Quand on a goûté à l'Afrique, on y revient toujours.
Sylvio acheta une baguette et quelques tranches de jambon puis il remonta dans la petite chambre. Il pass l'après-midi allongé sur le lit, fumant cigarette sur cigarette, essayant de faire le point.
Plusieurs fois, il pensa qu'il était temps de s'occuper de lui-même. Il fallait qu'il renonce à cette lutte clandestine qui paraissait vaine. Dans le fond, il n'était même pas français. En uniforme, il n'avait jamais été qu'un mercernaire mal payé et il n'avait suivi son lieutenant que par attachement à sa personne.
Il allait avoir vingt-sept ans. Il lui était encore temps de se refaire une vie. Il regretta un instant de n'avoir pas marché dans la combine de Baldini. Il se la coulerait douce en Allemagne au lieu de se retrouver seul dans une ville inconnue.
La rage sourde le reprit. Il ne pouvait pas fuir encore une fois, comme sept ans auparavant devant Vegielle. Il en avait assez de fuir.
Le moustachu s'approcha de Sue. Il lui passa le bras autour des épaules et se pencha pour lui susurrer à l'oreille:
- C'est toi qui seras le sac.
La fille eut envie de rire, se retint pour ne pas le provoquer, lançant un regard vers son amie toujours entravée. Linda eut un signe de tête négatif.
- Comment je ferai le sac? demanda-t-elle alors qu'un vague pressentiment lui tordait brusquement l'estomac.
Le moustachu l'attira contre lui, presque câlin .
- Je t'ai dit... Ici, nous sommes dans une tannerie et maman en était la propriétaire avant d'être obligée de faire la pute pour gagner de quoi nous donner à bouffer.