Paysages d’hiver
II. IOWA CITY
I. IOWA RIVER
L’hiver traîne les pieds sur la neige
et n’arrive jamais à la porte de sortie
Des arbres ébouriffés
comme Francine à huit heures du matin
Le printemps picote l’œuf de l’intérieur
mais n’arrive pas à briser la coquille
Comme une tasse de café brûlant
j’exhale des bouffées de brouillard
Je ne serai jamais plus vieux que durant cet hiver
/ Traduit de l’espagnol par Josiane Gourinchas
- En una estación del metro
Desventurados los que divisaron
a una muchacha en el Metro
y se enamoraron de golpe
y la siguieron enloquecidos
y la perdieron para siempre entre la multitud
Porque ellos serán condenados
a vagar sin rumbo por la estaciones
y a llorar con las canciones de amor
que los músicos ambulantes entonan en los túneles
Y quizás el amor no es más que eso:
una mujer o un hombre que desciende de un carro
en cualquier estación del Metro
y resplandece unos segundos
y se pierde en la noche sin nombre
- Paisaje ocular
Si tus miradas
salen a vagar por las noches
las mariposas negras huyen despavoridas
tales son los terrores
que tu belleza disemina en sus alas.
- A mi bella enemiga
No seas vanidosa amor mío
porque para serte franco
tu belleza no es del otro mundo
Pero tampocoo es de éste.
- Misterio gozoso
Pongo la punta de mi lengua golosa en el centro
mismo
del misterio gozoso que ocultas entre tus piernas
tostadas por un sol calientísimo el muy cabrón
ayúdame
a ser mejor amor mío limpia mis lacras libérame de
todas
mis culpas y arrásame de nuevo con puros pecados
originales, ya?
Voyageant avec moi-même
extrait 2
Me charger de moi-même de par le monde
n’est pas chose facile
Me défaire de moi
ou me laisser abandonné en quelque lieu non plus
Non je ne suis pas le nageur d’Héraclite
Je me baigne toujours dans le même fleuve
Et si ce fleuve va se jeter dans la mer
qui est la mort
là-bas je m’en vais avec lui
Parce que moi je suis le fleuve
mais aussi la mer
/ Traduit de l’espagnol par Josiane Gourinchas
Rendez-vous
J’ai acheté des draps rouges
de l’étoffe la plus douce
même si je sais qu’ils ne peuvent rivaliser
avec la douceur de ta peau
Je les ai achetés de couleur rouge
pour que ton corps blanc
étendu sur les draps
soit le vers de Góngora :
« ou pourpre enneigée ou neige empourprée »
Et quand tu t’es couchée
nue sur mon lit
le vers s’est fait chair
/ Traduit de l’espagnol par Josiane Gourinchas
Après l’incendie
Je dois ramasser mes décombres
leur donner la forme humaine qu’ils avaient
et aller de l’avant
Que je n’aie pas de braises dans les yeux
ni de nuages de fumée noire dans l’âme
Quelques cicatrices
par-ci par là sont acceptables
Pour le reste rejeter la douleur derrière soi
nettoyer ses cendres
et poursuivre son chemin
/Traduction de l’espagnol (Chili) par Josiane Gourinchas
Me voici à nouveau de retour
dans ma chambre de Iowa City
Je prends à petites gorgées mon assiette de coupe Campbell
face au téléviseur éteint
L'écran reflète l'image
de la cuillère qui entre dans ma bouche
Et je suis l'avis commercial de moi-même
qui n'annonce rien à personne.
Paysages d’hiver
I. IOWA RIVER
Le fleuve dort dans son lit de gel
comme s’il attendait le Jugement dernier
Si je devais revenir chez moi
où reviendrais-je ?
Le cimetière est couvert de neige
Les pierres tombales affleurent à peine
comme si les morts voulaient
encore nous dire leurs noms
Rien ne coule ni ne tombe maintenant
L’éternité a trouvé sa place sur la terre
/ Traduit de l’espagnol par Josiane Gourinchas