Dimanche matin.
Le soleil joue au peintre, vivifiant le lac, magnifiant les jaunes-verts, les roux, les ocres qui amorcent la mutation des arbres. Il est tôt, le parc est encore calme. Lou-Anne a laissé le Chemin du tour aux joggeurs et se rapproche de la plaine africaine, avec ses girafes en semi-liberté qui la fascinent toujours. Le zoo est visité : elle croise de-ci de-là quelques enfants et leurs parents. Comme ce père qui tient la main de son petit garçon, allant tous deux sans autre but que de profiter du moment.
— Dis papa, les garçons aussi ils peuvent porter des pantalons roses ?
Lou-Anne n’écoute pas la réponse. Elle note juste la voix fluette, aiguë, et l’imprévu des mots dans ce tableau d’automne ordinaire.
Attablée chez elle, devant un chocolat fumant, elle écrit sur un papier rose vif, au gros feutre orange :
Des mots inattendus
Tracent l’enfance
Au coeur d’un paysage.
Samedi, fin d’après-midi.
La ville se noie dans un gris mouillé digne de novembre et la Saône est un fleuve de boue tranquille. Lou-Anne s'est habillée sexy sous la pluie, pour le plaisir : bottes de cuir noir ; jupe claire au-dessus du genou - avec une fente pour, au gré des mouvements, dévoiler plus haut ; longue écharpe mauve en coton ; chapeau crème ; manteau noir près du corps.
De pas en pas, elle s’immisce dans ce Lyon des trempés. Ça claquette sur le parapluie, ça dégouline métallique dans les gouttières. Reflets dilués, la ville transforme ses contours et Lou-Anne traverse des rivières. La femme nue au pied de Louis XIV pose fièrement, bronze lavé, luisant.
De retour dans son antre, Lou-Anne écrit au feutre violet sur papier gris :
"D’un clin d’oeil sexy, se rire de la pluie."
Mots qu’elle enferme dans un petit coffre en vieux chêne.
Sept ciels
Un,
Mes yeux, les tiens, égayés
De promesses libres étoilées
Deux,
Entre nos bras malicieusement lovés,
Mon corps sauvage par toi attiré
Trois,
Dans ton cou, j'ose poser mes baisers
Tu y réponds, frissons et papillons légers
[...]
MON VISAGE ?
J'ai peur. Je ne savais pas...
Un autre visage est dans la glace. Le mien ?
Non.
Pourtant, si, c'est le même.
Différent, blessé, faux, incompris.
- Cet Alric est comme un épi de blé gorgé de soleil, dit Lou-Anne, couchée à côté d'Alessandro. Connais-tu ces mots de Guillevic ? C'est monsieur André qui me les a donnés. Un silence. Sa voix de fêlait toujours un peu quand elle prononçait le nom du vieil homme. Elle reprit le fil : Pour chanter aussi fort que la cascade il suffit d'être un épi de blé... Tu ne trouves pas que ces mots vont bien à Alric ?
Regardez donc autour de vous
Si personne n'est en train
De tomber dans le trou ,
Et donnez-lui la main.
Après vous jugerez...
Je t’explore, te parcours
Mon escale aux Açores,
Point de mire de mes amours,
Mon île aux trésors.
En pleine rue échauffée,
Croquer un éclair
Et s'en amuser.
Sur un banc public
Au soleil, relire Verlaine,
Plaisir unique.
Et je me faufile
Agile
Le ciel
A portée de main
Jusqu'à toucher le miel
Des étoiles de demain !