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Citations de Nicolas d` Estienne d`Orves (140)


Mon histoire commence dans une ville comme seule en connait la province française , Senlis , une bourgade où le silence a fait souche.
On y nait sans éclat , on y vit sans passion et on y meurt sans bruit.
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Je revois ce temps magnifique, de la fin d'été. Je revois la douceur du ciel, le rose des nuages. Je revois la petite masse des spectateurs qui, d'en haut, semble une tache de suie. Je revois la belle ceinture des arbres, à l'horizon, telle une houle verte. Je revois la piste qui s'approche. Je revois ce sol qui vient trop tôt, cet air qui gifle trop fort, cette forêt qui arrive trop vite, là, devant moi, si près de l'hélice. Je revois l'ombre de mon avion, portée sur les troncs. Je revois mes deux mains, serrées sur le manche à m'en broyer les phalanges. Je revois l'avion qui n'a d'autre choix que se repropulser dans l'air, pour ne pas s'écraser contre les arbres. Je revois la mer des cimes - chênes, hêtres, frênes - qui caressent si dangereusement le ventre de l'appareil, comme une armée de mains. Je revois cet arbre, plus haut que les autres.
Alors je ne vois plus rien : j'entends, je sens.
Le fracas végétal. Le hurlement des arbres. L'odeur du bois brisé, de la feuille hachée, de l'écorce décapitée.

Puis le choc, le noir, le silence.
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Mon intrus devint écarlate. Le réel lui remontait au visage.
- Je... je ne suis pas dans la chambre 128 ?
- Vous êtes ici dans la 127.
- Mein Gott...
Avec une grimace pitoyable, il me fit signe de me retourner, tandis qu'il remettait ses vêtements.
- Gardez les bottes à la main, ça nous fera gagner une heure.
Il ne releva pas la perfidie.
- Madame ?
Je me retournai.
L'homme me regardait maintenant avec une vraie courtoisie.
- Vous aurez bien sûr l'amabilité de ne pas mentionner ce petit incident...?
Sans répondre, je le scrutai de pied en cap, exagérant mon sourire ironique : deux boutons manquaient à sa chemise, le pantalon était renfilé à la diable, il était en chaussettes.
- Vous êtes cruelle, madame.
- On le serait à moins, monsieur... monsieur?
Comme s'il retrouvait tous ses esprits, il prit ma main droite et se cassa en deux :
- Baron von Krohn, chef de l'antenne espagnole de renseignement de la Navale allemande.
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Sidonie pose une main affectueuse sur celle du vieil éditeur.

~ Je sais surtout que tu adorerais chiper à Plon l'une de ses plus belles prises...

Gallimard se renfonce dans son siège, le sourire malin.

- J'avoue que je n'ai toujours pas digéré le coup de De Gaulle...

Après une heure de silence, Gabrielle tente une première incursion :

- Que s'est-il passé avec de Gaulle ?

Gallimard s'apprête à répondre, mais Sidonie rebondit, sans tenir compte de Gabrielle :

- Tu lui avais fait une superbe avance pour ses Mémoires de guerre...

Gallimard tente de rester évasif :

- Oh... si peu...

- Tout de même, cent vingt millions de francs !

L'éditeur se redresse, un peu gêné.

- Tu sais toujours tout, Sidonie.

- C'est surtout moi qui ai expliqué à Plon comment convaincre le Général.

- En jouant sur sa vanité, je sais. La meilleure des tactiques.

Pour la première fois, Sidonie se tourne vers Gabrielle, comme dans ces repas de famille où l'on adresse parfois la parole aux enfants :

- Plon était déjà l'éditeur de Churchill, de Gaulle a donc voulu le battre sur son propre terrain.

- Dont acte, dit Gallimard. Le livre a eu un succès colossal. C'est peut-être la seule fois où le «soldat de Plon» a battu le vieux bouledogue.
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Certains ont trop payé, quand d'autres, bien plus coupables, sont passés entre les gouttes.

Limousin n'aime pas le raisonnement.

- Si c'est ainsi que tu vois les choses..., dit-il d'une voix sombre.

- Il y a eu trop d'injustices, Jean ! Rappelle-toi ce procureur qui a exigé ta tête, à la Libération. Deux ans plus tôt, le même homme faisait condamner des résistants à la peine capitale avec la même fougue, la même conviction, dans les mêmes tribunaux...

Limousin n'est aucunement convaincu : voilà tant d’années qu'il souffre de ces iniquités. ..

- Tu crois que j’ai oublié tout ça ? maugrée-t-il, en se hissant sur la berge pour s’allonger sur les pavés tièdes.
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Si on on pouvait être juste comme ça, toujours... dit-elle en s'adossant au tronc de ce hêtre qui les accueille depuis la fin de la matinée. Autour d'eux les reliefs d'un pique-nique de campagne ; même quelques vêtements qu'ils ont oublié de remettre , lorsqu'ils se sont rhabillés avant de déjeuner.
- Être toujours comme ça dans l'herbe ? demande Gustave en souriant.
- Dans l'herbe et heureux oui...
Gustave fait mine de se tortiller sur lui-même.
- On s'ennuierait. On aurait mal au dos. Il y a des fourmis.
Adrienne éclate de rire et caresse le front de son amant, passant ses doigts dans ses cheveux poivre et sel.
- TU t'ennuierais, corrige-t-elle.
- Toi aussi. Et puis, il n'y a pas de fleuve dans lequel se jeter.
A cette image, le sourire d'Adrienne se fane un instant, comme on se rappelle le temps qui passe ; puis elle sent remonter la félicité, une forme de sagesse douce, de confiance.
- Je suis si fière de toi, mon amour...
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Adrienne aime marcher seule dans Paris. Partir à l'aventure, ne pas savoir où ses pas vont la mener, n'avoir de comptes à rendre à personne.
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L'amour est une science si floue. Lorsqu'il se drape de routine, il perd sa saveur.
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Pour les maisons closes, ce fut la débandade. Le 6 octobre 1946, tous les établissements devaient être irrévocablement fermés. Si certains mirent aussitôt la clé sous la porte, la plupart attendirent le dernier jour.
En un sens, ils se montraient bons commerçants, car jamais la demande ne fut si abondante ! Conscients qu'ils assistaient à la fin d'un âge d'or, les mâles se ruèrent au claque.
Ceux qui n'avaient jamais osé s'y rendre s'encourageaient les uns les autres. Les pères allaient jusqu'à pousser les fils à filer goûter un fruit bientôt défendu. "Va, petit ! Et rappelle-toi que nous aurons connu la fin d'un paradis." Les tenanciers en profitèrent ouvertement, pratiquant des tarifs honteux qu'aucun client n'alla remettre en question.
Tel était le prix pour connaître une ultime fois la saveur des "maisons", avant qu'elles ne deviennent une légende.
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Nul n’est plus fuyant que le mauvais goût.
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Reste qu’un élastique finit toujours par rompre, et le résultat est moins séduisant que charcutier. Certaines de nos plus délicieuses actrices – revanche sur l’adolescence ? forfanterie d’amantes éconduites ? promesse de joies dévorantes pour leurs partenaires ? – se sont vu affubler de bouches lippues.
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L’obsession du ravaudage corporel est une métastase de ce rejet. Fantasme faustien, la jeunesse retrouvée et éternelle est devenue une industrie juteuse fondée sur la peur, le mimétisme et la jalousie.
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La friandise semble même l’ultime portion d’enfance chez bien des adultes, qui masquent sous un mélange de nostalgie et de sensualité leur amour des sucettes, chewing-gums et autres sucreries inavouables.
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Plus discrets que les petits hommes verts, moins tapageurs que les Huns, voilà cinq siècles que les bonbons nous envahissent. Depuis que Catherine de Médicis a fait venir ses fabricants de douceurs en terre de France, le bonbon est une affaire de génération, car chaque âge a connu le sien. Durant la Renaissance, on lèche de la pâte de coing ; devant la Fronde, on se délecte de pralines.
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On est toujours né trop tard. J’ai le regret de nombreux rendez-vous : à quelques années près, j’aurais pu goûter la magie des Halles parisiennes, croiser Orson Welles dans son village de l’Eure, entendre Karajan en concert… Parmi ces nostalgies, je porte le deuil d’un épisode survenu lorsque j’avais trois ans : le couronnement de l’empereur Bokassa Ier.
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Il semble qu’aujourd’hui la chanson soit un art qui se prend trop au sérieux pour s’oser à de telles sorties de route. On m’objectera qu’Internet est le nouveau lieu de toutes les audaces, mais cet océan est trop vaste à mon goût ; alors que de véritables maisons de disques donnaient les moyens à des incongruités de voir le jour, avec des studios, des techniciens, des connaisseurs du son, et non des chanteurs du dimanche qui pianotent dans leur double living.
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On peut passer de longues minutes à observer ces petits poissons glisser entre les algues. Puis la fascination s’émousse. Ne subsistent que les contraintes d’un jouet dont on se lasse.
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On gagne un nouveau cran dans le mauvais goût lorsque ces pauvres bêtes sont traitées en poupées. Voyez-les passer attifées, enrobées, pomponnées, emmitouflées, et rappelez-vous la fameuse scène des 101 Dalmatiens où l’on ne sait plus qui, du chien ou de son maître, ressemble le plus à l’autre.
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L’amour des bêtes est une chose. La fascination pour la nature, le respect du monde sauvage, ce lien immémorial avec la faune primitive : voilà qui est respectable.
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L’andouillette prélude à l’accomplissement personnel tout autant qu’elle symbolise la chute des corps, le triomphe du bas-ventre. C’est une littérature en soi. Un microcosme.
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