Cliff Hardy est recruté par une veuve modérément éplorée, persuadée que contrairement à ce qu'affirme l'enquête rondement menée, son mari ne s'est pas noyé sur la plage de Bondi approximativement deux ans auparavant. Apprendre que John Singer était un homme d'affaires ayant réussi dans les machines à sous, les flippers et certaines compagnies de taxis donne à Cliff une idée des milieux dans lesquels il va enquêter.
Comme d'habitude, il part de zéro, car rien n'est sûr, pas davantage le décès que la survie de Singer. Il tâtonne d'abord, puis des bistrots glauques le mènent à des clochards, grands observateurs de la nature humaine qui à leur tour lui fournissent quelque information exploitable.
J'aime beaucoup Cliff Hardy et son regard compatissant sur les naufragés de la vie, son respect de la parole donnée, sa fidélité en amitié, un peu moins en amour. Contrairement à de nombreux confrères, Cliff ne boit pas et surtout ne fume plus. Ses enquêtes sont à cet égard un vibrant plaidoyer contre les méfaits de l'alcool et du tabac. Sans jouer les moralistes, sans juger, il raconte avec beaucoup de réalisme comment il résiste aux innombrables tentations dressées en travers de son chemin : un coup de gnôle pour se stimuler ou faire parler un témoin, une clope pour mieux réfléchir.
Mais surtout, je ne peux pas imaginer Cliff enquêter hors de son biotope australien originel, Sydney, avec lequel il fait corps. Des quartiers de Bondi, Brome, Glebe, Manly, Point Pier, Randwick jusqu'au cimetière Waverley où les morts alignés sur un promontoire regardent tous vers la Nouvelle-Zélande pour l'éternité, Cliff dresse une cartographie urbaine à l'irremplaçable goût du connu-vécu. Il raconte un mélange de quartiers chics et d'habitations pauvres, là où « dans le purin, l'on cache mieux la merde », là où stagne la fange de la ville à l'ombre de ceux qui font mine d'ignorer la misère. Il dévoile des murs noirs de crasse derrière les façades blanches ; des palmiers dépenaillés comme de vieux parapluies derrière des jardins élégants et bien arrosés.
Armé de son humour caustique, de son sens de la répartie et parfois d'un ou plusieurs revolvers, Cliff évolue dans le monde bien réel des vivants, dans toute leur diversité. L'épilogue est particulièrement original et savoureux : à l'initiative de la veuve, il se déroule tout naturellement sur un bateau voguant sur « la rivière » (la Parramatta) ; lieu idéal pour découvrir qui a été, de main de maître, mené(e ?) en bateau. Excellent moment de lecture !
« - J'espère que vous n'aurez pas à utiliser votre revolver, monsieur Hardy. Les revolvers font beaucoup de bruit.
- C'est exact, répliquai-je. Et le sang est rouge. »
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Cliff Hardy est un détective privé qui vit à Sydney, dans un petit logement décoré de plantes renommées pour leur capacité à survivre malgré l'absence de soins. Ses factures nécessitant un règlement rapide, il espère un client. En l'occurrence, il s'agit d'une cliente, une Lady âgée, veuve, qui sentant sa fin proche, lui confie la mission – bien rétribuée si résultats - de retrouver un hypothétique petit-fils dont elle ignore tout, ayant rompu sa relation avec sa fille unique.
Cliff part de zéro, l'existence de l'héritier n'est pas établie ; inconnue l'adresse de sa mère. Utilisant des bribes homéopathiques d'informations vieilles de trois décennies, le détective se lance dans une recherche à l'issue incertaine. Il fonctionne par réflexes, bondissant d'un détail à un autre sans rien calculer, espérant que les indices finiront par s'emboîter et le rapprocher du centre nerveux de l'histoire. De fragiles témoignages à recueillir lui font traverser l'Australie de Sydney à Canberra, à bord de sa vieille Falcon, aussi voyante qu'un clown à un enterrement. Faut-il toucher le fond de l'incompréhension avant que la clarté se fasse ?
Pourquoi Peter Corris ne bénéficie-t-il pas d'une plus grande notoriété en France ? That is the question. J'ai éprouvé un grand plaisir en lisant ce roman publié en 1982, traduit en 1989 par Rivages/noir sous la direction de François Guérif. Si le point de départ de l'intrigue – recherche d'un héritier avant le grand sommeil – est un classique des romans noirs, tout est dans l'art et la manière d'interpréter la partition. Et justement, l'art et la manière sont la spécialité de Peter Corris, surnommé par la presse américaine « Le Chandler australien ». Je nuance cette élogieuse comparaison car personnellement je trouve l'auteur beaucoup plus proche de John Ross MacDonald, dont le fiston Lew Archer partage de fortes similitudes avec Cliff Hardy. Tous deux ont un code moral irréprochable et portent des valeurs humanistes et progressistes. Ils ne jugent pas, sont respectueux des convictions de chacun, et aussi des femmes alors que Me too n'a pas encore entrepris le grand ménage. Dans le garçon merveilleux, Peter Corris évoque les mariages forcés et les enfants non désirés qui ont été en leur temps, l'une des premières causes de la misère humaine australienne. Le style élégamment percutant, le choix original des mots, la formule qui fait mouche donnent au personnage de Cliff Hardy son caractère, renforcé par l'auto-dérision et l'humour dont l'auteur a doté son héros. Dans le garçon merveilleux, une voiture «dérape dans un virage comme si quelqu'un avait abaissé un drapeau à damier » ; « nous nous embrassions comme si je devais partir au front le lendemain » ; «Il agite les bras comme un homme qui guide un avion pour l'atterrissage » ; «Elle l'observait comme si elle projetait de le faire empailler ». J'en passe et de bien meilleures...
Bref, un vrai régal de lecture. Un auteur que j'invite tous les amateurs de noir à découvrir.
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Le titre est éloquent. Cliff Hardy, toujours détective privé basé à Sydney est chargé par Paul Guthrie, un riche homme d'affaires, de retrouver « son » puis « ses » deux fils - plus exactement ceux de son épouse, nés d'un premier lit -, qu'il a adoptés et aime comme s'il les avait engendrés. La préoccupation de Cliff est pour l'heure de posséder une décapotable mais il ne connaît aucune femme susceptible de rouler à ses côtés, avec un foulard et des lunettes de soleil repoussées sur le haut de la tête... Choisi pour sa réputation de ne jamais lâcher prise et son honnêteté intellectuelle, Cliff accepte l'offre de l'homme nanti mais néanmoins sympathique, qui engage sa fortune pour obtenir des résultats et exige en contrepartie la plus complète attention du détective.
J'ai aimé rencontrer à nouveau Cliff Hardy, à qui je trouve, de plus en plus, une forte ressemblance avec Lew Archer, fiston littéraire de John Ross MacDonald. L'histoire est simple mais l'enquête est fouillée, méticuleuse. Chaque thème est approfondi et on découvre avec plaisir en décor, l'Australie, qui déjà en 1992, semblait bien plus progressiste que l'ancien continent confit dans ses combats d'arrière-garde. Aller se baigner sur une plage naturiste est décrit comme un acte naturel ; les relations humaines sont dénuées de jugements de valeurs sur le sexe, l'identité sexuelle ou l'appartenance sociale. Lorsque Cliff rencontre une jeune femme et noue avec elle une relation sexuelle, il n'y a ni machisme, ni domination de sa part, et pas davantage de sentimentalisme ou de niaiserie de la part de sa partenaire. Cliff et Helen sont adultes, intelligents, lucides et respectueux l'un de l'autre.
Pour ces raisons et bien d'autres, les romans de Peter Corris sont un refuge dans lequel je plonge lorsque les nouveautés littéraires, le nombrilisme, l'egocentrisme, les biographies des ayant-beaucoup-souffert épuisent mon enthousiasme !
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Un excellent polar dans la lignée des Chandler.
Le détective est suffisamment sombre, l'ambiance noire, l'intrigue intéressante et les plages australiennes sublimes pour se laisser captiver, un tres bon opus.
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Il ne suffit pas de placer dans le décor, un père riche, sa fille délurée et un détective taciturne avec un fort penchant pour l'alcool, pour espérer se hisser au niveau de Chandler.
Dans "Chair Blanche", les réminiscences sont évidentes dès le départ et je me suis d'abord, laissé prendre au jeu. Mais assez vite, la confusion des personnages était telle que je me suis lassé de revenir en arrière pour savoir qui était qui, et j'ai fini en roue libre cette histoire de disparition, de matchs de boxe truqués, de recherche d'identité...
D'abord, il faut dire que l'originalité supposée consistant à établir en Australie, le cadre des enquêtes, tombe un peu à l'eau. Nonobstant les aborigènes très présents (on a même droit à un boomerang), on peine à s'imaginer au pays de Skippy. (en tous cas, on est loin des cartes postales avec des surfeurs blonds et des poupées siliconées).
Ensuite, il y a ces personnages assez peu définis, la plupart interchangeables, qu'on abandonne à leur sort une fois l'énigme résolue. Le détective lui même emprunte à tellement de stéréotypes qu'il est assez difficile de s'y intéresser. Sa seule originalité réside dans le fait qu'il refuse de coucher avec une fille qui s'offre à lui (Il faut dire que lire qu' "elle avait le goût frais et salé de la mer pure par temps clair", est d'une telle lourdeur que ça ferait débander n'importe qui).
Et enfin, parlons-en du style, justement. Il m'a semblé au mieux, passable, très convenu, en dépit de fulgurances qu'on qualifiera de baroques pour être aimable : " Ceci me conduisait par allitération interposée aux bouquins..."
Non là, vraiment, sans moi.
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