit par se donner la mort à l'âge de trente-quatre ans ?
« Putain » de Nelly Arcan, c'est à lire en poche chez Points.
Le maquillage a d'ailleurs été inventé pour ça, pour se reposer de la vérité.
Cette femme se bat contre la tentation de se détruire, … de rabattre son corps dans la mort, là où se trouve déjà son âme. (Seuil, p.132)
… elle était une Star, elle se regardait elle-même sur une scène autour de laquelle elle plaçait la foule, qui hurlait à son adresse, vois-moi, vois-moi que je m’aime. Elle se sentait pathétique, elle se savait ridicule. (Seul, p.141)
C’était ça, le plus grand plaisir de l’existence : être adulée, aspirer les autre par un dispositif qui les gardait à distance, se remplir des autres sans les prendre, s’emparer de leur amour, sans le leur rendre. (Seuil, p.139)
de toute façon ils ne remarquent l'obésité que chez les femmes, eux peuvent être tout ce qu'ils veulent, médiocres et flasques, à demi bandés, alors que chez les femmes c'est impardonnable, le flasque et les rides, c'est proprement indécent, il ne faut pas oublier que c'est le corps qui fait la femme, la putain en témoigne, elle prend le flambeau de toutes celles qui sont trop vieilles, trop moches, elle met son corps à la place de celles qui n'arrivent plus à combler l'exigence des hommes, bander sur du toujours plus ferme, du toujours plus jeune.
Sur un mur de mon appartement j'ai planté un énorme clou pour me pendre. Pour me pendre je mélangerai de l'alcool et des calmants et pour être certaine de ne pas m'endormir avant de me pendre, je me soûlerai debout sur une chaise, je me soûlerai la corde au cou jusqu'à la perte de conscience. Quand la mort viendra, je ne veux pas être là.
Le sexe n'est plus un tabou, mais une obsession collective. La société de consommation exige qu'on ne se prive de rien, pas d'avantage de l'orgasme que du reste.
Si on en veut aux gens qui se suicident, c'est parce qu'ils ont toujours le dernier mot.
Et ses doigts rendus croches d'être si fort rongés, ses doigts tordus de ne servir à rien, il faut dire que ma mère ne se ronge pas les ongles avec la bouche, tout occupée à n'être qu'une fente, mais avec ses doigts qui se mangent les uns les autres, ça fait tac lorsque l'ongle écorche un doigt, un tac qui laisse des gouttelettes de sang sur quoi elle tac encore, des points rouges dont elle ne se préoccupe pas, ma mère et ses mains qui s'affrontent sur ses cuisses comme si elles avaient une vie propre, comme si de rien n'était, comme si tout le reste du corps, jusque-là resté dans une torpeur de vieille folle, n'existait que pour assister à leur agitation, et elle fait ça tout le temps et sans rien dire car elle ne parle pas, elle crie ou elle se tait, elle garde le silence avec le tac de ses doigts qui envahit la pièce, une horloge à pendule qui se fait remarquer dans les temps morts, le dimanche après-midi, lorsque les enfants jouent dehors, et ce silence me rend folle, nous somme deux folles qui gardons le silence pour mieux nous détester.
D'ailleurs ma mère ne s'est jamais donné la mort, et pourquoi je n'en sais rien, sans doute parce qu'il faut de la force pour se tailler les veines, parce que pour se tuer il faut d'abord être vivant.