Citations de Pierre Boulle (254)
Qu'est-ce qui caractérise une civilisation ? Est-ce l'exceptionnel génie ? Non ; c'est la vie de tous les jours…
Troisième partie, Chapitre IV.
De quoi est faite notre littérature ? De chefs-d'œuvre ? Là encore, non. Mais un livre original ayant été écrit — il n'y a guère plus d'un ou deux siècles — les hommes de lettres l'imitent, c'est-à-dire le recopient, de sorte que des centaines de milliers d'ouvrages sont publiés, traitant exactement des mêmes matières, avec des titres un peu différents et des combinaisons de phrases modifiées.
LA PLANÈTE DES SINGES : Troisième partie, Chapitre IV.
A présent prenez un homme, enlevez-lui ce qui le rend homme, ses vêtements, ses chaussures, sa montre, sa voiture et- pourquoi pas? - la parole. Que lui reste-t'il, s'il n'est pas Tarzan, qui est d'ailleurs plus singe qu'homme? rien.
« Il [un singe] était chez moi depuis des années et me servait fidèlement. Peu à peu, il a changé. Il s’est mis à sortir le soir, à assister à des réunions. Il a appris à parler. Il a refusé tout travail. Il y a un mois, il m’a ordonné de faire la cuisine et la vaisselle. [...] Une paresse cérébrale s’est emparée de nous [les hommes]. Plus de livres ; les romans policiers sont même devenus une fatigue intellectuelle trop grande. [...] Pendant ce temps, les singes méditent en silence. Leur cerveau se développe dans la réflexion solitaire… et ils parlent »
"- Et vous faites des expériences sur des hommes !
- Bien entendu. Le cerveau de l'homme comme toute son anatomie, est celui qui se rapproche le plus du nôtre. C'est une chance que la nature ait mis à notre disposition un animal sur lequel nous pouvons étudier notre propre corps. L'homme nous sert à bien d'autres recherches, que tu connaîtras peu à peu ... En ce moment même, nous exécutons une série extrêmement importantes.
- Et qui nécessite un matériel humain considérable.
- Considérable. Cela explique ces battues que nous faisons faire dans la jungle pour nous réapprovisionner. Ce sont malheureusement des gorilles qui les organisent et nous ne pouvons les empêcher de se livrer à leur divertissement favori, qui est le tir au fusil. Un grand nombre de sujets sont ainsi perdus pour la science."(p.110)
- Quel sort est plus pitoyable que la vie dans une cage ?
Je ne raconterai pas en détail les scènes qui se déroulèrent dans les cages pendant les semaines qui suivirent. Comme je l'avais deviné, les singes s'étaient mis en tête d'étudier le comportement amoureux des humains et ils apportaient à ce travail leur méthode habituelle, notant les moindres circonstances, s'ingéniant à provoquer les rapprochements, intervenant parfois avec leurs piques pour ramener à la raison un sujet récalcitrant.
Ce qui nous arrive était prévisible. Une paresse cérébrale s'est emparée de nous. Plus de livres ; les romans policiers sont même devenus une fatigue intellectuelle trop grande. Plus de jeux ; des réussites, à la rigueur. Même le cinéma enfantin ne nous tente plus. Pendant ce temps, les singes méditent en silence. Leur cerveau se développe dans la réflexion solitaire ... et ils parlent." (p.185)
Des hommes raisonnables ? Des hommes détenteurs de la sagesse ? Des hommes inspirés par l'esprit ?...Non ce n'est pas possible, là le conteur a passé la mesure.
Patrick méditait sur certains aspects bizarres de la vie politique, sans oublier de tendre l'oreille pour tenter de saisir quelques-uns des propos qui traversaient les cloisons ...
Pompeux, solennels, pédants, dépourvus d'originalité et de sens critique, acharnés à maintenir la tradition, aveugles et sourds à toute nouveauté, adorant les clichés et les formules toutes faites, [les orangs-outans] forment le substrat de toutes les académies. Doués d'une grande mémoire, ils apprennent énormément de matières par cœur, dans les livres. Ensuite, ils écrivent eux-mêmes d'autres livres où ils répètent ce qu'ils ont lu, ce qui leur attire de la considération de la part de leurs frères.
Elle sortit soudain de son rêve, fronça le sourcil et se dressa à demi. Un éclair insolite avait traversé le néant. Elle attendit quelques secondes et perçut un nouvel éclat, comme un rayon se reflétant sur un objet brillant. Le sens du cosmos, qu'elle avait acquis au cours de ses croisières, ne pouvait la décevoir. D'ailleurs, Jinn, alerté, fut de son avis, et il était inconcevable que Jinn fit une erreur en cette matière : un corps étincelant sous la lumière flottait dans l'espace, à une distance qu'ils ne pouvaient encore préciser. Jinn saisit des jumelles et les braqua sur l'objet mystérieux, tandis que Phyllis s’appuyait sur son épaule.
Vous voyez bien que l'esprit peut se perdre comme il peut s'acquérir.
J'étais haletant d'espoir, de plus en plus convaincu qu'elle commençait à reconnaître ma noble essence. Quand elle parla impérieusement à l'un des gorilles, j'eus la folie d'espérer que ma cage allait être ouverte, avec des excuses. Hélas ! il n'était pas question de cela ! Le gardien fouilla dans sa poche et en sortit un petit objet blanc, qu'il tendit à sa patronne. Celle-ci me le mit elle-même dans la main avec un charmant sourire.
C'était un morceau de sucre.
La science progresse, à petits pas, avec des essais audacieux, suivis de corrections.
Personne ne peut se défendre contre un soupçon mal défini, engendré par une vague analogie.
Je m'ingéniais à chercher un sens aux évènements dont j'avais été le témoin. J'avais besoin de ce travail intellectuel pour échapper au désespoir qui me guettait, pour me prouver que j'étais un homme, je veux dire un homme de la Terre, une créature raisonnable, habituée à découvrir une explication logique aux caprices en apparence miraculeux de la nature, et non une bête traquée par des singes évolués.
Nous roulions dans une rue assez large, bordée de trottoirs. J'examinai anxieusement les passants : c'étaient des singes. Je vis un commerçant, une sorte d'épicier, qui venait de relever le rideau de sa boutique et se retournait avec curiosité pour nous voir passer : c'était un singe. Je tentai de distinguer les passagers et le chauffeur des voitures automobiles qui nous dépassaient : ils étaient habillés à la mode de chez nous et c'étaient des singes.
Que des machines perfectionnées puissent nous succéder un jour, c'est, je m'en souviens, une idée très commune sur la Terre. Elle est courante non seulement parmi les poètes et les romanciers, mais dans toutes les classes de la société. C'est peut-être parce qu'elle est ainsi répandue, née spontanément dans l'imagination populaire, qu'elle irrite les esprits supérieurs. Peut être est-ce aussi pour cette raison qu'elle renferme une part de vérité. Une part seulement: les machines seront toujours des machines; le robot le plus perfectionné, toujours un robot.
Au secours ! ce sont eux, ce sont les singes ! Ils nous encerclent. Ils sont dirigés par d'énormes gorilles. Ils nous ont pris nos trompettes, nos tambours et nos uniformes ; nos armes aussi bien sûr... Non, ils n'ont pas d'armes. O cruelle humiliation, suprême injure ! voilà leur armée qui arrive et ils ne brandissent que des fouets !