Citations de Oxanna Hope (108)
Je me rends compte qu'il ne suffit finalement même pas d'avoir la peau ou les yeux d'une couleur différente, d'avoir une culture ou des croyances autres, pour se retrouver tout en bas de l'échelle. non, il suffit de ne plus rentrer dans le moule. La leçon magistrale que j'apprends pourrait être drôle si elle n'était pas aussi cruelle.
Que ferait Élias s'il était à ma place? songé-je tout à coup.
Si sa pensée me noue le ventre, je me force à me remémorer tous les moments agréables passés avec lui. Nos discussions, alors que nous étions supposés dormir, son regard planté dans le mien, sa main dans la mienne, son odeur, ses lèvres. Je pose mon index sur les miennes et le fait glisser dessus. Peut-être qu'en fermant les yeux, je pourrais me souvenir du goût de ses lèvres. J'aimerais le sentir à mes côtés. J'aimerais entendre sa voix tandis qu'il me crierait que ma mort ne servirait à rien.
C’est comme si nous formions une armée. Une armée composée uniquement de femmes qui n’ont plus, dans leur regard, cette étincelle de mort que j’ai vue lors de mon arrivée. L’espoir, la rage de vaincre, tout ça forme un éclat puissant chez chacune d’elle.
Ce sont des guerrières.
Et j’en suis une, moi aussi.
Détruire sans tuer n’est pas possible parce qu’ils reviendront. Ils rebâtiront cet enfer pour torturer à nouveau des Aryennes rebelles. C’est un véritable dilemme pour moi. J’emboîte le pas à Dina dans l’espoir, malgré tout, de la tempérer selon qui se trouvera en face de notre groupe.
Je n’ai pas besoin de répondre à ma conscience pour confirmer ses dires. Non, c’est vrai. Je ne les avais pas ouverts. Parce que mon existence me convenait, que je ne connaissais que cette façon de vivre et que les mensonges du gouvernement ont su convaincre des tas de filles comme moi que nous étions sur la bonne voie. Mais tout cela est faux, cette voie n’est pas celle que le peuple doit suivre. Elle le maintient en cage, lui cache la vérité sur les agissements du Führer, sur ses méthodes radicales de traiter les adolescentes comme nous.
Une imagination qui me prive de ma liberté et m’a fait tomber amoureuse d’un garçon qui n’existe même pas, songé-je. Quelle drôle d’histoire ! Je m’étais crue enfin libérée de mes chaînes en compagnie d’Élias, et au final, je me retrouve prisonnière autant physiquement que moralement. Comment puis-je avoir inventé de telles choses ? Ce médecin a raison, j’ai une imagination trop fertile.
On ne peut pas rester caché pendant près de deux siècles sans un jour avoir envie de regarder le soleil en face.
Je ne vois plus les fenêtres des habitants où aucune lumière ne fuse comme si, le couvre-feu passé, tout le monde était mort.
Je songe à nouveau à ses paroles sur ce que les Aryens auraient fait par le passé, mais je ne me sens pas le moins du monde responsable parce que je n'ai pas choisi d'adopter les préceptes de mon peuple plutôt que ceux d'un autre, je suis née dedans, c'est tout.
Il me faut du temps pour intégrer cette hypothèse tandis qu’un silence angoissant règne à présent parmi la population en bas de la tribune. Quelque chose m’échappe dans cette histoire et je suis bien incapable de savoir quoi exactement. Pourquoi le gouvernement se serait-il amusé à manipuler tout un peuple ? Le régime SS contrôle la planète depuis deux siècles, c’est un fait qui ne demande pas à être démontré puisqu’il est avéré. Mon peuple a gagné la Seconde Guerre mondiale, nos livres d’histoire sont là pour en attester, alors comment le monde ...
- Surtout, regarde toujours droit devant toi. Ne baisse jamais les yeux.
- Pourquoi ?
- Baisser les yeux est un signe de soumission et ça nous donne des airs de coupables. Les Aryens sont des gens arrogants par nature.
Je gardais les yeux rivés sur lui, suivant le moindre de ses mouvements. Mon coeur se mit à cogner dans ma poitrine. C'était la première fois que je ressentais quelque chose comme ça.
"Il esquisse un sourire douloureux et j'en fais autant. Dans la douleur, il y a parfois le désir, la nécessité de se sentir exister pour quelqu'un, pour se raccrocher à quelque chose d'important et ne pas se sentir mourir."
L'ordre et la sécurité n'existent plus et je découvre les Aryens, mon peuple si discipliné, sous un nouveau jour, comme si notre acte leur avait permis tout à coup de révéler leur côté rebelle. En fait, si en me rendant vers la boutique de Herr Kramen, les piétons étaient rares et d'un calme presque normalisé, plus nous approchons du centre de la ville, plus la population semble être dévorée par la folie de la destruction, la soif d'une certaine liberté, en bravant les lois établies. Ici plus que partout ailleurs, les soldats sont présents et n'hésitent pas à frapper au hasard.
Une fois le contrat trouvé, je le plie d'un geste nerveux et le glisse dans ma poche. Je m'empare également d'une torche miniature et d'une paire de lunettes servant à stocker les données informatiques. Je me dis qu'il est possible qu'elle contienne des informations importantes sur moi et sur ce que le gouvernement a caché au peuple depuis si longtemps. Je bouillonne intérieurement de cette envie de savoir, de comprendre aussi quelle est la véritable nature de ma nation. Celle qui m'a construite... puis détruite.
Le meilleur moyen de vérifier s'il n'y avait pas de monstres, c'était de chercher et il allait le faire, en bon papa chasseur de monstres qu'il était.
Totalement indifférente à Eve, Cassie, dont la chevelure rousse étincelait de mille feux sous les lumières aveuglantes des spots, dansait frénétiquement. Elle sentait toute la tension qui emplissait la moindre parcelle de son corps. Les pulsions de la musique électronique la faisaient vibrer. Elle plongea ses mains dans ses cheveux et secoua la tête en tous sens, comme pour se vider l'esprit. Elle oublia tout ce qui se trouvait à proximité, consumant toute son énergie sans faillir. Marquer une pause, aussi courte fût-elle, provoquerait inévitablement le retour de ses sombres pensées, de son mal être. Le visage luisant de sueur, elle continua à se déchaîner.
Les seules personnes autorisées à pénétrer dans son intimité étaient les hommes. Elle les laissait entrer et les chassait quand elle estimait leur temps révolu. D'une part, parce qu'elle ne voulait pas les exposer à des risques inutiles, et d'autre part, parce qu'elle se lassait très rapidement. Les hommes n'étaient, à ses yeux, que des marchandises. Elle prenait, consommait puis jetait. Les plaisirs étaient fugaces, mais ça lui convenait très bien... Cassie pinça les lèvres et ressentit une irrésistible envie de se défouler sur la tête du premier venu. La jeune fille reprit son allure hautaine parce qu'elle n'avait pas mieux pour se protéger.
-Nous sommes de retour de Tudag, Votre Altesse, déclara-t-il.
-Oui, je le vois bien. Mais j'aimerais comprendre la raison du bâillon sur la bouche de ton supérieur. Et également cette impression que ses mains sont entravées dans son dos.
Non, c'est ma faute. J'ai bêtement cru que la liberté ne tenait qu'à une promenade à cheval.