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Citations de Odyssèas Elỳtis (90)


Le môle raboté par le sirocco tenace
Le pope des nuées qui change d’opinion
Les pauvres maisons patientes qui l’une contre l’autre
S’acagnardent avec délice et s’assoupissent
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Journal d’un invisible avril 1984 (extraits)

Mardi, 7 (b)

De si loin je l’ai vu venir sur moi. Seulement des sandales au pied et si légère elle venait sur moi, blanche et noire.

Derrière elle, son chien n’émergeait qu’à mi-corps dans l’obscurité.

Je vous le dis, j’ai passé ma vie à vieillir d’attendre.

Maintenant il est bien trop tard pour enfin comprendre que plus elle avancerait, plus le vide grandirait, et qu’il ne sera jamais question de la retrouver un jour.

Vendredi, 10

Le vent sifflait tout le temps, et il faisait de plus en plus sombre

et cette voix lointaine tout le temps venait à mes oreilles : « toute une vie »…« toute une vie »...

Vendredi 10(b)

Il semblerait que quelque part des gens font la fête

bien qu’il n’y est pas de maison pas d’humain

je peux entendre guitares et autres éclats de rire qui ne sont pas tout près

Sans doute très loin d’ici, parmi les cendres des cieux

Andromède, l’Ourse, ou la Vierge…

Je me demande si la solitude est partout la même

dans tout l’univers.

Vendredi 10 (c)

À minuit passé ma chambre se déplace chez les voisins

étincelante comme une émeraude. Quelqu’un cherche, et toujours le fuit la vérité. Comment pouvoir concevoir qu’elle est nichée plus bas.

Bien plus bas

Que la mort aussi a sa Mer Rouge bien à elle.

Samedi 11

Je suis sorti chercher de nouvelles blessures

flottant comme nénuphars par-dessus les anciennes

(Dans cette mer des origines que j’ai si bien connue

à présent le monde a sombré

avec ses deux mâts obliques affleurant hors de l’eau

et moi, comme si j’étais vrai, je continue à écrire)

Dimanche, 1 M

Délicatement je prends le printemps et l’ouvre :

M’envahit une chaleur arachnéenne

un bleu qui embaume l’haleine du papillon

toutes les constellations de la marguerite

mais aussi

tant d’autres qui rampent ou qui volent

petites bêtes, serpents, lézards, chenilles et autres

monstres bigarrés aux antennes en fil de fer

écailles lamées aux paillettes rouges

On dirait que tous sont sur le point de partir

au bal masqué des Enfers.

Samedi, 2M

Ma vie en tombant (enfin un petit bout de ma vie) sur la vie des autres

fait un trou.

Quelqu’un, s’il le voulait, pourrait en mettant son œil là, y voir toujours présentes, une mer en ténèbres et une jeune fille tout en blanc qui volète de gauche à droite, et finit par se dissoudre dans l’air.,
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Odyssèas Elỳtis
Au paradis

Au paradis j’ai fait la marque d’une île

qui tant te ressemble

et une maison dans la mer

Avec un lit immense

et une toute petite porte

tout au fond j’ai jeté l’écho

pour me voir à chaque matin au réveil

Pour te voir passer dans l’eau à mi-corps

et seul, au Paradis, te pleurer, à moitié.
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La Mer fait glisser ses baisers sur le sable caressé – Éros

la mouette offre à l’horizon

sa liberté bleue

Viennent les vagues écumantes

questionnant sans trêve l’oreille des coquillages

Qui a pris la jeune fille blonde et bronzée ?

la brise de la mer avec son souffle transparent

fait pencher la voile du rêve

Tout au loin

Éros murmure sa promesse – Mer qui glisse.
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Comme langue on m’a donné de parler grec

elle est mon humble maison sur les plages sablonneuses d’Homère

mon seul souci est de mettre ma langue dans les plages sablonneuses d’Homère

la dorade et la perche

les verbes battus par les vents

avec le vert des courants céruléen

tout ce que j’ai vu flamboyant dans mes entrailles

éponges, méduses

avec les premiers mots de la Sirène

coquillages rose foncé avec leurs premiers noirs frissons.
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Lundi 4 mai


Deux doigts au-dessus du sol on voyait
la maison brillant comme un diamant

Plus bas, un lac tout en brumes roses

Puis l'Inconnu, phosphore épais incombustible
et plus loin « le Pays » dit « des Lotophages ».

J'étais ouvrier des années dans la région
et suis resté les doigts brûlés au moment
où je voulais encore un peu
voir de loin comment les eaux fleurissent
et comment font la roue, marchant sans bruit, les Paradis.

Traduction de Michel Volkovitch
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Et les garçons furent très effrayés, et les types aux faces de plomb, aux cheveux de paille et aux lourdes bottes noires, pâlirent comme cire. Ensuite il y eut effervescence d'allées et venues comme lors d'un séisme, et des étincelles autour des masures : en bien des endroits le papier goudronné tomba des fenêtres et l'on vit au loin, derrière le soleil, des femmes qui pleuraient, à genoux, sur le malheureux terrain, plein d'orties et de noirs caillots de sang. Alors que douze coups exactement sonnaient à la grande horloge des anges.
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Odyssèas Elỳtis
Nous sommes tous les étapes d'un bonheur dont noussommes frustrés par notre propre faute.
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LA PASSION IV

« J’AI FAIT L’ADDITION de mes jours mais sans te trouver
nulle part, jamais, pour me prendre par la main
dans le rugissement des gouffres et dans mon fouillis d’étoiles !
Certains ont saisi la Science et d’autres le Pouvoir
ciselant les ténèbres coûte que coûte
et grâce à des petits masques, de joie et de tristesse,
conformant leur face à la dépravation.
Moi, par contre, non, j’ai refusé la règle des masques,
j’ai rejeté tristesse et gaieté derrière moi,
libéral j’ai rejeté derrière moi
le Pouvoir comme la Science.
J’ai fait l’addition de mes jours et je suis resté seul.
Certains disent pourquoi ? Lui aussi se doit d’habiter
une maison à pots de fleurs et blanche épousée.
Des chevaux, robe feu robes noires, ont allumé
mon humeur envers d’autres, plus blanches Hélènes !
Pour une autre quête, enfin plus mystique j’ai brûlé et depuis l’endroit où l’on m’a barré, l’invisible au grand galop
je suis allé rendre ces pluies aux champs
et revendiquer en retour le sang de mes morts sans sépulture !
Certains disaient : pourquoi ? Celui ci aussi doit connaître,
même lui ce qu’est la vie au foyer des regards de l’autre.
Ces regards-là m’ont manqué, rien ne m’est venu
sinon les larmes au milieu du Vide que j’embrassais
sinon les grains au milieu du calme que j’endurais.
J’ai fait l’addition de mes jours mais sans te trouver
alors j’ai ceint mes armes et me suis trouvé
seul, dans le rugissement des gouffres et mon fouillis d’étoiles. »

(p. 87 et 88)
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Je parle avec la patience…



Je parle avec la patience de l’arbre qui monte
Devant la fenêtre aussi âgée que lui
Dont les volets sont rongés par la pluie et le vent
Qui la pousse sans cesse vers le large

Avec l’eau d’Hélène et les mots
Perdus dans les dictionnaires de l’Atlantide
Moi d’un côté — et de l’autre la Terre
Le côté de la destruction et de la mort.

L’arbre qui me connaît dit « tiens bon »
Il amasse les nuages et leur tient compagnie
Comme moi à la page blanche et au crayon
Les nuits qui jamais ne regardent leur montre

Que signifie « il ne faut pas », « il ne convient pas ».
Moi j’ai connu des vierges et j’ai ouvert
Leur coquillage duveteux pour y trouver
La part de la destruction et de la mort.

          Le Petit Navigateur, 1985

/ traduit du grec par Angélique Ionatos
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SIXIÈME LECTURE



PROPHÉTIE

   BIEN DES ANNÉES après le Péché qu'ils ont baptisé Vertu dans leurs églises et qu'ils ont béni. Vieilles reliques d'astres et recoins du ciel pleins de toiles d'araignées, balayés par l'ouragan qu'aura fait naître l'esprit de l'homme. Et réglant leur compte aux œuvres des anciens Dirigeants, le Grand Tout frissonnera. Un fracas terrible fondra sur l'Enfer, et la cloison s'écroulera sous la pesée géante du soleil. Qui d'abord bridera sa rancune ardente, en signe que le temps est venu de la revanche des rêves. Et après il prendra la parole, en disant : Poète exilé, dans ton siècle, parle, que vois-tu ?
   — Je vois les nations, jadis gonflées d'outrance, abandonnées aux guêpes et aux orties.
   — Je vois des haches dans les airs fendant des bustes d'Empereurs et de Condottières.
   — Je vois les mercantis se courber en encaissant le prix de leurs propres cadavres.
   — Je vois la cohérence des pensées occultes.
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"Me voici donc..." Me


voici donc
créé pour le jeune Korai et les îles de la mer Egée,
amoureux du saut du cerf,
initié au Mystère des feuilles d'olivier,
buveur de soleil et tueur de criquets.
Me voici face à face
avec les chemises noires des impitoyables
et du ventre vide des années qui ont avorté
ses propres enfants, en chaleur !
Le vent libère les éléments et le tonnerre attaque les montagnes.
Destin de l'innocent, à nouveau seul, te voici dans le détroit !
Dans le détroit, j'ouvris les mains.
Dans le détroit, j'ai vidé mes mains
et je n'ai vu aucune autre richesse, je n'ai entendu d'autres richesses
que des fontaines fraîches couler.
Grenades ou Zéphyr ou Bisous.
Chacun à ses armes. J'ai dit :
Dans le détroit, j'ouvrirai mes grenades.
Dans le détroit, je posterai des Zéphyrs comme sentinelles.
Je déchaînerai les vieux baisers canonisés par mon désir !
Le vent libère les éléments et le tonnerre attaque les montagnes.
Destin des innocents, tu es mon propre destin !
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Bien des années après le Péché qu’ils ont baptisé Vertu dans leurs églises et qu’ils ont béni. Vieilles reliques d’astres et recoins du ciel plein de toiles d’araignées, balayés par l’ouragan qu’aura fait naître l’esprit de l’homme
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Le voici gisant



Extrait 2

Le voilà gisant sur sa vareuse cramée
Encerclé de siècles noirs
Qui hurlent parmi les carcasses de chiens dans l'effrayant
  silence
Les heures redevenues colombes pétrifiées
Tendent l'oreille;
Pourtant le rire s'est consumé, pourtant la terre est devenue
  sourde
Pourtant personne n'a entendu le cri ultime
Le monde entier s'est dépeuplé au cri ultime.

/traduit du grec par Angélique Ionatos
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Odyssèas Elỳtis
Parole de juillet ( Les Élégies de la pierre tout-au-bout 1991 )

Mesuré est le lieu des hommes

Et les oiseaux ont reçu le même mais immense !

Immense le jardin où à peine

Séparé de la Mort. (avant qu’elle ne me touche à nouveau

Déguisée) je jouais et tout m’arrivait aisément à hauteur de main.

Le petit cheval de mer ! Et de la bulle pfuit l’éclatement !

Le bateau rouge de la mûre sauvage courants profonds des

Feuillages ! Et le mât de misaine plein de drapeaux !

Que m’arrive-t-il à présent ? Mais c’était hier où j’ai existé

Et puis la longue longue vie des inconnus l’inconnue

Soit. Rien qu’en parlant joliment on s’épuise :

Comme le cours de l’eau qui d’une âme à l’autre

tisse les distances.

Et tu te trouves funambulant d’une Galaxie à l’autre

Alors que sous tes pieds grondent les précipices.

Et tu arrives ou non.

Oh premiers élans à peine esquisses sur mes draps. Anges féminins

Qui de là-haut me faisiez signe d’avancer dans toute chose

Puisque même si je tombais de la fenêtre

la mer de nouveau me servirait de monture

L’immense pastèque qu‘ignorant jadis j’ai habitée

Et ces filles de la maison, ces orphelines, à la chevelure défaite qui avec l’Intelligence du vent savait se déployer par-dessus les cheminées !

Une telle harmonie de l’ocre dans le bleu

qui vraiment te trouble

Et les écritures d’oiseaux que le vent pousse par la fenêtre

À l’heure où tu dors poursuivant l’avenir

Le Soleil sait. Il descend en toi pour regarder.

Car l’extérieur n’étant que reflet, c’est dans ton corps que la nature demeure et de la qu’elle se venge

Comme dans une sauvagerie sacrée pareille a celle lion ou de l’Anachorète

Ta propre fleur pousse

que l’on nomme Pensée

(Bien que lettré, j’arrivai de nouveau là où la nage m’a toujours mené)

Mesuré est le lieu des sages

Et let enfants ont reçu le même mais Immense !

Immense la mort sans mois ni siècles

Pas moyen de devenir adulte là-bas

De sorte que dans les mêmes chambres

les mêmes jardins tu retourneras

en tenant la cigale - Zeus qui d’une

Galaxie à l’autre promène ses étés.

traduction Angélique Ionatos

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Odyssèas Elỳtis
« Omorphi ke paraxeni patrida ». 1971

Belle mais étrange patrie

Que celle qui m’a été donnée

Elle jette les filets pour prendre des poissons

Et c’est des oiseaux qu’elle attrape

Elle construit des bateaux sur terre

Et des jardins sur l’eau

Belle mais étrange patrie

Que celle qui m’a été donnée

Elle baise le sol en pleurant

et puis elle s’exile

aux cinq chemins elle s’épuise

puis toute sa vigueur reprend

Elle menace de prendre une pierre

Elle renonce aussitôt

Elle fait mine de la tailler

Et des miracles naissent

Belle mais étrange patrie

Que celle qui m’a été donnée

Avec une petite barque

Elle atteint des océans

Elle cherche la révolte

Et s’offre des tyrans

Elle enfante cinq grands hommes

et puis elle leur brise l’échine

quand ils ne sont plus

elle chante leurs louanges

Belle mais étrange patrie…

traduction Angélique Ionatos
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II

Les eaux joueuses

les traversées ombreuses

disent l’aube avec ses baisers

qui commence

horizon -

Et la sauvage colombe

fait vibrer un son dans sa caverne

bleu éveil dans le puits

du jour

soleil –

Le noroît offre la voile

à la mer

caresses de chevelure

pour ses rêves insouciants

rosée –

Vague dans la lumière

à nouveau donne renaissance aux yeux

Là où la vie cingle vers le large

Vie

vu du lointain –
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De la mer Egée (Orientations 1939)

Érotas

1

Éros

l’archipel

et la proue de l’écume

et les mouettes de leurs rêves

Hissé sur le plus haut mat

le marin fait flotter un chant

Éros

son chant

et les horizons de ses voyages

et l’écho de sa nostalgie

sur le rocher le plus mouillé la fiancée

attend un bateau

Éros

son bateau

Et la douce nonchalance de son vent d’été

et le grand foc de son espoir

sur la plus légère ondulation une île se berce

le retour.
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« Tenir le soleil dans ses mains sans être brûlé, le transmettre comme une torche à ceux qui viendront après nous, est un acte douloureux, mais je crois, un acte béni. Nous en avons besoin. Un jour les dogmes qui maintiennent enchaînés les hommes seront dissous devant une conscience tant inondée de lumière qu’elle fera qu’un avec le soleil, et il adviendra les rivages idéaux de la dignité humaine et de la liberté. »
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Oui le paradis n’est pas une nostalgie, encore moins une récompense. Le paradis est simplement un droit.
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