A Trabzon, ...Je suis attablé dans un bar du quartier...
La lumière maintenant tamisée rend l'écriture de plus en plus difficile.
...j'aime l'ambiance de ces lieux interlopes...
Il y défile une faune qui me change de mon environnement habituel.
Autour des ribaudes éclatent des rires avinés et grivois de farauds en foire et de faquins en fête à la recherche de leur Aphrodite.
Hemingway, Baudelaire, Toulouse-Lautrec et d'autres maîtres ont aimé ces concentrés de vie, de beauté et de laideur.
A mon grand désarroi, malgré leur exemple de brillants polissons, je ne me sens pas pour autant devenir ici un meilleur écrivain ou un peintre de talent .
Les enfants ont l'air heureux .
En Iran comme dans les pays que j'ai récemment traversés*, j'ai vu très peu de ces pleurs et caprices dus à l'apprentissage prématuré de la propriété.
A croire qu'en voyant les anciens se contenter de plaisirs simples de la vie, un thé et une discussion autour d'un feu, la contemplation des montagnes ou de la mer, les enfants devinent où se cache le bonheur.
J'ai basculé de la vie occidentale, gouvernée par le souci de posséder et de paraître, dans un pays où les habitants ont en dépit de leurs difficultés, la notion du bien-être.
* Pays traversés dont parle l'auteur : Croatie, Yougoslavie, Bulgarie, Turquie, Géorgie, Arménie,Iran.
Oublieux de la dictature iranienne et des horreurs de la guerre croisées sur mon chemin en ex- Yougoslavie et en Afghanistan, mais riche des souvenirs de rencontres merveilleuses, de la bonté de mes congénères, de ces extraordinaires gens ordinaires, je souris tout seul.
Je veux croire en la sagesse de l'homme, espérer encore et toujours en une fraternité à venir qui ne soit pas un mirage.
Malgré toute la douleur du monde , malgré les différences de nations et d'idéologies politiques, de peuples et d'ethnies, de religions, de langues et de cultures, finalement, au fond de nous-mêmes, là, sous notre chair, nous ne sommes pas aussi éloignés les uns des autres que certains ont intérêt à nous le laisser entendre.
Contrairement à ...Jean -Jacques Rousseau, promeneur délaissé et solitaire qui débutait ses " Rêveries " en écrivant :"Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, d'ami, de prochain, de société que moi-même ", je considère que marcher n'est pas qu'un chemin en soi.
C'est surtout un sentier vers autrui, vers mon semblable et cela me suffit pour me laisser en paix.
[...] je voyage simplement parce que les gens sont là.
J'aime mieux saisir le regard et la main d'autrui que pérégriner seulement dans ma tête.
Et aux " Rêveries" ,je préfère une seule phrase de Roland Barthes :" Qu'est-ce que voyager ? Rencontrer ."
De toute manière, dans ce pays où il n'y a pas de miroir, on n'est guère préoccupé par son apparence ni par le regard des autres. On est, tout simplement. Ces Afghans et ces Kirghizes aux visages poudreux, aux mains terreuses, m'ont aidé à revenir un temps à ce pourquoi l'homme a été biologiquement conçu : être. Être en paix avec l'univers et avec soi-même
Je sens que je garderai toujours de ce vénérable vieillard un souvenir exquis. L’amitié évanescente dans notre monde réel est plus belle lorsqu’elle prend un parfum d’éternité. La vraie durée d’une rencontre n’est pas celle qui se mesure à l’horloge mais celle qui persiste dans la mémoire grâce aux images que l’esprit en conserve
J’ai fermé la porte de chez moi en France, j’ai descendu les escaliers et j’ai marché jusqu’en Asie.
Pour quoi ? Pour quoi se lance-t-on dans un voyage de dix mille kilomètres à pied ? Quel degré d’originalité, quelle vanité, quel zeste de folie faut-il pour se lever un matin et se dire : j’irai jusqu’en Chine à pied !
À croire qu'en voyant les anciens se contenter des plaisir simples de la vie, un thé et une discussion autour d'un feu, la contemplation des montagnes ou de la mer, les enfants devinent où se cache le bonheur.
(...) et c'est ainsi que je poursuis du même pas ma progression et ma quête de tranquillité et de folie, de quiétude et de frénésie, de contentement et d'absolu.