Paul Kalanithi: a neurosurgeon's memoirs
Un mot n'avait de signification que partagé. Le sens de l'existence, cette substantifique moelle, naissait grâce à la richesse et la profondeur des contacts.
Je dois aider ces gens à comprendre que la personne dont ils se souviennent, cet individu entier, plein de vitalité et indépendant, n'existe plus que dans le passé et que j'ai besoin d'eux pour cerner ce qu'il aurait voulu ou non : une mort facile ou une vie chevillée à des poches de fluides et un étiolement impossible à combattre.
- Le médecin va bientôt arriver.
Et sur ces simples mots, le futur que je m'étais imaginé, celui que je pouvais presque toucher des doigts, le point d'orgue d'années d'efforts, partit en fumée.
J'étais motivé non pas par l'envie de réussir mais par la volonté de répondre à cette question : qu'est-ce qui donne un sens à la vie ? Pour moi, la littérature fournissait les meilleurs hypothèses tandis que les neurosciences établissaient les règles les plus élégantes pour analyser la mécanique du cerveau. Le concept de la signification humaine, bien que changeant et difficile à définir, me paraissait intrinsèquement lié aux relations et aux valeurs morales. La Terre vaine de T.S.Eliot, qui relate à la fois le sentiment d'isolement dans un monde devenu absurde et la recherche d'un contact humain quasi effrénée, s'en faisait l'écho tout particulier. Je me surpris à prendre à mon compte les métaphores de l'auteur. Ce ne fut pas le seul dont je m'imprégnai. Je compris de Nabokov que notre souffrance nous rend souvent imperméable à celle des autres. Chez Conrad, j'assimilai combien le manque de communication affecte les relations entre deux êtres. Pour moi, un ouvrage n'exposait pas seulement l'expérience qu'un autre avait vécue, il fournissait aussi le matières les plus nobles pour étayer une réflexion sur le sens de la vie.
Après avoir terminé l'ouvrage que vous êtes sur le point de lire, je me sentis insignifiant : l'honnêteté et la vérité de ces pages m'avaient coupé le souffle.
Préparez-vous. Asseyez-vous. Découvrez la voix du courage. Admirez la force qu'il faut pour se dévoiler ainsi. Vous verrez à quel point, grâce aux mots, il est possible de rester vivant et d'influencer la vie des autres même après la mort. Dans un monde de communication différée où nous avons si souvent le nez plongé sur nos écrans, le regard rivé sur ces objets rectangulaires qui vibrent dans nos mains, l'attention dévorée par l'éphémère, arrêtez-vous et plongez-vous dans le dialogue avec ce jeune collègue parti trop tôt mais désormais éternel dans nos mémoires ! Écoutez-le. Dans les silences entre ses mots, écoutez ce que vous avez à lui répondre. C'est là que se cache son message. Je l'ai saisi. [...] C'est un cadeau.
Préface de Abraham Verghese
Je ne crois ni en la sagesse de l'enfant ni en celle du vieillard. Il existe un instant-clé où la somme de toutes les expériences menées est finalement érodée par le poids des petits détails du quotidien. Rien ne nous rend plus lucide que ce moment-là.
Impossible de ne pas se sentir insignifiant
au regard de l'immensité des montagnes,
de la Terre, de l'univers et en même temps,
les deux pieds bien ancrés sur la pierre,
nous réaffirmons notre présence
parmi toute cette grandeur.
J’observai tant de souffrance que j’en devins immune. Lorsqu’il se noie, même dans du sang, l’esprit s’adapte; il apprend à flotter puis à nager et même apprécier la vie.
Le cancer avait lancé un sort sur mon existence : il me mettait au défi de rester aveugle à l'avancée de la mort tout en ne m'octroyant pas la liberté de l'ignorer.
Vous verrez à quel point, grâce aux mots, il est possible de rester vivant et d'influencer la vie des autres même après la mort.