La phrase éponyme fut la première phrase à jaillir lorsque les gens ont repris leurs esprits, en ce 22 novembre 1963, alors que le Président américain John Fitzgerald KENNEDY traversait Dallas (Texas) pour y prononcer un discours. Appréciant le beau temps et les bains de foule, il avait ordonné de décapoter la voiture et avait imposé ses conditions aux services de sécurité qui l’entouraient. Il sera assassiné d’une balle dans la tête, mais l'assassin présumé sera tué à son tour, laissant une Amérique sans réponse à ses interrogations.
« Trois coups. Du feu. La mort. La tragédie. Et bientôt, la phrase qui serait la plus prononcée à travers l’immense espace américain : The President has been shot. On a tiré sur le Président. »
Si, depuis cette date, notre monde a connu d’autres types de « ruptures historiques » comme les nomme l’auteur, celle-ci reste unique pour la raison suivante : « Dans le cas de Dallas, deux éléments dominent ces autres dates clés : cinquante ans plus tard, un doute plus ou moins raisonnable subsiste et la question : « qui a tué le Président et pourquoi ? » n’a cessé d’être posée, engendrant une culture, une industrie de la conspiration et du complot qui n’a cessé de se développer ».
A l’époque, Philippe LABRO était un jeune journaliste de 26 ans couvrant l’évènement pour France Soir. En 2013 il publie « On a tiré sur le Président » pour honorer le cinquantième anniversaire de cette mort. Il y raconte ce grand moment de sa vie journalistique : les coulisses de l’enquête qui a suivi, une atmosphère bouillonnante, les réactions à chaud de la population - qui ont d’ailleurs conduit au meurtre de l’assassin de JFK dans les locaux de la police, et sous les yeux médusés des médias de l’époque. Avec l’auteur, nous prenons la température de la ville, pénétrons certains milieux privilégiés et interrogeons des témoins ou intellectuels. C’est un récit enrichissant qui rappelle comment et pourquoi JFK a été un grand Président.
Il nous décrit l’ébullition, l’attente médiatique dans les couloirs de la police, les rebondissements de l’affaire. Il aborde aussi longuement les hypothèses que la police, le FBI, les journalistes, la commission Warren, mais aussi chaque citoyen américain a pu échafauder pour expliquer cet évènement inédit et brutal. Pour « combler les vides que la réalité propose » et expliquer l’inexplicable. Coïncidences, théories du complot, accusations, démentis, on replonge dans les jours qui ont suivi cette date funeste. Mais c’est avec le recul des années de réflexions que Philippe LABRO nous expose les faits, les interrogations et les thèses parfois romanesques qui ont suivi. Loin de relancer le débat sur les explications sensationnelles que l’on a pu vouloir trouver à cet acte, il revient simplement sur cette page de l’histoire en hommage à celui qui s’est avéré être un grand Président.
Il profite donc de l’exercice pour nous parler de l’Homme JFK comme de sa Présidence. Et si j’ai apprécié ces rappels historiques, j’ai également aimé les nombreuses références culturelles qui jalonnent son texte, toutes expliquées simplement et appelées à bon escient à titre d’illustration. Connaissant mal cette période, j’ai pris plaisir à en apprendre un peu plus par quelqu’un qui était sur place et ne cherche pas à affirmer son point de vue sur la vérité. Comme il le dit d’ailleurs, à l’ère de la totale transparence, si une vérité nouvelle et inébranlable avait dû voir le jour, ce serait déjà fait.
Avec lui, il faut donc « accepter qu’un acte de violence hasardeuse, commis par un obscur insatisfait, pouvait anéantir un Président des Etats Unis d’Amérique » même si « c’est admettre un monde chaotique, désordonné, ce que redoutaient tous les Américains de l’époque ».
« Personne n’accepte, en effet, qu’il y ait dans la vie « la tragédie sans la raison » (…). J’accepte la tragédie sans la raison. Je fais ce pari. A mes risques, mais sans grand péril. Si une autre vérité que celle-ci n’a pas surgit, c’est qu’il n’y en a pas. Ou alors s’il y en a une – je me serais trompé, ce n’est pas très grave - elle est tellement énorme qu’elle déstabiliserait et détruirait tellement la base du système démocratique américain qu’on l’a enfouie pour toujours – dans les tombes des dix mille protagonistes de cette histoire, ce roman, le plus grand roman américain. Dix mille tombes. Dix mille secrets. Dix mille mensonges. Aucune vérité, sauf celle de l’irrationnel. »
Lien :
http://onee-chan-a-lu.public..