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Xavier Bordes (Traducteur)Robert Longueville (Traducteur)
EAN : 9782070717965
312 pages
Gallimard (01/03/1998)
4.4/5   20 notes
Résumé :
Axion Esti, oeuvre maîtresse d'Odysseus Elytis, Prix Nobel 1979, appartient à ces textes qui incitent le lecteur à voir au-delà des miroirs et à contempler, à travers l'expérience unique de l'écriture, la vie dans son dévoilement total. C'est un chant hiératique et profane, une symphonie liturgique contemporaine ; il inclut la poésie et la prose, la légende et l'histoire. Plus qu'un poème secret, il dit la mémoire multidimensionnelle d'un peuple que le sort a tour à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Odysseus Elytis nous tisse une toile de mots, telle, probablement, celle que fut la tapisserie de Pénélope, tendue de soupirs discrets, de souvenirs colorés ou d'incertitudes non apaisées. Chaque mot y contient une histoire, chaque vers, un livre. Tenez "la gorge d'Hélène rêvée comme un rivage" . Toute l'Illyade et l'Odyssée ne sont-elles pas résumées ici comme par magie en un vers.
Le dernier poème du Journal d'un invisible Avril nous livre une clé. Une clé dis-je mais elle aussi métaphorique : "déjà j'utilise l'écriture minoenne avec une telle aisance que le monde en est surpris et crie au miracle. le coup de chance c'est qu'il ne vient pas à bout de me lire."
Le poète ne se cache point de son manque de transparence : Axion Esti est un chemin initiatique en quelque sorte qui ne se résume pas en une allégorie mais un tissu de métaphores qui se répondent, un grand merci à la vie, à la beauté du monde, des hommes et femmes, à la puissance des souvenirs, à la grandeur d'une certaine Grèce bien plus que millénaire et à la profondeur du langage capable de transporter tout cela.
La structure complexe et énigmatique de l'oeuvre, la multiplicité des tons et des récits en jeu, la puissance de la vision, tout cela en fait un sommet inégalé de la littérature mondiale.
Je ne dois pas être le premier à faire ce rapprochement entre Axion Esti d'Elytis et l'Ulysse de Joyce : ce même souci de la construction de l'ensemble, cette vision universelle de l'homme, ce même cosmopolitisme aux racines plongées dans la littérature antique, ce besoin de réinventer la langue, ce même obscurantisme enfin qui dénote la complexité de leur pensée. Joyce comme Elytis sont l'un et l'autre considérés par leur compatriotes comme porte-drapeaux de leur culture nationale et leur indépendance. Mais Joyce comme Elytis doivent être, je le crains, peu lus dans leur intégralité par ces mêmes compatriotes. Que l'un ait écrit un Ulysse, prénom que portait l'autre n'est qu'une farce de plus du destin quoique... la littérature ne naît-elle pas avec Homère ? Et n'ont-ils pas tout deux voulu la réinventer ?
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"Axion esti" sont les premiers mots du plus célèbre chant à la Vierge de la liturgie orthodoxe : "Il est digne (axion esti) en vérité (os alithos) de te célébrer, Mère de Dieu (makarizin se tin theotokon)". Ce si vieil hymne, remontant au V°s, est en quelque sorte le cadre et la structure d'ensemble de tout le grand poème d'Elytis, qui récapitule toute l'histoire martyrisée de la Grèce moderne (d'ailleurs l'une des parties de l'oeuvre s'intitule "Ta pathi", les souffrances, du nom de l'office orthodoxe de la Crucifixion, le Vendredi Saint). de la sorte, Elytis, comme Seferis à sa manière, dépasse le niveau lyrique individuel pour devenir la voix de tout son peuple à travers le temps. Il acquiert cette impersonnalité qui n'exclut ni l'émotion, ni l'engagement, ni l'enracinement dans une terre, dans une histoire et dans une langue prise à ses origines et continuée jusqu'à nos jours. Enfin, il faut rappeler que "Axion esti" est un chant de louange : "il est digne en vérité de te célébrer, de te déclarer bienheureuse". le poète n'est pas seulement le porteur de mémoire de la souffrance, il est aussi celui qui fait les éloges et montre comment le martyre devient une gloire.
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En 1929, j'avais 18 ans,
j'étais avec Odysseus à Tinos,
là où avec les vents
soufflent l'esprit et le rêve.
je les ai appelé des dieux.
j'étais vivant.
et partout j'ai fait le compte de mes jours
et nulle part, jamais
quelqu'un pour me prendre par la main…
même les dieux sont morts.
mais Elytis vit toujours
puisque nous le lisons…

Angélique Ionnatos nous offre ses musiques et sa voix,
et tant pis si l'on a oublié son grec dans les années que l'on a traversé.
la voix et la mélodie d' Angélique ramèneront les mots lus jusqu'à notre mémoire, qui sera ranimée
selon l'heure par un café grec metrio
ou un kilo de retsina qui laisse ses marques de fraîcheur sur la carafe,

Sur la chaise disparate de la taverne sur la petite place de ce village - bien sûr dans l'île que vous aimez du moment qu'elle est un peu à l'écart - d'où l'on entendra les sabots des ânes sur les dalles de marbre et le vent dans les micocouliers que nous expliquera un vieil homme en nous parlant des voix du cosmos.

“Bien des années après le pêché qu'ils ont baptisé vertu dans leurs églises et qu'ils ont béni (…) Qui d'abord bridera sa rancune ardente, en signe que le temps est venu de la revanche des rêves (…)Et les rêves prendront leur revanche, et sèmeront des générations dans les siècles des siècles.”
Axion Esti Prophétie (traductions de Xavier Bordes et Robert Longueville)
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Beau et contemplatif. de la grande grande poésie qui demande d'abord un effort, et puis on se laisse porter. Qu'on comprenne ou pas, la musique est là.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
COMME LANGUE on m'a donné le parler grec;
comme maison un pauvre abri sur les syrtes d'Homère.
Mon unique souci cette langue bâtie sur les syrtes d'Homère.
Là-bas sont sargues et perches
verbes qui vibrent sous le vent
soulevant leurs verdeurs à travers l'azur
tant que j'ai vu dans mes entrailles s'allumer
éponges et méduses
avec les premiers hymnes des Sirènes
coquilles d'or rose avec leurs premières fièvres noires.
Mon unique souci cette langue avec ses premières
fièvres noires.
Là-bas sont, dieux basanés,
cognassiers grenadiers, cognats et gens associés
versant l'huile translucide au fond des gigantesques jarres
et souffles divins qui montent des ravins fleurant bon
la lentisque et l'osier
les gingembres et les genêts
avec les premiers pépiements des pinsons
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MES MAINS SOUILLÉES d'iniquités, comment les ouvrirais-je?
Mes regards hallucinés par la chiourme, où les porterais-je?
Ah fils des hommes, qu'ajouter?
La terre endure bien des horreurs mais l'âme endure cent fois pire!
Oh bravo ma prime jeunesse et à toi lèvre indomptable
qui du galet appris l'art de la tempête
et face aux rafales, la riposte du tonnerre
oh bravo ma prime jeunesse!
Tu m'as enraciné si fort dans le sol, que ma pensée a reverdi!
Mis tant de clarté dans le sang, que mon amour a même pris
le pouvoir et la signifiance du ciel.
Je suis à présent pur de bout en bout
tout ensemble objet inutile aux mains de la Mort
et proie décevante, entre les griffes du rustre.
Ah fils des hommes, qu'ai-je à redouter ?
Mes entrailles-prenez-les-moi,;j'ai chanté!
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AXION ESTI/LA PASSION

Psaume XV


    MON DIEU tu m'auras voulu mais vois : je te rends
    la pareille
Le pardon — je ne connais pas,
    la prière — je n'en veux pas,
à l'isolement j'ai fait pièce ainsi qu'un caillou.
    Quoi, quoi, quoi d'autre inventer pour moi ?
Quand j'oriente vers tes bras la transhumance des étoiles
    si l'Aurore, insidieusement,
m'en pervertit le cours vers ses madragues outre-mer,
    c'est toi qui l'as voulu !
Collines avec des cités mers avec des vergers
    je les ente dans le vent
si la cloche me les boit tout doux dans le crépuscule
    c'est toi qui l'as voulu !
Si je croîs aux herbes et je m'écrie parmi tout mon délire
    ah vivement qu'à nouveau elles fanent
sous la machette de Juillet
    c'est toi qui l'as voulu !
Quoi enfin, quoi de neuf, quoi d'autre inventer pour
moi ?
    Tu n'as qu'à parler, vois-tu, pour que moi je réalise.
La pierre quitte ma fronde et me retombe dessus.
    J'approfondis les puits de mine et je pioche le fir-
    mament.
Je chasse les oiseaux et disparais sous leur fardeau.
    Mon Dieu tu m'auras voulu mais vois : je te rends la
    pareille.
Ces éléments qui sont toi,
    les journées et les nuits,
les astres et les soleils, le calme et les tempêtes
    si j'en renverse l'ordonnance et si je les engage
à rebours de ma propre mort
    c'est toi qui l'as voulu !

p.134-135
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ET CELUI que j'étais véritablement Le pur devancier des siècles
Le brin toujours vert dans le nimbe ardent Point façonné de main d'homme
avec son index a tracé
dans la distance
ces lignes
qui grimpent de temps en temps vers l'altitude à angle vif
et d'autres fois en bosses plus moelleuses s'avachissent
les unes dans les autres
amples continents dont j'ai senti
que leur odeur de terre était celle de l'esprit
C'était si fort la vérité
que docile à suivre mon parcours
le sol
accumulait aux plis secrets plus de rougeur
et ailleurs tout un fin duvet d'aiguilles de pin
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La fille qu’apportait le vent du Nord

« Après un long cheminement dans le parfum de la menthe j’ai cherché où aller et songé pour desserrer l’étreinte de la solitude à trouver un oratoire afin d’avoir l’occasion de parler.

La clameur de la mer me broutait comme une chèvre quelque noire humeur et me laissait au cœur une trouée toujours plus propice à d’éventuels Bonheurs.
Mais rien personne.

Ne flamboyait autour que la prescience propre à l’olivier sauvage.

Et toute du lointain poudroiement de l’écume jusque là-haut par-dessus ma tête la pente prophétisait et susurrait par la transe mauve et chérubinique de milliers d’insectes
Oui oui j’étais bien d’accord les mers que voici se vengeront.

Quand sur ces entrefaites à sa ruine arrachée surgit gagnant en hauteur et d’une inaltérable beauté tous les cris des oiseaux accompagnant sa surection la fille qu’apportait le vent du nord et que moi j’attendais.

A chaque élan nouveau ses petits seins pommés frondaient le vent et c’était à chaque fois terrorisée en moi une joie qui montait jusqu’à me faire trembler la paupière.

Ah les emportements ah les folies de chez nous !

Explosant derrière elle des gerbes de lumière délivraient en plein ciel comme d’insaisissables signaux de Paradis.

J’ai réussi un bref instant à voir agrandir la fourche de ses jambes et toute son intimité nacrée d’encore un peu de la salive de la mer.
Ensuite me vint son odeur tout de pain frais et de réglisse musqué des montagnes.

J’ai poussé le portillon de bois et j’ai allumé un cierge de ce qu’une idée en moi se soit éprouvée immortelle. »

(p. 175 et 176)
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Videos de Odyssèas Elỳtis (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Odyssèas Elỳtis
Avec Katerina Fotinaki (arrangements et guitares), Henri Agnel (percussions, cistre et cordes) et l'aimable collaboration de Ninon Valder (flûte, bandonéon) Soirée proposée par Martina A. Catella & les Glotte-Trotters
« Privée de mon pays, j'ai compris tôt que ma vraie patrie, la seule qu'on ne pouvait me prendre, c'était ma langue. »
Par ces mots, et à travers ses chants, Angélique Ionatos nous a offert le plus précieux d'elle-même : sa langue grecque. Guidés par l'oreille implacable de Katerina Fotinaki qui est aussi philologue, nous avons abordé les rivages de la poésie, passant de Sapho de Mytilène (VIIe siècle avant J.C.) aux auteurs contemporains comme Lina Nikolakopoulou ou Odysséas Elýtis, une poésie portée par la tradition populaire dans ses somptueuses polyphonies (encore un mot grec) et par des compositeurs tels que Manos Hadjidakis, Mikis Théodorakis, Nikos Kypourgos, Lena Platonos et bien sûr Angélique Ionatos à qui nous rendons un hommage plein de tendresse et de gratitude en ce 22 juin, jour de sa naissance.
Avec les voix de : Agathe Warlouze, Christine Thiollet, Fiona Sanjabi, Isabelle Favier, Jehanne Pollosson, Julie Lenormand et Amalia, Laura Clauzel, Léa Pointelin, Lena Petrossian, Lila Tamazit, Marylin Guerreiro, Mia Livolsi, Michèle Franza, Ninon Valder, Noé Forissier, Roxane Terramorsi, Yacine Fall Solbes.
À lire – Odysséas Elýtis, le soleil sait, trad. du grec par Angélique Ionatos, coll. « D'une voix l'autre », Cheyne Éditeur, 2015.
+ Lire la suite
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