Philippe Brunel - Laura Antonelli n'existe plus
Greg Lemond : "Au fond, Armstrong, c'est l'histoire d'un type sans conscience qui a triché toute sa vie, qui croit que tout le monde triche et qu'on ne peut y arriver qu'en trichant".
Une chaleur torride, africaine, pesait sur Rome.
Elle calcinait les pelouses, chauffait le bitume à blanc et vidait les rues. À certaines heures, l'ombre semblait immobile.
Il était inutile de ressasser, parce que la plupart des hommes meurent avec leur secret. La vérité, si elle existe, est incertaine, multiple, aléatoire, au mieux provisoire et souvent décevante.
Tué par une overdose de cocaïne et de déprime et par ce sentiment de honte et d'indignité dont il ne s'était jamais délivré.. Dans le flot des commentaires plus ou moins sommaires que ce drame engendra, il n'y eut pas grand monde pour le défendre. Ceux qui s'étaient montrés si prompts à louer sa grandeur quand il représentait une vraie force économique ne jugèrent pas utile d'assister à ses obsèques... Cette mort ne les concernait plus. Elle brassait trop d'interdits, de choses inavouables.
Tout s’était effacé comme sur une fresque couverte de moisissure et rien ne la sauverait désormais du néant, pas même sa performance d’actrice, encensée par la critique. Loin de la consoler, ces lauriers tardifs la désolaient de n’avoir été qu’une chanteuse populaire, la « Callas des variétés ». Une icône traquée par ses souvenirs. Des souvenirs enracinés comme du mauvais chiendent, pareils à ces buissons de ronces qui proliféraient jadis dans le parc déserté du Savoy.
Hormis les cigarettes qu’elle consumait l’une après l’autre, elle n’avait aucun besoin et passait la plupart de ses journées à lire, à aider ses prochains, dans l’oubli de ce monde du spectacle « artificiel et frivole » qui renvoyait, disait-elle, une image « dégradée » de la femme. D’ailleurs, elle avait jeté sa télévision, craignant de tomber à l’improviste sur une rediffusion de l’un de ces films, cette part légendaire, déshabillée d’elle-même, qu’elle rejetait.
Deux mois auparavant, Fabian Cancellara avait gagné le Tour des Flandres - le célèbre Ronde Van Vlandeeen - en distancant l'icône nationale, le belge Tom Boonen sur les pavés rugueux du Mur de Gammont, sans même se lever de la selle. Le soir, en visionnant la course, Boonen avait chronométré la montée du Grammont pour s'apercevoir qu'il ne l'avait jamais gravie aussi vite.
Longtemps j’ai cru que ma confusion m’empêchait de voir clairement les choses. Maintenant, je sais clairement que tout est confus, que les injustices, les malentendus, les trahisons participent à l’équilibre du monde et que le meilleur nous attend quand on croit toucher le fond.
Quand on prétend parler des autres, on s’appuie sur des faits, on s’en empare, on les interprète. Il entre alors, dans le récit, une part d’imaginaire et la vérité, si forte soit-elle, sonnera toujours faux. Ses amis, ses proches que j’ai rencontrés, plus avisés que je ne l’étais, l’auraient peut-être, je dis bien peut-être, restituée au naturel sans préjugés ni ratures, dans la force de ses rejets, de cette claustration obstinée que l’actrice s’infligea au couchant de sa vie, vingt-cinq années durant, dans l’abjection de ses démêlés judiciaires. Années souterraines, lacunaires, qui sait les plus sereines.
Moi, la seule chose que je n’avais pas mesurée, c’est l’emprise du moteur sur l’esprit, celui qui l’utilise une fois ne peut plus s’en passer, il devient dépendant… et il ne faut pas croire que le moteur est un substitut au dopage. Le coureur est obligé de prendre de l’EPO pour accompagner, amortir la force du moteur parce qu’il entraîne une grande consommation d’oxygène… Un moteur c’est quinze coups de pédale à la minute de plus que les autres… La pédalée s’accélère, la vitesse augmente, au début le cœur n’enregistre aucune perturbation puis le rythme cardiaque s’affole. Le moteur te lessive… Il faut être très entraîné pour soutenir le rythme, sous peine de se retrouver en situation anaérobique (au-delà du seuil de respiration) avec l’envie de mettre pied à terre… C’est évidemment plus facile pour les grimpeurs au gabarit léger, parce qu’ils offrent moins de résistance à l’air…