Le 9 août 1945, à dix heures trente du matin, une réunion du Suprême Conseil de guerre se tint au Quartier Général Impérial, pour savoir s’il fallait capituler ou continuer. A ce moment où se décidait pour l’humanité la paix ou un plus grand carnage, une bombe atomique explosa, exactement à 11 h. 2 minutes, sur le quartier d’Urakami à Nagasaki.
Huit mille âmes catholiques furent envoyées en un instant au tribunal de leur Créateur, et un incendie dévastateur réduisit en cendres, en quelques heures, cette ville chrétienne. Ce même jour à minuit, la Cathédrale prit feu et fut détruite. A cette heure aussi, Sa Majesté l’Empereur fit connaître sa décision de terminer la guerre.
Le 15 août, le Rescrit Impérial qui mettait fin aux hostilités fut formellement promulgué, et la paix fut rendue au monde entier. Ce jour-là, on fêtait l’Assomption de la Sainte Vierge, à laquelle, on s’en souvient, était dédiée la Cathédrale d’Urakami.
Toutes ces coïncidences peuvent-elles être fortuites? Ne pouvons-nous bien plutôt y voir l’œuvre délicate de la volonté divine?
On m’a dit que la seconde bombe atomique, faite pour porter le coup de mort au pouvoir combattif du Japon, était d’abord destinée à une autre ville. Mais le ciel au-dessus de celle-ci se trouva couvert de nuages; le projet s’avéra impossible; un changement de plan dut avoir lieu au dernier moment. C’est ainsi que Nagasaki, « cible de réserve » jusqu’alors, fut inalement choisie. Bien plus, j’ai appris que quand la bombe eut été larguée, le vent la fit dériver au nord des fabriques de munitions qui constituaient l’objectif pour éclater enfin au dessus de la Cathédrale. Ainsi Urakami, à aucun moment, n’a été visé par les pilotes américains. C’est la Providence qui orienta l’engin.
Ne peut-on voir une profonde connexion, un rapport mystérieux entre la cessation de la guerre et la destruction d’Urakami. Urakami, le seul secteur catholique et sanctifié de tout le Japon, n’a-t-il pas été choisi comme une victime appropriée, à sacrifier et à brûler sur l’autel d’expiation, pour les crimes commis par l’humanité dans cette guerre mondiale?
Entreprenant pour mon propre compte certaines expériences précises, j’appris à quel point les résultats pouvaient varier suivant les méthodes d’expérimentation; je perçus qu’il existait des limites à ce que telle ou telle méthode permet de conclure et d’affirmer. Je constatai également que le domaine qui peut être exploré par les méthodes des sciences naturelles, et soumis à leurs lois, a lui-même ses frontières, et qu’on n’y résoudra jamais tous les problèmes de l’univers : l’existence de l’âme par exemple ne relève pas des procédés scientifiques. Mais cette existence peut être prouvée par d’autres méthodes; mon erreur était précisément de vouloir obstinément des preuves scientifiques; je niais l’existence de l’âme parce que j’étais prisonnier de ce faux axiome : la science est le seul moyen de découvrir la vérité. En avançant, je fus réellement surpris de trouver le domaine de la science si étonnamment étroit, si imparfait, si plein de contradictions. Je fus encore plus troublé en constatant que certaines lois, très généralement admises, n’étaient en réalité que de simples hypothèses. J’en vins aussi à connaître mieux la pauvreté de la science humaine, l’imperfection de nos méthodes de recherches, et à penser que nous devrions être plus humbles. Faisant finalement l’expérience personnelle du monde surnaturel, j’en vins à rougir de l’époque où je niais l’existence de l’âme. C’est alors, pour la première fois, que je commençai à comprendre les Pensées de Pascal.
C’est ainsi qu’une carte postale, portant mon adresse s’envola dans le jardin d’un ami à Yagami, quelque douze kilomètres plus loin ! Il en conclut que ma maison avait disparu. Conclusion juste d’ailleurs.