Cher Philippe Collin,
il est donc vrai que l’été, est propice aux flâneries. Cet instant de lenteur où l’on prend le temps. Ce dernier qui nous manque si souvent.
Alors, on est là, devant sa bibliothèque. On ressort cet ouvrage que l’on s’était promis de lire très vite. Et le temps…
« le voyage de Marcel Grob ». L’on pourrait, si la couverture n’était pas si explicite, à lire le titre, se laisser à penser à de folles aventures initiatiques d’un jeune boutonneux parcourant le monde, à la recherche d’un être aimé, d’un trésor caché, d’une terre à sauver et d’un happy end assuré… Mais dans ce voyage-là, d’aventures il n’y en a « guerre ».
Heureux, ceux qui sont nés par la suite. Heureux, ceux qui n’ont pas eu à choisir. Heureux, ceux qui ont l’âme en paix.
Vous tissez un portrait. Celui de votre grand-oncle, injuste parmi les injustes ! Enrôlé dans les forces allemandes, un « malgré-nous ».
Bien sûr, vous y allez à pas concentrés. Vous prenez des patins pour marcher sur le parquet de l’Histoire. C’est une période ambiguë. Personne n’est tout blanc, ni tout noir. Certains le sont un peu plus que d’autres, certes.
Vous nous emmenez dans l’intimité de la Waffen SS. On apprend les rudesses de la vie en compagnie d’élite. On sait, ici, que l’issue ne fait aucun doute. Mourir, c’est évident, mais quand et comment ? Seule incertitude.
Et puis, il y a Marzabotto, comme un coup de fouet. Comme une décharge électrique, comme une rafale de mitrailleuse qui transperce l’âme, le cœur. Comme un lance-flamme qui vous phagocyte ce qui vous restait d’insouciance, d’adolescence. Vous n’êtes plus celui qui est né et éduqué. Vous devenez celui qu’ils ont voulu créer. Comme un choix crucial et définitif que peu d’hommes ont dû à affronter : tuer ou être tué.
Ne jugeons pas, nous ne savons rien ! Rien, de la peur, de l’adrénaline, de l’alcool qui vous porte ou vous « déshonneur ». Des cris, des injonctions, des pleurs, des coups de canons. Des cris des enfants, des femmes et des mourants. Ne jugeons pas, nous ne savons rien ! Du silence qui suit l’horreur. Quand l’on redevient homme après la fureur. Ne jugeons pas, nous ne savons rien des corps, de l’odeur…
« Le vieil homme et la guerre ». Votre grand-oncle est rattrapé, dans votre récit par un juge. Moralement innocent, juridiquement coupable ? Toute la question de votre histoire et des dessins de Sébastien Goethals.
Il est donc vrai, cher Philippe Collin, que l’été est propice aux flâneries, mais pas en 1944, quand, en Alsace, on a…17 ans.
Sébastien Beaujault
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