Citations de Patrick Mauriès (49)
"Partir à la recherche de reliques, de restes sensibles n'est sans doute que le meilleur moyen d'en toucher du doigt la désespérante vacuité."
Souverain, bien droit, le chapeau vissé sur la tête, la moustache lisse et blanche, un je ne sais quoi (mais évident, têtu) de suranné, relevé parfois d'accords bizarres - une chemise parsemée de caractères d'imprimerie vert acide, assortie à la stricte flanelle grise et au gilet rouge -, Piero Fornasetti ouvrait la porte carillonnante de sa boutique (musée ? cabinet ? bazar ?) de Via Brera.
Rien de moins compatible a priori que le petit monsieur strict, à touche de fantaisie, et cette étrange constellation de porcelaines et de plastiques, de paravents et de plateaux, presse-papiers, serre-livres, boutons de manchette, gilets de soie, sections de visages, pupilles exorbitées, obélisques mappemondes, lampadaires cendriers et pancartes...
Souverain, bien droit, le chapeau vissé sur la tête, la moustache lisse et blanche, un je ne sais quoi (mais évident, têtu) de suranné, relevé parfois d'accords bizarres - une chemise parsemée de caractères d'imprimerie vert acide, assortie à la stricte flanelle grise et au gilet rouge -, Piero Fornasetti ouvrait la porte carillonnante de sa boutique (musée ? cabinet ? bazar ?) de Via Brera.
Rien de moins compatible a priori que le petit monsieur strict, à touche de fantaisie, et cette étrange constellation de porcelaines et de plastiques, de paravents et de plateaux, presse-papiers, serre-livres, boutons de manchette, gilets de soie, sections de visages, pupilles exorbitées, obélisques mappemondes, lampadaires cendriers et pancartes...
L'imaginaire architectural occupe, dès ses débuts, une place de choix dans l’univers de Fornasetti ; si l'on excepte même les fresques de jeunesse, plans et élévations de villes ou bâtiments donnent leurs motifs aux nappes de dentelles ou aux verres gravés. C'est que le thème de l'architecture rassemble plusieurs des valeurs essentielles au designer : mathématique, abstrait, épuré, le rendu architectural suppose déjà, a priori, la réduction au jeu du plan et de la ligne, du vide et du plein, la transformation de la masse en aplats et des contours en un réseau de lignes qui se prêtent d'elles-mêmes à l'intervention du graphiste.
Chapitre 3, "Architectures qui chantent"
L'invention débridée de Fornasetti, son refus des contraintes, qui pouvaient se traduire par un chaos apparent, se fondaient en fait sur une passion de l'ordre et de la méthode. Jusqu'à la fin de sa vie, il pouvait ainsi désigner sans erreur la place du moindre de ses treize mille projets, dûment étiquetés et catalogués.
Chapitre 1, "Du disegno au design"
L'imaginaire architectural occupe, dès ses débuts, une place de choix dans l’univers de Fornasetti ; si l'on excepte même les fresques de jeunesse, plans et élévations de villes ou bâtiments donnent leurs motifs aux nappes de dentelles ou aux verres gravés. C'est que le thème de l'architecture rassemble plusieurs des valeurs essentielles au designer : mathématique, abstrait, épuré, le rendu architectural suppose déjà, a priori, la réduction au jeu du plan et de la ligne, du vide et du plein, la transformation de la masse en aplats et des contours en un réseau de lignes qui se prêtent d'elles-mêmes à l'intervention du graphiste.
Chapitre 3, "Architectures qui chantent"
Peut-être d'ailleurs Fornassetti a-t-il d'abord été positivement substantiellement, un collectionneur. Sa maison milanaise - constellée de séries d'assiettes anglaises, proclamait avec force cette passion : le mur de la façade en avait été percé pour installer une collection de verres et cristal taillé et coloré. L'espace des pièces était dévoré par le témoignage d'une autre obsession : celle de l'imprimé, sous toutes ses formes, aberration ravageuse - et assez répandue - dont Fornasertti ne manquait jamais de se moquer ironiquement.
L'invention débridée de Fornasetti, son refus des contraintes, qui pouvaient se traduire par un chaos apparent, se fondaient en fait sur une passion de l'ordre et de la méthode. Jusqu'à la fin de sa vie, il pouvait ainsi désigner sans erreur la place du moindre de ses treize mille projets, dûment étiquetés et catalogués.
Chapitre 1, "Du disegno au design"
Peut-être d'ailleurs Fornassetti a-t-il d'abord été positivement substantiellement, un collectionneur. Sa maison milanaise - constellée de séries d'assiettes anglaises, proclamait avec force cette passion : le mur de la façade en avait été percé pour installer une collection de verres et cristal taillé et coloré. L'espace des pièces était dévoré par le témoignage d'une autre obsession : celle de l'imprimé, sous toutes ses formes, aberration ravageuse - et assez répandue - dont Fornasertti ne manquait jamais de se moquer ironiquement.
Mais on a tort à ne faire du baroque que pléthore béate, monotone extravagance, car le baroque le plus pur ne se fonde jamais, j’y reviens, que sur la pauvreté, le contraste entre l’or et le plâtre et ne m’apparaît jamais plus émouvant que lorsqu’il transmute, comme dans une volute de stuc, la chaux en lumière. (P.115)
"Burton ne l'avait pas attendu ; il pose en pétition de principe, quelque part dans "l’Anatomie" : "Je n'ai que ceci, de Macrobe, à dire pour moi-même : onne meum, nihil meum, "tout est moi, et rien n'est à moi", "ou, plus lapidairement encore, affirmation qui ne serait pas étrangère : "sumpsi, non surripui". Emprunt n'est pas larcin. Découpage vaut création."
La nourriture, les repas jouaient un rôle essentiel pour Manganelli. l adaptait le restaurant à son convive, différent pour chacun. Il ne vit plus jamais Einaudi du jour où celui-ci osa picorer dans son assiette. «Manger est un rite religieux, un acte sacré, disait-il, nous mangeons nos morts, nous y sommes en compagnie de nos ancêtres. »>
Les forêts sont parcourues de bruissements ; ce sont des livres à la fois inventifs et sans originalité, des exercices d'admiration, des collections de merveilles, des galeries de miroirs, des recueils de voix attendant leur écho : "it's all mine and none mine".
Écrire au café: s'abs orber, suivre le fil d'une idée en dépit (ou plutôt : sur le fond) du bruit environnant (sorte de magma hypnotique), puis lever les yeux, rencontrer un regard, interlocution interdite. C'est ce courant alternatif qui vous porte, suscite un certain enthousiasme.
Peut-être était-ce cela, vieillir : être frappé d'incrédulité face à une réalité toujours plus déconcertante, le sentiment, la conviction plutôt, que, non, vous n'avez pas changé, subissant certes les attaques du temps, mais que c'est le monde alentour qui s'éloigne inéluctablement, comme une langue de terre qui se détacherait du rivage où vous vous tenez, pour se fondre peu à peu dans la brume.
L'ordre est le plaisir de la raison, mais le désordre est la volupté de l'imagination.
L’extrême puissance de fascination de John Wilmot, comte de Rochester, se mesure au fait qu’il devient, de son vivant même, le héros d’une pièce à succès, The Man of Mode d’Etheredge, où tout Londres applaudit aux méfaits gracieux de son transparent alter ego, Dorimant.
La recherche anxieuse d'une continuité entre l'art et la nature, principe suprême d'unité, est l'une des véritables raisons d'être du cabinet de curiosités (ou chambre des merveilles).
Exposition sur les débuts de la photographie : comment la couleur (non: la tonalité) d'une photo provoque, telle la réponse à un stimulus, une réaction immnédiate: d'angoisse ou de nostalgie; nostalgie face aux noirs profonds, aux aspects ivoirins, aux ciselures des détails, aux brillances des lumières dans les anciens tirages argentiques (monde jamais approché mais dont quelques éclats me parvinrent tôt dans les minus cules photos dentelées prises par mon père). Angoisse, une certaine horreur même face aux tout premiers calotypes où la photo semble naître d'une relation aux faits divers (et figure, parmi la poignée des « premières » photos, une abominable image de femme égorgée; quand on ne feint pas, comme Hippolyte Bayard, d'être noyé) ; mais aussi: elles restituent une époque où tout est suffoqué de poussière, de peluches, de tentures, de plantes sombres et menaçantes, où l'extérieur est fait de ruelles sordides et pluvieuses, de lointains perdus dans le brouillard, de végétation grouillante et immobile. Le tout sous une lumière d'astre mort, sans différence de densité, ni une quelconque vibration, mais d'une consistance cireuse et inerte.
Pour moi dont les auteurs favoris ont pour toujours l'apparence et l'odeur des éditions de poche dans lesquelles je les ai lus pour la premiére fois, rien de moins pensable que de remplacer la texture fibreuse et jaunie d'une page par le scintillement omniscient d'un écran.