Nick Dybek, virtuose de la sensibilité, propose un roman initiatique dans le Grand Nord américain avec "
Dans les bras de Verdun", paru pendant notre rentrée littéraire. A l'occasion d'une interview exclusive, l'auteur nous présente son roman.
En savoir plus sur le roman "
Dans les bras de Verdun" : https://bit.ly/2PKq40K
De Verdun à Bologne, de Paris à Santa Monica, une grande fresque sur les amours qui s?épanouissent dans l?ombre des absents.
La question n'est pas de savoir si on s'est trompé ou non au sujet de quelqu'un. C'est de savoir à quel point on s'est trompé. Un peu ? Beaucoup? Sur toute la ligne ?
« Près de un million d’hommes étaient morts ou portés disparus dans les collines et les champs au nord de Verdun.
Leurs parents, leurs frères , leurs sœurs et leurs épouses défilaient les uns après les autres, formant une ligne qui aurait pu s’étirer tout le long du front. Les dames en voiture avec chauffeur venant de Paris coudoyaient les bergers illettrés du Languedoc et les paysans des marais du Finistère, qui parlaient à peine le français . »
La tragédie se transforme en comédie et meurt quand les blagues ne sont plus drôles.
Au mieux, par les rares journées où le ciel était dégagé et la mer aussi lisse que la glace, ils pouvaient s'aventurer hors de la timonerie, tandis qu'au fond de la cale, dans les viviers, s'entassaient les crabes royaux qui seraient vendus un dollar et cinquante cents - un tarif déjà négocié avec la conserverie. Piloter un navire d'acier au dessus des abysses grouillants et silencieux était un art. Là-bas, on était libre de faire ce qu'on voulait. Là-bas, qui pouvait vous en empêcher ?
Souvent, il y a un tel écart entre nos fantasmes et la réalité que, les rares fois où ils se rencontrent, on se prend à croire que notre désir peut faire plier le monde.
Le temps ne s’arrangeait pas. Les montagnes arrachaient des lambeaux aux nuages qui passaient dans le ciel. La pluie salissait les vitres et décolorait les arbres. C’était une période ingrate de novembre, où la mer s’enroulait comme un serpent gris autour de Loyalty Island et l’étranglait.
J'ignorais que rester à Loyalty Island et travailler auprès de mon père signifiait ne pas tout avoir ; qu'en fait, cela voulait même dire rater un nombre incalculable de choses.
(…) ils oubliaient qu’ils étaient dans un monde où les églises n’avaient plus de cloches parce qu’elles avaient été fondues pour fabriquer des balles.
Loyalty Island, c'était la puanteur des harengs, de la peinture au nickel, du varech qui pourrissait sur les amarres et les plages.
Avec son centre économique à trois mille kilomètres au nord dans la mer de Béring, Loyalty Island avait ceci de particulier que, si on rêvait de vivre là toute sa vie, on rêvait nécessairement de partir.