En voyant les ablettes et les perches, Lucien roula des yeux ronds, puis il fit « pop ! pop ! » avec sa bouche. ... Et quand tout le monde fut à table, quand sa mamie apporta le plat de friture, Lucien le regarda et fit « pop ! pop ! » avec sa bouche. Il avait à peine deux ans ...
Nettoyer, laver, astiquer... ça se passait comme dans un rêve. Jamais sa tâche ne lui avait paru si légère, non pas qu'elle fut lourde ou pénible les autres jours — se crut-il obligé de justifier mentalement comme s'il avait été surveillé par sa propre conscience —, mais il exécutait son travail sans aucune peine, passait chiffons et serpillères sans la moindre espèce d'effort. Et lorsqu'il avait un escalier à descendre, il avait m'impression de flotter quelques centimètres au-dessus des marches.
Désormais, c'est une véritable bagarre entre le poisson et Lucien. Son père s'est
approché tout doucement. Il a bien vu que Lucien bataillait ; il l'a vu faire comme on le lui a appris : quand le brochet tire, il le laisse partir ; quand il lâche, il tourne le moulinet en baissant sa canne.
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Et tout tranquillement, finalement, il le rapproche de la berge.
À un moment, il voit le dos du poisson, gris, beau, fougueux. Il pense que c'est une sacrée belle bête. Puis le brochet replonge.
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Enfin, il faisait partie de la communauté !
Courneuve quitta le bureau, empli d'un sentiment mêlé, constitué de plénitude et de frustration. Il avait à attendre le lendemain et la journée commençait.