AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Paul Saint Bris (166)


Le vert résistait à la nuit. Le vert des poubelles éventrées, le vert des barrières de travaux renversées, le vert des Vélib’ et des trottinettes éclatées, désossés et abandonnés à leur sort çà et là. Il y avait quelque chose de réconfortant à ce que, dans son état, la ville soit laide, chaotique et peuplée de spectres.
(page 306)
Commenter  J’apprécie          401
Partout la beauté était battue en brèche, repoussée au bénéfice de l’utile, du confort, de la sécurité, écartée en faveur de l’attractivité, de la rapidité, de l’efficacité.
(page 81)
Commenter  J’apprécie          390
La Joconde est condamnée
à ne plus jamais être observée
comme elle devrait être observée,
c’est-à-dire dans un tête-à-tête.
Vincent Delieuvin,
conservateur en chef au musée du Louvre 
Commenter  J’apprécie          380
Si l’harmonie et le chaos étaient les deux faces de l’harmonie de la beauté, peut-être que ceux qui traquaient la grâce poursuivaient la même quête d’éblouissement que ceux qui soumettaient leur regard à la dissonance, au tumulte, au fracas. Peut-être que seuls différaient les chemins empruntés.
(page 309)
Commenter  J’apprécie          351
Pour Aurélien, si les gens aimaient Monna Lisa, c’est qu’ils y avaient été exposés des milliers de fois depuis leur tendre enfance, qu’elle leur était familière. Qu’ils la connaissaient d’une manière presque intime. « Plus on connaît, plus on aime », avait écrit Vinci.
(page 58)
Commenter  J’apprécie          351
À quoi bon vouloir remonter le cours du temps ? Est-ce que les Égyptiens réclamaient de recouvrir les pyramides de Gizeh de leur peau de calcaire disparue ? Est-ce que l’on se voyait repeindre la statuaire gréco-romaine dans ses couleurs d’origine ? Et les cathédrales dans leur polychromie tapageuse ? Pour les œuvres comme pour les êtres, remonter le temps était une quête vaine et forcément décevante.
(page 57)
Commenter  J’apprécie          321
Il songea que les chefs-d’œuvre n’avaient pas été conçus pour être observés dans les conditions du monde actuel : quelque part, il devait admettre que le concept même de musée, en les offrant à la vue de tous, avait dénaturé la relation aux œuvres.
(page 24)
Commenter  J’apprécie          311
Alors tout prenait un sens, le sourire bienveillant de la jeune femme guidait vers une lumière radieuse, témoin de sa confiance et reflet de la sérénité de son âme, vers l’espérance d’un futur rayonnant.
Vers une promesse de joie.
Una promessa di gioia.
(page 347)
Commenter  J’apprécie          301
Voilà ce qu’elle n’avait cessé de faire et de préconiser : il fallait désencombrer le musée du lourd poids du savoir, l’ouvrir à tous les sens, à tous les vents du monde, à toutes les âmes.
(page 242)
Commenter  J’apprécie          301
… du fait de l’oxydation des vernis, les couleurs de la peinture s’étaient éloignées des teintes originales et il serait intéressant de réfléchir à s’en approcher de nouveau.
(pages 102-103)
Commenter  J’apprécie          300
C’était une grande femme, à la carrure encombrante. Son visage avait du caractère, plein et large, encadré d’argent jusqu’aux épaules – elle assumait un gris lumineux plutôt seyant. Elle avait un nez long et sculpté, assez chic, un haut front bombé, des yeux clairs couleur vert-de-gris, francs et espacés.
(page 63)
Commenter  J’apprécie          290
Un jeune homme roux et barbu se leva, salua l’assemblée. D’allure athlétique, il portait un costume gris sur un tee-shirt immaculé. En observant le chignon positionné au sommet de son crâne, Aurélien se demanda comment cette mode avait pu se frayer un chemin des plateaux de téléréalité jusqu’à ce genre de réunion ; il n’avait pas vu venir cette révolution silencieuse.
Commenter  J’apprécie          291
La Joconde. Vous connaissez ses traits par cœur, avait repris Léa d’une voix douce. Vous pouvez fermer les yeux et la ressusciter à l’envi, tant vous y avez été exposés, tant l’œuvre a imprimé votre mémoire de sa trace indélébile. Pourtant vous tous ici savez que votre vision est dégradée par les outrages du temps. Les vernis oxydés et jaunis ont déréglé ses contrastes, opacifiant le portrait qui année après année s’enfonce un peu plus dans la pénombre.
(page 46)
Commenter  J’apprécie          282
Il y a un moment - et il vient assez vite - où vous ne savez pas qui est le groupe qui s'affiche en lettres rouges au fronton de l'Olympia. Vous n'en avez jamais entendu parler et vous vous en foutez royalement. Il y a un moment où le visage de l'égérie Chanel en quatre par trois dans le métro ne provoque aucun stimulus dans votre cerveau, si ce n'est une admiration distraite pour la géométrie de ses traits. Vous ne le reconnaissez pas. Néant. Il y a un moment où des pans entiers du langage vous échappent. Il y a un moment encore où les jeunes générations vous semblent déguisées dans la rue. Vous les regardez, amusé, comme un sujet exotique plaisant et lointain.
Arrive ce moment où vous vous rendez-compte que vous vous êtes lentement extrait du bruit du monde. Que vous vivez dans le confort d’une réalité parallèle, votre propre réalité, figée, façonnée selon vos goûts et vos envies, mais hermétique aux pulsions de la société. C’est en général à partir de ce moment-là que vous commencez à parler d’avant. Vous développez une empathie inédite pour des choses que vous n’aviez jusque-là pas remarquées. Vous portez sur votre entourage un regard empreint de nostalgie, comme si celui-ci était menacé d’une destruction prochaine. Avant pourtant reste votre présent, mais vous pressentez qu’il appartient déjà au passé, car vous-même avez subtilement glissé. Et si vous parlez d’avant, vous parlez aussi de maintenant comme si ce n’était pas de votre temps qu’il s’agissait, comme si maintenant était étranger, allogène, comme si maintenant n’était pas un bien commun à tous les vivants mais un privilège réservé à d’autres que vous ne comprenez plus.
(p76-77)
Commenter  J’apprécie          276
Le train se mit en branle. Le contrôleur passa dans chaque cabine, énonçant les recommandations d'usage sur les précautions à prendre contre les vols, lesquels, pensa Aurélien, faisait indéniablement partie du patrimoine immatériel du voyage en train de nuit. Si les voleurs devaient disparaître, on en viendrait presque à en parler avec nostalgie. Il avait conservé un attachement particulier pour ce mode de transport qui avait accompagné ses périples d'étudiant. Il retrouva avec tendresse la sensation exquise de s'endormir, bercé par le tactactac des roues sur les rails, ballotté au gré du roulis du train. Une multitude de signaux auditifs se rappelèrent à lui - le train de nuit est avant tout une expérience auditive-, le bruit ouaté du passage des tunnels et la subite décompression de leurs sorties, les conversations des couloirs qui intriguent et inquiètent, les sifflets des chefs de gare qui parviennent jusqu'aux confins des rêves, le son d'un rire ou d'un éclat amoureux, peut être celui d'un orgasme, le hululement bref et sympathique de la micheline que l'on croise, auquel on répond, et la manière dont ce salut se dilue instantanément dans la nuit, emporté par la vitesse, les coups bourrus du contrôleur contre la porte pour prévenir de l'arrivée imminente, l'agitation fébrile que l'on perçoit dans la cabine d'à côté, les roulements des valises dans l'allée, les premières paroles du jour.
(p.158-159)
Commenter  J’apprécie          264
Surtout, en tant que conservateur, Aurélien trouvait regrettable que cette œuvre, si majeure soit-elle, écrase toutes les autres de sa présence cannibale. Il haïssait l'idée que les visiteurs montent quatre à quatre l'escalier, parcourent au pas de course la grande galerie pour s'agglutiner sur la vitrine de Monna Lisa, en négligeant ses malheureux voisins de cimaises, les Véronèse, Titien et Bassano. Il détestait le paradoxe qui faisait de La Joconde, le tableau le plus célèbre au monde et le moins regardé.
Commenter  J’apprécie          254
Et il pensa que c’était justement ce qui terrifiait Léonard, le déluge, dont le maître était certain qu’il amènerait avec lui la fin des temps. Peut-être pas le déferlement d’eaux tourmentées et bouillonnantes qu’il avait dessiné dans les dernières années de sa vie au Clos Lucé., mais un torrent d’images continu, si abondant, si dense, qu’il deviendrait impossible d’en détacher le regard. Des milliards de formes et de couleurs, des milliards de pixels, agencés pour surprendre, étonner, captiver sans cesse, bombardés dans un flux intarissable et indigeste, une diarrhée dont on ne pourrait se soustraire à moins de renoncer à faire partie du monde. Et ce déluge aurait raison des hommes et de leur intelligence, de leur capacité à vivre et à être, de leur capacité à réfléchir et à s’émouvoir, de leur capacité à aimer. Il les détournerait des choses vraies, les obligeant à voir à travers un écran pour qu’ils n’aient plus jamais à lever la tête, courbant leurs nuques, figeant leurs regards dans la même direction pour l’éternité.
Commenter  J’apprécie          250
Il a réduit la peinture à sa stricte matière, à sa quintessence, à ses deux dimensions : un mince film coloré aussi fragile que l'aile d'un papillon, un agglutinat de pigments et de liants fin comme une peau humaine, si fin qu'il a pu admirer le dessin au travers. Cette membrane gigantesque, il l'a séparée du panneau de bois pulvérulent qui lui servait de support, au prix d'une patience infinie, puis il l'a marouflée sur un châssis entoilé d'un coutil au point serré. Il aimerait qu'on fasse ainsi de son âme, qu'on la détache de sa vieille carcasse fatiguée pour l'arrimer à un corps neuf et vaillant. Qu'on lui donne la vie éternelle.

[Incipit]
Commenter  J’apprécie          232
La stratégie était simple : pour déminer tous les reproches et attaques qui ne manqueraient pas d’advenir, il fallait aveugler le public de transparence, lui donner plus d’informations qu’il pouvait en digérer, l’éreinter de précisions, de diagnostics, d’expertises. Il fallait rompre avec la tradition du musée de faire les choses en secret. Il s’agissait d’être pédagogue.
(page 187)
Commenter  J’apprécie          230
La ministre était une personne remarquablement affable, ronde dans ses manières et dans ses traits. Elle était apprêtée avec l’orgueilleuse sophistication d’une pâtisserie délicate, laquée et poudrée dans des camaïeux de rose pêche et de carmin.
(page 118)
Commenter  J’apprécie          231



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Paul Saint Bris (599)Voir plus

Quiz Voir plus

Prénoms de FEMMES auteurs de romans policiers

LA grande dame du polar : (Les) Dix petits nègres, Le crime de l'Orient-Express, Mort sur le Nil... Christie...

Julia
Alicia
Anna
Agatha

10 questions
695 lecteurs ont répondu
Thèmes : prénoms , auteurs différents , romans policiers et polarsCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..