Rebecca Elliott

Nous n'avons jamais des céréales de marque, seulement les marques des supermarchés, mais maman jure qu'elles proviennent exactement des mêmes usines, sauf que les premières sont conditionnées dans de jolies boîtes pour les gens riches et bêtes et les autres, dans de moins jolies boîtes pour les gens pauvres et intelligents.

Quand les gens font la liste des qualités qu'ils veulent chez leur copine ou leur copain, tout le monde met toujours "sens de l'humour".
- Peut-être, mais pour une fille, un garçon qui a le sens de l'humour, c'est un garçon qui la fait rire. Pour un garçon, c'est une fille qui rit à ses blagues.

- Euh, attends une seconde : être féministe, ça ne revient pas à détester les hommes et à refuser de porter du maquillage ?

Pour faire du stand-up, on doit affronter la possibilité d'une humiliation publique totale.

Je suis sérieuse, Hay. Ne laisse jamais un homme se mettre entre toi et le bonheur. Former un couple avec quelqu'un ne doit avoir qu'une seule conséquence : embellir ta vie. C'est la cerise sur le gâteau. Le plus important, c'est de réussir le gâteau. Si la cerise est mauvaise, tu peux toujours l'enlever et en trouver une autre, ou t'en passer.

Courte blague :
L'autre jour, pendant le dîner, mon petit frère a commencé à nous poser des questions sur la sexualité. Maman ne voulait pas lui répondre, alors j'ai mis les pieds dans le plat. Au moins, ça a efficacement détourné la conversation, même si on n'avait plus rien à manger...

Eh oui, chacun doit supporter l'horreur parentale qui lui est échue. Mais ce qui est injuste, c'est que les parents élèvent les enfants à leur façon, au moins : ils fixent les règles, ils programment notre enfance, ils choisissent nos vêtements, notre scolarité, nos valeurs morales, nous modèlent et nous façonnent pour qu'on devienne le genre d'enfants qu'ils veulent avoir, alors que nous n'avons strictement aucune influence sur le genre de parents que nous avons. On tombe au hasard entre les mains de personnes déjà achevées qui risquent de nous laisser des cicatrices à vie, de nous embarrasser au-delà de l'imaginable ou de prendre des décisions exécrables au sujet de trolls barbus. Et il n'y a absolument rien que l'on puisse faire.

Le jeudi est un jour bizarre, non ? Il n'a pas vraiment d'identité propre. Le vendredi a une ambiance de vendredi, et le week-end, eh bien, c'est le week-end ; le lundi et le mardi ont une atmosphère fraîche et neuve, de début de semaine, et le mercredi est le sommet de la colline, et quand on dépasse le mercredi tout s'accélère, on avance en roue libre jusqu'au week-end, sauf qu'il faut encore dépasser le jeudi, ce crétin vide et morne. Donc voilà, si je suis bizarre, ce doit être pour ça. Je suis perdue dans cet entre-deux qu'est le jeudi.

L'un des garçons tend le doigt vers moi et crie:
– Lesbienne!
Je me retourne vers eux, tends le doigt et cire:
– Hétéros!
Ils cessent de rire, perplexes. Satisfaite de ma réplique, je poursuis ma route.

Mais peut-être qu'on en passe toujours par un coeur brisé, un jour ou l'autre. Un peu comme on ne peut pas faire comprendre aux enfants que le feu brûle, parce que quoi qu'on dise, tant qu'ils n'ont pas senti à quel point il était chaud, ils auront envie de le toucher. On apprend par l'expérience, on doit sentir la flamme. C'est le seul moyen.

Aujourd'hui, il m'est venu à l'esprit que les rots sont pires que les pets. Nous savons tous d'où viennent les pets, donc il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils sentent mauvais. Mais les rots sortent pas là où on mange, on parle, on embrasse, on sourit. Au moins, un pet, c'est franc : il sait ce qu'il est et annonce tout de suite la couleur. Un pet a de la probité. Mais un rot, c'est un pet qui vient du visage. Et c'est vraiment répugnant.

Si vous êtes un mauvais chanteur (ou un mauvais magicien), les gens applaudiront tout de même à la fin de votre numéro, mais si vous racontez des blagues et que personne ne rit, aucun applaudissement ne pourra le compenser.

Car lorsqu'on trouve quelque chose de drôle dans ce monde si sérieux et plein de malheur et de méchanceté, c'est comme découvrir un diamant dans une grotte remplie de détritus : c'est précieux. Peut-être plus précieux que n'importe quoi d'autre.

La sixième, c'est comme les débuts d'une société dystopique : alors que nous sommes encore sous le choc du cataclysme qu'est la fin de l'école primaire, on nous lâche dans une communauté en huis clos, inconnue et brutale où nous sommes censés nous débrouiller tout seuls. Toute individualité est étouffée. Vêtus de l'uniforme imposé par le régime, nous nous hâtons de caser chacun dans une catégorie prédéfinie : les intellos, les clowns, les brutes, les cancres, les geeks, les princesses, etc. Nos vies passées sont oubliées, et dans ce nouvel univers où l'homme est un loup pour l'homme, nous devons trouver une place, et vite, sous peine d'être mis à l'écart et de nous retrouver désespérément seuls sur le terrain vague poussiéreux qui sert de stade.

Sauf qu'en fait, en dépit de mon apparence, je ne me sens pas grosse à l'intérieur. Les personnes ordinaires s'imaginent que les gros doivent se sentir différents d'eux, avoir un rapport au monde tout autre ; elles croient que tout ce que nous pensons et faisons est affecté par notre poids. Mais je me sens "normale", quoi que cela signifie. Je ne me sens pas lourde, pas plus que je n'ai l'impression d'être rembourrée. J'oublie même que je suis grosse jusqu'à ce que je passe devant un miroir ou qu'on m'insulte et que ça me revienne tout à coup, "Ah oui, c'est vrai, je suis grosse." Et pendant que j'y suis : je ne passe pas mes journées à manger. Je ne pense pas qu'à la bouffe. Je n'alterne pas entre des périodes où je dévore d'un seul coup un gâteau entier et d'autres où je m'affame.
Simplement, j'ai souvent faim. Et j'aime manger.
Manger beaucoup est normal pour moi. C'est mon quotidien.

Pour faire du stand up, on doit affronter la possibilité d'une humiliation publique totale. Voilà pourquoi je suis certaine que je n'aurai jamais le cran de passer à l'acte. Mais Léo, si. Et quand je le vois attraper courageusement le micro, j'ai l'impression que quelqu'un vient de me vider de tous mes organes internes et de les remplacer par une portée de chatons turbulents et bouillants, ce qui est carrément bizarre mais étrangement agréable...

Ne laisse jamais un homme se mettre entre toi et le bonheur. Former un couple avec quelqu'un ne doit avoir qu'une seule conséquence : embellir ta vie. C'est la cerise sur le gâteau. Le plus important, c'est de réussir le gâteau. Si la cerise est mauvaise, tu peux toujours l'enlever et en trouver une autre, ou t'en passer...

Si vous vous demandez pourquoi je ne me suis pas inscrite, sachez que, quoi que je fasse dans mes rêves, dans la vraie vie, je ne suis pas davantage capable de monter sur scène devant une salle pleine de monde que de faire manger une assiette de brocolis à Noah. Dans les deux cas, ça finirait avec moi effondrée sur le sol, humiliée, en pleurs, et bombarder de légumes...

cette histoire ne concerne pas mon poids. Donc si vous vous imaginez que ça va se terminer par une happy end où j'aurai une révélation et deviendrai une bombasse mince fan de yoga et de graines germées (c'est vraiment comestible, ça? ), laissez tomber tout de suite, mes chéris. Je suis comme ça. Avec mes gros seins. A prendre ou à laisser...