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Critiques de Rob Williams (59)
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Justice League vs Suicide Squad

Pour cet été, Urban Comics lance une série de 10 comics pas chers, centrée sur des super-vilains, dont ce "Justice League vs Suicide Squad".



Cet arc est relativement récent puisqu'il a été publié en 2016-2017 aux Etats-Unis. Les différents chapitres provenant de plusieurs mensuels, on découvre logiquement plusieurs scénaristes et dessinateurs à l'œuvre. Au niveau des dessins, l'ensemble est plutôt de bonne facture, si ce n'est le chapitre 5, un cran en-dessous.



Au niveau du scénario, rien de très transcendant, le registre est celui du récit super-héroïque mainstream, sans originalité aucune. Les codes du genre sont respectés.



Personnellement, j'ai toujours un peu plus de mal à rentrer dans une histoire collégiale, mettant en scène une équipe de héros, par rapport à un récit mettant l'accent sur un personnage en particulier. Je trouve qu'il est loin d'être évident de produire un scénario de qualité tout en respectant l'identité de chaque personnage et en permettant à chacun d'être utile.



Ici, c'est correct mais sans plus. L'intérêt est surtout de présenter la Suicide Squad aux lecteurs néophytes, son principe (une équipe de super-vilains, contraints par Amanda Waller à bosser pour le gouvernement), les caractéristiques de ses membres et un background que l'on appréciera forcément plus si on a déjà une bonne connaissance de l'univers DC, surtout depuis 2011 (la période dites "Renaissance"). La découverte d'Amanda Waller et de son machiavélisme teinté d'un patriotisme qui ignore la morale est aussi digne d'intérêt.



Un récit qui parlera surtout aux fans de comics.









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Suicide Squad Rebirth

Achat récent grâce à l'offre de DC Comics. Je connais le personnage d'Harley Quinn et son histoire uniquement grâce au film. Le graphisme m'a bien plu au moment de l'achat.



Finalement, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'histoire surtout avec le changement de graphisme intempestif. J'avais fait un premier essai de lecture en septembre mais j'ai vite mis de côté. Je viens de refaire un essai mais du coup, je n'accroche pas plus que ça à l'histoire ni aux graphismes. J'ai l'impression de lire le script du film où les personnages du comics ressemblent étrangement aux acteurs... Mais j'ai déjà remarqué que je n'adhérais pas souvent aux comics liés à des films (comme Batman, X-Men ou Superman) ou que ça ne m'intéressait pas de découvrir leurs univers d'origine. C'est souvent plus sombre que ce qu'on trouve dans les films. du coup, je n'ai même pas lu 20 pages avant de l'abandonner, ce n'est pas pour moi.



Comme vous l'aurez compris, ce comics a été une déception pour ma part car je voulais découvrir Harley Quinn différemment mais je me suis trompée de comics. Dommage et tant pis pour moi. Si vous êtes amateur de comics liés à des films, je vous conseille de le découvrir pour vous en faire votre propre avis. Pour ma part, il sera revendu.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Hershey: Disease

Il y a un ordre des choses.

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D'une certaine manière, ce tome fait suite à Judge Dredd: The Small House (progs 2004 à 2006, 2100 à 2109 et 2134) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, car les responsables éditoriaux font le nécessaire pour synthétiser les éléments indispensables. Il regroupe les épisodes parus dans les progs (numéros) 2175 à 2182 et 2212 à 2219 du magazine hebdomadaire 2000 AD, initialement parus en 2020/2021, écrits par Rob Williamson, dessinés, encrés et mis en couleurs par Simon Frazer qui a également réalisé la couverture. En fin de tome se trouvent 5 pages d'études graphiques, et 3 autres couvertures du magazine.



Il y a quelque temps de cela, dans son appartement, Barbara Hershey se dépouille des attributs de sa fonction : ses épaulettes, son arme à feu Lawgiver, son badge, ses gants, son ceinturon, tout en contemplant la gélule contenant son médicament, posée sur sa table de nuit. Simplement revêtue de son uniforme de cuir, elle contemple tout le reste de son uniforme, y compris ses bottes, posé sur son lit. Elle contemple également son flacon de gélules. Un autre juge lui demande comment elle se sent : elle ne sait pas. Elle se souvient d'une dernière patrouille à moto en compagnie de Judge Dredd. Celui-ci lui indique qu'ils ont eu leurs différends, mais qu'elle a été l'un des meilleurs juges-en-chef, qu'elle a servi avec les mérites, et qu'elle peut en être fière. Sa vie aurait dû s'arrêter là. Mais elle a bénéficié d'un sursis qu'elle sait être d'une durée limitée : ses jours sont comptés car elle souffre d'une maladie agressive d'origine inconnue. Une fois libérée de sa charge, elle ne décide de ne pas prendre son traitement, et de se rendre dans la ville de moyenne importance de Comuna 137. Elle a décidé de consacrer les jours ou les semaines qu'il lui reste encore, à traquer les individus qui faisaient partie du réseau de Smiley, et qui disposent de la technologie permettant de manier l'énergie Enceladus.



Dans la ville de Comuna 137, l'information circule entre les juges : un juge en provenance de MegaCity One est en route pour les arrêter tous. Dans une rue de cette ville, Rijkaard sur sa moto attend le vol amenant Barbara Hershey. La petite navette commerciale dépose l'ancienne juge-en-cheffe sur la place centrale, le pilote lui demandant si elle est bien sûr de vouloir qu'il la laisse seule. Hershey progresse lentement dans la rue principale, suivie par un chien errant. Elle est surveillée par un tireur d'élite depuis un toit. Elle se fait interpeller par un juge qui lui demande son passeport. Elle remarque immédiatement les autres juges qui sortent d'embrasures, de fenêtres, l'arme à la main. Le chien aboie en guise d'avertissement. Elle dégaine et tire sur deux juges avec une arme, dans un unique mouvement. Le tireur d'élite la tient en joue et s'apprête à appuyer sur sa gâchette, mais une grenade tombe juste à côté de lui. Sur sa moto, l'ancien juge Rijkaard arrive devant Hershey, tout en canardant les juges sur place. Il lui intime de monter sur sa bécane et de tirer sur ses assaillants. Elle hésite car l'une d'elles semble très jeune. Son pilote l'abat sans aucune hésitation. Il met les gaz et la course-poursuite s'engage. La juge Asprilla vient examiner le cadavre, et elle constate que la juge De Andrade est encore vivante car elle portait un gilet pare-balle.



Au fil des numéros de 2000AD et de Judge Dredd Megazine, le juge le plus connu et le plus coriace est amené à en côtoyer d'autres à la durée de vie plus ou moins pérenne. Le personnage de Hershey a été créé en 1980, par John Wagner & Brian Bolland dans l'histoire Judge Child Saga , dans les progs 156 à 181. Joe Dredd l'a vue entrer à l'académie, en sortir diplômée, puis l'a vue monter dans les échelons de la hiérarchie, jusque à devenir juge-en-cheffe, puis devoir prendre sa retraite. Elle avait déjà eu droit à une série solo dans le Megazine de 1992 à 1997. Les deux pages d'introduction rappellent ces événements dans les grandes lignes, ainsi que sa condition actuelle : malade avec un temps limité à vivre. Dès la deuxième moitié de la quatrième page, l'intrigue démarre avec une première scène d'action : Hershey est attendue par des juges corrompus et son espérance de vie vient de chuter à quelques minutes. Le lecteur comprend vite que cette histoire est orientée action, sans temps mort. L'intrigue fonctionne sur la dynamique d'une double course-poursuite. D'un côté, les ex-juges Hershey et Rijkaard ont pour objectif de neutraliser le parrain de la pègre locale ; de l'autre côté, ils sont tous les deux les individus à abattre pour la pègre. Le premier récit qui constitue la moitié du tome correspond à la traque de Falcao, premier capo. La deuxième moitié raconte comment les deux ex-juges essayent d'atteindre le véritable chef, en s'infiltrant dans le milieu des combats de boxe.



Dès la cinquième page, le lecteur découvre les caractéristiques de la narration visuelle : elle est en phase avec le récit, visant avant tout l'efficacité et la dureté. Dans un premier temps, le lecteur éprouve même une sensation de dessins simplistes : silhouettes rapidement tracées et décors peu consistants. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte de ce qui provoque cette impression, car en fait la densité d'informations visuelles détourées à l'encre n'est pas si faible. L'artiste a opté pour une mise en couleurs donnant une impression monochromatique, avec une teinte différente par séquence. En réalité, il joue avec deux ou trois nuances de chacune de ces teintes pour ajouter un peu de relief, et dans certaines pages, il passe à deux ou trois couleurs différentes. Cela produit un effet qui a tendance à écraser les éléments détourés, à tous les mettre sur le même plan, provoquant ainsi une sensation d'uniformité, alors même que les dessins comprennent un bon niveau de détails. Dans le même temps, le lecteur ressent bien qu'il identifie facilement chaque personnage. Il voit bien que les deux personnages principaux ont les traits marqués par l'âge, et le corps également. De même le prêtre fait son âge. La juge De Andrade est plus jeune ce qui est visible dans son visage, mais aussi dans ses postures. Falcao dispose d'une carrure massive, ainsi que les différents boxeurs que Dirty Frank affronte dans la deuxième partie. Zagola, la compagne d'Edu le grand parrain a un corps superbe et le sourire d'une femme à qui rien de résiste. Par contraste, Juninho est plus tassé, plus gros, avec souvent un air de chien battu, une personne consciente qu'il a peu de chance de réchapper de cette histoire.



Le même phénomène de sensation d'arrière-plans peu consistants se produit, pour la même raison. En y prêtant attention, le lecteur constate là aussi que les dessins de l'artiste contiennent un bon niveau d'informations visuelles et que le lecteur voit bien chaque lieu dans lequel se déroule la scène et qu'il peut s'y projeter. Ainsi il se retrouve dans la chambre de Hershey. Il bénéficie d'une vue globale de Comuna 137. Il voit passer les motos à toute allure dans les rues de cette ville. Au fil des séquences, il se retrouve dans un minuscule appartement délabré, dans un beau salon luxueux, meublé avec goût, dans une église, dans l'escalier de service d'un immeuble, sur un ring de boxe de fortune à bord d'un yacht luxueux, sur un ring de boxe dans un immense stade, à la terrasse d'un café, etc. Il se rend également compte que Frazer a l'art la manière pour accentuer la vitesse des coups portés, la force de leur impact, la brutalité du choc. Le lecteur éprouve de la douleur en voyant le pauvre Rijkaard se faire défoncer sur un ring, par un professionnel plus jeune plus rapide, avec une meilleure technique. Il lit la souffrance physique sur les visages des uns et des autres. Il ne s'attend pas à voir Hershey elle-même allongée sur un lit, salement amochée : une histoire qui montre les séquelles et la douleur rémanente.



Au fur et à mesure de la progression des deux ex-juges, le lecteur n'a pas de doute qu'il avance dans une histoire classique, avec des héros qui triompheront à la fin. Pour autant, le scénariste sait apporter une véritable saveur à son récit. En effet, autant Barbara que Rijkaard ont un comportement teinté d'autodestruction. Ils n'hésitent pas à se mettre en danger, à se comporter de manière plus téméraire que courageuse. Il devient évident que l'un comme l'autre traversent une phase de mal-être profond. Leur motivation n'est pas de faire le bien ou même de rétablir l'ordre et la loi dans une ville de non-droit. Derrière se cache une réelle volonté de se punir, voire d'y laisser sa peau, pour des raisons différentes. En outre, la première partie est vraiment simple avec une progression jusqu'à la mort de l'ennemi. La seconde partie gagne en complexité. Hershey et Rijkaard se font aider par un caïd qui a décidé de retourner sa veste car il sait qu'il se fera bientôt éliminer par la jeune génération montante. Dans le même temps, il fait observer aux deux ex-juges que leur stratégie est vouée à faire empirer la situation : une fois le chef de la pègre éliminé, une guerre de succession va se déclencher encore plus meurtrière que l'état existant de corruption et de crime.



Il est possible que le lecteur découvre le personnage de Barbara Hershey avec ce tome. Le scénariste fait le nécessaire pour qu'il ne se sente pas perdu et il peut apprécier l'intrigue avec juste une vague notion du système des juges. La narration visuelle est déconcertante au début, puis toute son efficacité transparaît. Le lecteur familier de Hershey prend grand plaisir à voir comment elle compte mettre à profit ses derniers mois de vie, à compenser son erreur de jugement lorsqu'elle était juge-en-cheffe.
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Judge Dredd: Titan

Sacrifier les détenus ?

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Ce tome fait suite aux événements racontés dans Judge Dredd Day of Chaos qui sont résumés en début. Il regroupe cinq récits qui constituent une histoire continue, tous écrits par Rob Williams, dessinés et encrés par Henry Flint, avec l'aide de D'Israeli pour quelques cases dans le quatrième récit.



Titan, 47 pages, chapitres parus dans les numéros 1862 à 1869 de l'hebdomadaire 2000 AD, en 2014. Sur la colonie pénitentiaire de Titan, un des satellites de Saturne, un drame est survenu : il y a du sang sur les murs. À Mega-City One, les conséquences de la guerre du Chaos continuent de se faire sentir : en particulier le système de satellites gérant les conditions climatiques ne fonctionne toujours plus et il neige. En pleine patrouille, le juge Joe Dredd est convoqué dans le bureau de la juge-en-cheffe Barbara Hershey. Elle l'envoie en mission enquêter sur Titan, avec un commando de marines, Gerhart un juge de l'escadron spécial judiciaire, et McIntocsh un ancien détenu de Titan. Hershey lui avait expliqué que cela faisait six heures que les communications étaient interrompues avec Titan : Dredd avait suggéré de procéder à la détonation des charges implantées dans la colonie afin de mettre fin au problème de manière définitive. La juge-en-cheffe n'a aucune certitude qu'il s'agisse d'une révolte et envoie donc un commando enquêter sur place.



Fit, 6 pages, chapitre parus dans le numéro 1874 de l'hebdomadaire 2000 AD, en 2014. Dredd a sévèrement dérouillé sur Titan, et Hershey affecte Gerhart à ses basques pour une évaluation sur le terrain. Encelade, nouvelle vie, 30 pages, chapitres parus dans les numéros 1924 à 1928 de l'hebdomadaire 2000 AD, en 2015. Une partie des prisonniers de Titan avait trouvé refuge sur Encelade, une autre lune de Saturne. Le vaisseau avec lequel ils avaient fui de Titan a commencé une descente en approche de Mega-City One et il ne répond à aucune sommation de se faire connaître, de transmettre les codes attendus. Alors que Hershey hésite, Dredd décide de l'abattre en plein vol. Hershey envoie une patrouille enquêter sur le lieu du crash : elle exige de savoir combien de détenus étaient à bord, et s'il reste des survivants. Encelade, vie ancienne, 51 pages, chapitres parus dans les numéros 1940 à 1947 de l'hebdomadaire 2000 AD, en 2015. La bataille contre la glace fait rage devant les contreforts de Mega-City One, alors que le juge scientifique Sam enquête à la surface d'Encelade, et que la juge comptable Maitland est prise en chasse par une créature de glace. Melt, 12 pages, chapitres parus dans le numéro 1961 de l'hebdomadaire 2000 AD, en 2015. À Mega-City One, un enfant voit passer un groupe de quatre bonhommes de neige qui cambriole un magasin d'électroménager pour voler des réfrigérateurs.



John Wagner, scénariste des aventures de Judge Dredd depuis 1977, avait organisé et écrit l'histoire majeure de Chaos War qui laisse Mega-City One dans un état important de destruction, occasionnant la mort de 350 millions de citoyens, soit 87% de la population, réduisant d'autant le nombre de juges, affaiblissant leur mainmise sur le peuple. L'ensemble de ces cinq chapitres se déroule donc dans cet environnement où le gouvernement des juges manque de personnel : c'est la raison pour laquelle la juge-en-cheffe ne peut envoyer qu'un petit groupe de juges pour investiguer la situation sur Titan, avec la solution de repli qui consiste à détruire les installations en les faisant exploser, tuant ainsi tous les détenus, quelle que soit la longueur de leur peine. Dans la deuxième partie, la situation s'avère différente avec une menace directe présente à Mega-City One, et une mission en parallèle sur Encelade. Chacune de ses deux grandes histoires se termine avec un épilogue.



Rob Williams a commencé à écrire des récits de Judge Dredd en 2007 et le lecteur constate qu'il en maîtrise les conventions. La dureté et l'inflexibilité de Dredd : celui-ci a une conscience aigüe du manque de personnel chez les juges et il est partisan des solutions les plus radicales, comme tuer tous les détenus, ce qui évite une mission coûteuse en temps et en personnel. De même, il prend la décision d'abattre la navette en provenance d'Encelade, alors que la juge-en-cheffe hésite encore. Judge Dredd ne fait pas tout, tout seul : il intervient dans le cadre d'une police organisée, et les autres juges contribuent à la victoire, voire la décroche sans l'aide de Dredd. Enfin, le scénariste fait apparaître que ce juge a acquis des dizaines d'années d'expérience, que c'est un expert, mais encore un être humain qui encaisse avec résistance peu commune, mais pas sans séquelle. La dimension politique de la série : la juge-en-cheffe doit prendre des décisions pour le ben de l'ensemble de la population, pas seulement pour des individus, mais elle doit également s'assurer que la loi reste appliquée, que la justice ne se dégrade pas dans une forme encore plus expéditive. Enfin, il met à profit la richesse de cet univers, avec des juges de passages (le juge Sam), des juges semi-récurrents (la juge comptable Maitland), des personnages secondaires (Dirty Frank) et une continuité assez légère (la précédente révolte sur Titan). Le nouveau lecteur sent que le récit s'appuie sur des événements passés, sans que ça ne gâche son plaisir son plaisir de lecture. Le lecteur de longue date éprouve cette sensation de confort de se glisser dans un environnement familier.



Le fait que chaque chapitre soit illustré par le même artiste renforce la sensation de lire une histoire continue. Henry Flint a commencé à dessiner des histoires de Dredd en 1996, et il a lui aussi assimilé et fait siennes les conventions narratives visuelles de la série, sur la base de son dessinateur historique : Carlos Ezquerra (1947-2018). Le lecteur retrouve bien évidemment l'uniforme des juges avec les grosses bottes, les motos avec les pneus extra-larges (avec des chaînes lors d'une séquence dans la neige), ainsi que l'architecture caractéristique de Mega-City One, et les cases en trapèze. Le dessinateur utilise également des traits un petit peu irréguliers, un petit peu cassés pour les contours. Au vu de l'ampleur du récit, il doit représenter divers environnements, et des situations impressionnantes et spectaculaires. Tout commence par un dessin en pleine page montrant la colonie pénitentiaire de Titan, avec Saturne et ses anneaux dans le ciel en arrière-plan. Le lecteur sait bien que l'artiste utilise des éléments visuels SF préconçus de longue date dans la série. Les pages montrent un univers cohérent du point de vue de la technologie et suffisamment cohérent pour qu'il soit crédible sans augmentation de suspension consentie d'incrédulité. Pour ces séquences spatiales, le lecteur se retrouve effectivement à voir les bâtiments de la colonie, à réaliser une descente en chute libre au milieu du commando de marines, très impressionnantes du fait de cadavres flottant en orbite géostationnaire, à séjourner dans une cellule très spartiate. Plus tard, il progresse aux côtés d'Aimee Nixon à la surface du satellite Encelade, puis aux côtés de l'équipe avec le juge Sam pour effectuer le même parcours. Il descend dans les entrailles de Encelade, bien équipé. Puis il chevauche à moto aux côtés de Dredd sur les autoroutes urbaines, et se tient aux pieds des hautes murailles de de la mégalopole face à l'océan.



Le mode de narration de ces aventures se situe entre l'efficacité rapide des comics, et les planches plus posées des bandes dessinées franco-belges avec des explications plus marquées. Le lecteur plonge dans une intrigue dense, avec des dessins qui montrent régulièrement les personnages en train de parler, avec des expressions de visage parfois un peu appuyées, un langage corporel souvent dans l'action et l'agressivité ou la douleur, et des détails qui établissent les caractéristiques comme leur tenue ou les implants cybernétiques. Il remarque que Flint porte une attention particulière à Hershey avec ses yeux dilatés presque hystérique, et à Maitland pour son courage ingénu. De l'autre côté, les séquences d'action en mettent plein la vue : la descente vers Titan en chute libre, la torture inventive et sadique infligée à Dredd, le départ en catastrophe de Titan, la découverte de cannibales attablés à Mega-City One, l'exploration de la surface d'Encelade, l'arrivée en catastrophe du vaisseau en provenance de ce satellite dans l'espace aérien de Mega-City One, la glace qui gagne du terrain, etc.



Le lecteur se retrouve immergé dans cette histoire à un degré qu'il n'imaginait pas forcément : la mission impossible de faire face aux centaines de détenus dans l'installation pénitentiaire de Titan, la crainte que les tortures aient laissé des séquelles irréversibles qui portent atteinte aux performances de Dredd, l'attaque d'une entité de glace que rien ne semble pouvoir arrêter. La narration visuelle est parfaitement calibrée, mettant à profit la richesse visuelle de cet univers, et combinant la consistance narrative des bandes dessinées, avec l'efficacité des comics. Sans s'en rendre compte, le lecteur a pris parti pour les juges, malgré le caractère despotique de leur forme de gouvernement. Heureusement, la dernière histoire vient lui asséner un rappel sur la réalité du comportement des juges : aucune compassion, et pas d'empathie. Il faut grandir.
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Suicide Squad Rebirth

C'est (too much) drôle. La justice League est très bien dessinée. Nous avons là un bon travail du scénariste Rob Williams. C'est détaillé. Les dialogues sont à la fois dark/punchy. Par contre ça raconte guère plus que le film... Je qualifierais aussi le développement d'un peu bâclé. Théorie du cycle des criminels qui récidivent... Les dialogues sont un peu trop basiques. le côté "team" est sympa mais pas aussi introspectif qu'un héros solitaire... Les chapitres "profil" cassent un peu le rythme. Bon sur la durée. Comparé à l'ouvrage Batman de Sean Murphy critiqué juste avant, ça reste hyper superficiel.
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Thanos, là-haut, un dieu écoute

• « Thanos, là-haut, un dieu écoute » de Rob Williams, publié chez Marvel Panini.



• Les deux paragraphes masqués suivants sont ceux que je publie concernant cette collection depuis quelques temps, ouvrez-les sans crainte de spoil, je les masques simplement pour le confort des personnes qui connaissent déjà ces deux paragraphes depuis sept publications..







• Comment lancer une collection sur les anti-héros de l'univers Marvel sans parler de Thanos, le méchant emblématique du MCU (Marvel Cinematic Universe) qui a reçu une énorme coup de projecteur et gagné énormément en popularité ces dix dernières années. C'est certainement l'un des super-vilains les moins connus auparavant, moi-même qui connaissait quelques personnages obscurs de Marvel depuis l'enfance ne le connaissait pas. Une certaine fascination entoure cet extra-terrestre annonciateur de mort, surtout que le personnage dépeint dans les films et réputé être relativement différent de celui des comics.. ce que je peut confirmer à la suite de cette lecture.



• Ce comics est parfait pour découvrir le personnage, il regroupe plusieurs histoires qui explique beaucoup de choses concernant le personnage, son passé et ses ambitions profondes. Pour les néophytes, c'est clairement ce qu'il y a de mieux, explicatif, complet sans perdre ses lecteurs en route. L'introduction décrivant la genèse du personnage de Thanos et son impact sur l'univers Marvel est elle aussi très bien faîtes. S'ensuivent encore une fois, les recommandations à lire pour en connaître plus à son sujet, ou encore ses meilleurs histoires.



• Le premier récit nous étant présenté est pour mon le meilleur, tant il recèle toutes les qualités que j'en attendais,. On en apprends davantage sur le Thanos ayant inspiré celui du MCU, un Thanos plus sombre et plus complexe dans sa fascination morbide. C'est dans le cadre de son passé que nous transporte "L'Ascension de Thanos", de sa naissance à sa profonde jeunesse, puis en passant par son adolescence et sa maturation. Les dessins de Simone Bianchi sont époustouflants de beauté et de profondeur, le genre d'artiste que l'ont est bien heureux de voir à l'œuvre dans les comics ! La relation macabre entre le Titan Fou et sa dulcinée faucheuse est très intéressante à suivre, dans tout son déroulée. Les dernières pages sont très qualitatives et donne vraiment envie de continuer la découverte de cet anti-héros !



• La deuxième aventure du terrifiant colosse se penche sur ses tentatives pour contrôler le monde, notamment à l'aide des fameuses pierres de l'infinis ! Une aventure méta, où le Thanos du passé rencontre un Thanos du futur, celui-ci lui expliquant son parcours futur, et tentant également de découvrir les phases embrumées de son passé. Une bonne introduction, scénaristiquement facile mais on ne le reprochera pas étant donner la démarche initiale, qui évoque de nombreux personnages qui entourent le parcours du Titan, de nombreux événements et des éléments phares comme le gant de l'infini. Les dessins y sont franchement corrects, ils ne marqueront pas l'esprit mais remplisses le cahier des charges.



• C'est ensuite une histoire concernant un personnage très fortement lié à Thanos et qui est pour le coup totalement inconnu des personnes ne connaissant Marvel que par ses adaptations cinématographiques.. Thane, le fils de Thanos. Très intéressant à suivre, je ne le connaissais pas non plus, même si le peu que l'ont voit de sa personne semble assez classique, avec un schéma ressemblant à celui que l'on voit tout les jours.. un père diabolique, un fils qui refuse de lui ressembler et qui tente par tout les moyens de s'en émanciper.. On en apprend au final assez peu sur Thane, les projecteurs repartant rapidement sur l'anti-héros.. Les dessins régressent fortement au milieu du récit, ce qui fait un peu tâche en comparaison du début de celui-ci..



• La dernière aventure du Titan Fou est très courte, courte mais efficace. On nous montre encore une fois un Thanos cruel et sans pitié. Les dessins ont un style très sympathique, lunaire, qui change beaucoup du style des précédents artistes. "Là-haut, un Dieu écoute", c'est le nom de cette run qui donne son titre au comics, est excellente et montre un Thanos divin, impitoyable et destructeur..



• C'est surtout la première histoire qui m'aura marquée, le reste n'étant pas mauvais, loin de là, mais restant assez peu mémorable. Ce comics m'a clairement donner l'envie de connaître plus d'aventures concernant ce personnage. C'est d'un claquement de doigt que m'a vision du monde Marvel fut changée.
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Marvel Universe Hors Série n°10 Shadowland

Daredevil passé du « côté obscur de la Force », des méchants qu'on veut nous faire plaindre, de l'action sans scénario : cet énième hors-série d’une obscure, mais passionnante, revue de chez Panini, Marvel Universe, est censé nous éclairer sur une période noire de Hell's Kitchen. En effet, Daredevil impose sa loi par l'intermédiaire de l'organisation de la Main. Ce hors-série nous dévoile alors le rôle qu'ont à tenir certains héros du Bien ou du Mal (ou qui vacillent entre les deux) vis-à-vis de ce nouvel ordre établi.

Quel intérêt trouvé ici ? Très faible pour moi, car même si le principe est toujours intéressant quand on suit l'univers Marvel, il perd de sa constance ainsi balancé en quelques chapitres d'une revue annexe. Quand on ajoute à cela que les mini-scénarios ne m'ont pas franchement emballé pour justifier de relier chaque personnage à Daredevil et le mêler à cette lutte manichéenne, j'avoue que ce hors-série ne m'a pas séduit. Bien dommage car ce Shadowland mérite le détour dans son ensemble, mais pas à petite dose de piètre qualité comme ici.



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Old Haunts

Juste retour des choses

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Ce tome comprend une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle pas de seconde saison. Il regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020, coécrits par Rob Williams & Ollie Masters, dessinés et encrés par Laurence Campbell, et mis en couleurs par Lee Loughridge. Le tome se termine avec une postface d'une page et demie de Williams et une autre de la même longueur de Masters, les couvertures sans logo, et 3 pages de script avec les cases correspondantes.



Dans un coin désert en bordure de Los Angeles, trois hommes ont creusé une tombe, et ils commencent à jeter de la terre sur le cadavre qu'ils y ont déposé. L'un d'eux arrête les deux autres, leur faisant signe qu'il souhaite jeter deux pièces avec une face rayée, dans la tombe. Il pose les deux pièces, puis ils reprennent leur besogne, de recouvrir le cadavre afin qu'il ne puisse être retrouvé. Des années plus tard, le soir dans un bar, le grand costaud Primo retrouve petit Alex ; ils sont maintenant des cinquantenaires. Quelques instants plus tard, ils sont rejoints par Donny, le troisième homme qui se trouvait au pied de la tombe toutes ces décennies plutôt. Cela fait dix ans qu'ils ne se sont pas retrouvés ainsi tous les trois. Primo est même surpris que Donny se soit déplacé, car il aurait très bien pu signer les papiers et les envoyer. Ce soir, ils vont signer pour vendre leurs affaires, et pouvoir se retirer peinards. Ils finissent par sortir dehors pour se rendre à leur rendez-vous. Devant, Primo repère une voiture avec une conductrice qu'il connaît bien. Elle a encore sa flasque à sa main. Il tape sur le toit de la voiture, ce qui la réveille et lui dit que l'entrée du bar est libre. L'inspectrice Lopez aurait pu les rejoindre pour prendre un verre. Donny lui dit de la lâcher et Primo ne peut pas s'empêcher de lancer une dernière pique : que Lopez transmette leur bonjour à sa partenaire, si elle arrive à la retrouver.



Les trois hommes prennent le temps d'aller faire une pause sur la plage, en souvenir de Garcia. Primo est un peu remonté : il leur fait remarquer qu'il est obligé de lâcher toutes ses affaires juste parce que eux veulent se retirer des affaires. Donny lui fait observer que le deal a été construit comme ça : ils doivent se retirer tous les trois pour pouvoir vendre. Primo finit par reconnaître qu'ils ont fait de bonnes affaires dans cette ville. Donny acquiesce : ils s'en sont bien tirés, mieux que les pauvres hères qu'ils ont amenés jusque-là, tous ces cadavres qu'ils ont enterrés. Or justement, une étrange énergie semble parcourir tous les squelettes sous leurs pieds, alors qu'ils s'éloignent déjà. Une sorte de squelette mi-homme mi-vautour s'extirpe de la terre, avec des pièces rayées dans ses orbites vides. Il lève la tête vers le ciel, puis vers les lumières de la ville. Il se met en marche pour rallier la ville. Dans sa magnifique villa avec une grande baie vitrée donnant sur les lumières de la ville, petit Alex finit de nouer sa cravate devant son miroir. Sa femme lui fait observer tout ce qu'il accomplit, beaucoup plus que ce que son père n'a jamais réussi.



D'une certaine manière, la couverture et la scène d'introduction autour de la tombe disent tout de l'histoire : trois cinquantenaires qui ont régné sur une partie du crime organisé à Los Angeles passent la main à un repreneur au cours d'une soirée à haut risque, avec un spectre à leur trousse, un fantôme qui incarne littéralement les individus qu'ils ont tués pour en arriver là. Il y a une pauvre inspectrice de police dont la vie a visiblement été percutée par leurs exactions et qui trouve l'oubli dans l'alcool. Il y a un successeur qui utilise les mêmes méthodes qu'eux et qui semble à la fois bien installé dans la place, et à la fois pas entièrement maître de la situation qui peut encore basculer. Le lecteur relève une à une les conventions du genre : le spectre de la mort violente qui plane sur tout ce beau monde dont ils ont plus ou moins conscience, les discours d'homme dur et habitués à donner la mort en face, une forme lancinante d'amertume quant au temps qui passe, une impossibilité d'accepter la réalité des comportements et de les assumer, une contrainte de recourir à la violence encore et encore, sans jamais pouvoir s'en débarrasser. Les dessins montrent une réalité âpre, marquée par des zones d'ombre qui ne disparaissent jamais tout à fait, par des éclairages qui sont soit blafards, soit trop agressifs, des individus eux-mêmes agressifs qui doivent toujours se battre pour obtenir ce qu'ils veulent.



Au départ, le lecteur éprouve la sensation de se retrouver dans une histoire convenue avec un déroulement couru d'avance, et des créateurs qui maîtrisent à la perfection les codes du genre, étant presque eux aussi dans une sorte d'acceptation qu'ils n'ont d'autres choix que de raconter leur histoire comme ça, de se conformer aux figures de style imposées, inhérentes à ce genre. Ce n'est pas désagréable, car il s'agit de bons auteurs utilisant à bon escient ces éléments. D'une certaine manière, la scène d'ouverture est impeccable : cases de la largeur de la page, silhouette essentiellement en ombre chinoise, nuit étoilée, pelletée de terre jetée sur le lecteur qui est en vue subjective au fond du trou. Puis, un remarquable fondu enchaîné qui transforme les particules de terre terne, en particules de lumière avec l'ajout de la couleur, pour arriver sur les lumières de la ville : très belle transition purement visuelle. L'artiste va ainsi réussir d'autres rapprochements : les lumières de la ville qui se reflètent sur une grande baie vitrée donnant l'impression qu'elles troublent la vision de Primo, les lumières des phares avant des voitures dans le trafic qui provoquent un effet stroboscopique sur Donny, la grille des feux rouges arrière des véhicules qui deviennent un quadrillage de sang dans les artères de la mégapole, le rouge du sang qui finit par envahir toute la vision de Primo comme l'expression de sa fureur, etc. La complémentarité entre dessinateur et coloriste est remarquable, mais en même temps ces effets sont convenus, même s'ils sont parfaitement exécutés.



L'artiste représente les personnages avec une même sensibilité réaliste empreinte d'un sérieux, et d'une forme de fatalité. Le lecteur voit bel et bien des hommes âgés d'une cinquantaine d'années, avec un beau costume pour Donny et Alex, et une tenue plus décontractée pour Primo. Le lecteur voit bien également que la carrure physique de ce dernier est beaucoup plus massive, et plus musculeuse. Les mines des personnages sont souvent dures, parfois pensives, comme s'ils étaient perdus dans des souvenirs d'action qu'ils regrettent mais qu'ils ne pouvaient pas éviter. La tenue vestimentaire des autres personnages reste dans un registre normal et ordinaire, entre costume pour les hommes et vêtements plus sportifs pour l'inspectrice Lopez, sans oublier dessous chics pour la prostituée que se paye Donny. Le dessinateur utilise essentiellement des cases de la largeur de la page pour un effet cinématique. Il ne se contente pas de placer un personnage au milieu sans rien derrière. Il représente très régulièrement les décors : les gratte-ciels du centre-ville de Los Angeles, les bouteilles et les lumières du bar, un entrepôt, la chambre d'enfance de Primo, ou encore les rues de Los Angeles.



Les auteurs mettent en place une narration sous le signe l'inéluctabilité d'un destin implacable et le lecteur comprend dès le début qu'il s'agit d'une histoire qui ne peut pas bien se terminer. Le soin apporté aux personnages, aux décors, aux prises de vue factuelles sans effets de manche permet au lecteur de s'immerger dans ce polar réaliste. Il y a donc également cette composante surnaturelle présente dès le début, avec les pièces de monnaie rayées, placées sur les yeux d'un cadavre, puis avec le squelette composite homme-oiseau. Lorsque le surnaturel pointe le bout de son nez la fois suivante, c'est sous la forme d'un squelette humain dont Alex a la vision à côté de lui sur la banquette arrière. Il n'y a pas de réelle interaction, et le lecteur est amené à y voir la présence de toutes les personnes ayant trouvé la mort sur l'ordre du trio de malfrats, ou directement exécutées par l'un d'eux. Il est donc facile d'y voir une allégorie de leur culpabilité, trouvant son écho dans la forme de regret diffus qui les taraude à tour de rôle. Cette interprétation très littérale, très directe se trouve en phase avec les caractéristiques de la narration pragmatique. Mais Primo, Donny et Alex ne semblent pas tant que ça souffrir de culpabilité, ou même se sentir réellement coupables. Ils ont chacun leur schéma mental qui les absout : ce n'est pas leur choix que de se conduire ainsi, que de tuer, ça leur est imposé par les circonstances, et par le comportement idiot des autres qui voient bien qu'il ne faut pas les trahir, qu'il ne faut pas aller contre eux. Ces manifestations surnaturelles deviennent alors simplement l'existence de ces morts, et le passé et le mode de vie associé qui ont comme conséquence logique ce qui va arriver à ces trois hommes. Avec un point de vue moral, il est également possible d'y voir un syndrome de stress post traumatique qu'ils éprouvent à leur insu, le fait d'avoir mis fin à tant de vies humaines.



Un bon petit polar assez convenu, avec un trio de criminels bien installés dans la vie, ayant atteint la cinquantaine. La narration est professionnelle, bien exécutée, et soignée, que ce soit dans la construction dégraissée, ou dans les dessins réalistes et efficaces. L'ajout d'un élément surnaturel semble superflu au départ, car il est facile de voir ce qu'il incarne. Petit à petit, il est possible d'y lire autre chose, de moins immédiat, de plus psychologique qui renforce l'idée d'un destin inéluctable.
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Judge Dredd : Cold Wars

La pression des morts sur l'inconscient

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Ce tome regroupe 22 chapitres de Judge Dredd publiés dans le magazine hebdomadaire britannique 2000AD, dans les années 2016 à 2018. Ces histoires se déroulent après Judge Dredd: Days of Chaos et après Judge Dredd: Titan.



Get sin : progs (programmes) 2001 à 2003, écrits par Rob Williams, dessinés par Trevor Hairsine, Barry Kitson et Dylan Teague. Quelque part dans les montagnes de l'Oural, dans l'ancienne Sibérie, en territoire Sov, un groupe d'individus emmitouflés dans des capes avec capuchon avance à dos d'énormes élans. Des armes automatisées sortent de terre, mais sans tirer. Le groupe poursuit son chemin et arrive en bordure d'une faille, de l'autre côté de laquelle se trouve un château fort, accessible uniquement par une plateforme suspendue à un câble. Les sept voyageurs armés descendent de leur monture et prennent place sur la plateforme qui commence à monter. Dans la salle de contrôle du château, les soldats Sov sont conscients de la montée des intrus qui possèdent donc le code d'activation de la plateforme, et ils constatent que leurs caméras de surveillance ne transmettent plus d'image. Le responsable ordonne de couper le câble.



Bon, ce n'est pas John Wagner, le scénariste historique de la série, mais Rob Williams a déjà fait la preuve de sa capacité à avoir de bonnes idées, avec une sensibilité politique en phase avec le ton de la série. Ici, il propose une mission d'exfiltration à haut risque, dans un site imprenable dans un endroit reculé. Le lecteur prend grand plaisir à suivre chaque phase, avec la manière dont les juges font face à leurs ennemis, aux défenses de la place, tout en essayant d'anticiper leur objectif réel. Même si la narration visuelle est répartie sur 3 artistes différents, elle présente une unité satisfaisante : des dessins réalistes et descriptifs, avec un bon niveau de détails, et une plausibilité suffisante pour ce qui est montré, que ce soient les éléments de science-fiction, ou les situations d'action. Le lecteur s'implique donc dans cette mission à haut risque, en se demandant qui est le personnage qui reste encapuchonné pour que les Sovs ne puissent pas anticiper ses actions. Il retrouve les méthodes violentes des juges. L'objectif de la mission découle directement des événements survenus sur Titan et rappelle que les juges ne sont pas des gentils, qu'ils ne peuvent se satisfaire d'une autre issue que celle où ils imposent leur loi, et ils ne craignent pas de recourir à la force pour le faire. Judge Dredd fait preuve de son manque de compassion légendaire, heurtant l'empathie du lecteur comme à son habitude. Une mission rondement menée par des professionnels experts dans leur partie, pour un récit d'action, avec une composante morale pas si manichéenne que ça.



War Buds : progs 2045 à 2049, écrits par John Wagner et dessinés par Dan Cornwell. Judge Dredd rend visite au docteur Charlie Costa, interné dans un sanatorium privé. Il est entravé sur un fauteuil car il tente régulièrement d'attenter à sa vie. Il parle à Dredd, indiquant qu'il ne peut plus supporter le poids sur sa conscience que fait peser sa participation à la destruction de East-Meg One, lors de la guerre de l'Apocalypse. Après cet entretien, Dredd écoute le diagnostic du médecin qui préconise l'euthanasie. Il signe l'autorisation correspondante. Dans un bar, les autres vétérans ayant participé à cette mission discutent, l'un d'eux indiquant qu'il a rendu visite à Charles et a appris pour l'euthanasie. Ils décident de le faire évader.



Le lecteur familier de Mega-City One sait que le système social en place n'a que faire des citoyens non productifs, et que l'euthanasie est une solution facilement proposée. Un vétéran souffrant de syndrome de stress post traumatique, souhaitant se suicider : l'euthanasie est une solution évidente, rationnelle et efficace. Le scénariste réalise une course-poursuite au cours de laquelle Joe Dredd essaye d'arrêter les fuyards emmenant avec eux le vétéran suicidaire, vers une autre ville Texas-City. Le dessinateur effectue un très bon travail de narration visuelle, entièrement au service de l'histoire, gérant avec professionnalisme et compétence, les caractéristiques visuelles bien établies comme l'uniforme des juges, l'apparence des blocs d'immeubles, les motos et voitures, etc. Le lecteur se laisse emporter par le mouvement et l'action, même si dans un premier temps il peut s'interroger sur le besoin de ressortir une histoire aussi vieille que la guerre de l'Apocalypse, parue en 1982. Mais c'est mal connaître John Wagner qui oppose deux visions : celle de Dredd encore en service, et celle des vétérans ayant pris leur retraite. Elles sont incompatibles, mais aussi valides l'une que l'autre, enclenchant une réflexion malaisée chez le lecteur.



Black Snow : progs 2055 à 2060, écrits par Michael Carroll, dessinés par PJ Holden. Dans le nord de la Sibérie, dans une usine d'extraction de minerai, un responsable explique au délégué Maksim le principe : ils récupèrent des météorites envoyées depuis l'espace, pour le minerai d'iridium. Ils assistent à l'arrivée d'une météorite, puis rentrent dans les installations, pour se présenter au gouverneur Naryshkin. Il apparaît rapidement qu'il ne s'agit pas d'une délégation officielle, mais de pilleurs.



PJ Holden réalise lui aussi une mise en images un peu sale comme celle de Carlos Ezquerra, totalement au service de la narration, permettant de croire à cette installation industrielle perdue au milieu de la Sibérie, au confort très rudimentaire. Le lecteur peut donc se projeter dans cet environnement rude, croire dans la plausibilité de ces lieux, et l'agressivité des chiens quand ils sont lâchés. Il n'est pas dupe sur la manière dont le scénariste fait en sorte d'amener des juges de Mega-City One sur le sol Sov(iétique). Il sourit devant la mise en œuvre de la lenteur de l'administration, expliquée par un intérêt personnel très particulier. Il sourit également à la dimension primaire de l'opposition entre États-Unis et Union des Républiques Socialistes Soviétiques dans leur incarnation du futur. L'action est spectaculaire et procure un bon niveau de divertissement. La résolution amène des nuances dans les actes des uns et des autres, que ce soit l'intérêt réels du gouvernement des juges de Mega-City One à être intervenu en répondant à cet appel à l'aide, ou le positionnement idéologique de la juge Sov Zima, beaucoup moins manichéen que supposé.



Progs 2061 à 2064, écrits par Michael Carroll, dessinés par Colin MacNeil. La situation dans l'usine pour traiter le minerai a été résolue, et les juges de Mega-City One sont repartis dans leur navette. Mais elle a été abattue en plein vol au-dessus du territoire Sov. Les juges Dredd et Salada se retrouvent à pied à progresser dans la neige, Dredd avec le bras droit immobilisé en écharpe. Ils sont attaqués par un robot particulièrement tenace, puis par des pillards.



Il s'agit de la suite directe de l'histoire précédente : Dredd et la juge Salada se retrouvent sans aucune ressource en plein territoire sauvage Sov. Le scénariste établit un lien organique avec l'histoire de John Wagner présente dans ce tome, développant le thème de la culpabilité endossée par une personne responsable de la mort de 500 millions de citoyens soviétiques. Les dessins sont plus propres sur eux, avec des contours moins torturés, et des aplats de noir plus massifs. L'histoire se déroule suivant un schéma assez prévisible, tout en développant l'incroyable puissance psychique que peut occasionner la mort d'autant d'êtres humains. Le récit la met en scène avec des images littérales qui incarnent cette force, mettant le lecteur face à cette réalité qui dans le monde réel est moins matérielle, mais tout aussi prégnante dans la vie quotidienne de tout à chacun.



The shroud : progs 2065 à 2068, écrits par Michael Carroll, dessinés par Paul Davidson. Judge Dredd a été capturé par un mutant appelé Maul, à la tête d'une bande de d'esclavagistes. Ils récupèrent des fuyards et les obligent à pratiquer la pêche aux squidipèdes qui doivent être capturés vivants, des gros vers mutants mâtinés avec un insecte, vivants sous la glace. Dredd se retrouve à travailler à ces captures très dangereuses, avec Nuala une jeune femme qui sert d'appât, et Luka Shirokov, un criminel que Dredd a arrêté par le passé.



Le séjour forcé de Joe Dredd en territoire Sov se poursuit et il se retrouve à côtoyer une jeune citoyenne sans illusion quant à ce qui va leur arriver, et un repris de justice qu'il a envoyé dans un cube d'isolation par le passé. Le scénariste repasse en mode aventure, avec ces captures très impressionnantes de grosses bestioles répugnantes. Les dessins reviennent à des contours plus âpres, pour une narration claire et impressionnante, avec une bonne direction d'acteurs pour les scènes de dialogue, et une apparence massive et brutale pour le chef de gang. Comme dans les épisodes précédents, le scénariste sait entremêler discrètement une dimension sociale dans le récit montrant comment les individus sont le fruit de leur environnement social, et que leur liberté d'action est très relative, sans oublier Joe Dredd toujours aussi stoïque et pragmatique, sans oublier sa psychorigidité.



Ce tome apporte la preuve que les responsables éditoriaux du magazine 2000AD sont parvenus à trouver comment assurer la continuité de aventures de Judge Dredd, malgré le désengagement progressif de John Wagner prenant tout doucement sa retraite, et à également assurer la continuité visuelle de ses aventures. De prime abord, les histoires de ce recueil ne semblent avoir été mises ensemble que parce qu'elles se déroulent en territoire Sov. Petit à petit, il apparaît que l'histoire de John Wagner introduit le thème de ces récits : l'impact de la mort de cinq cents millions de citoyens.
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Suicide Squad Rebirth

Après les excellents Batman Rebirth, Wonder Woman Rebirth et le très sympathique Justice League Rebirth, voici la quatrième parution du mois de juin, avec Suicide Squad Rebirth.



J’avais plutôt aimé les quatre tomes qui étaient sortis dans les New-52, notamment la relation entre Harley Quinn et Deadshot. Je n’avais jamais lu de récits sur la Suicide Squad avant, donc je suis loin d’être un expert là-dedans. Aussi, ma comparaison sur la Suicide Squad Rebirth, ne se basera que sur ce que j’ai lu dans les New-52.



Lors des New-52 j’avais découvert une équipe déjantée, explosive, avec certains personnages plus profonds qu’ils n’y paraissaient de prime abord. Que se soit Harley Quinn, Boomerang, Deadshot ou encore King Shark, il y avait vraiment quelque chose derrière ces personnages, qui dégageaient un certain charisme.



Pour la Suicide Squad Rebirth, cela a été un peu plus compliqué car il y a eu plusieurs changement au sein de l’équipe. On retrouve Harley Quinn, Deadshot et Boomerang de la précédente équipe. El diablo, et King Shark ne sont visiblement plus de la partie. À la place ils ont été remplacés par Katana, Killer Croc et Enchateresse.

Il est donc clair que cette Suicide Squad Rebirth reprend les personnages du film parus l’an dernier (hormis El Diablo). C’est plutôt logique quand on y pense, mais il faut faire attention malgré tout. En général les films doivent être différents des comics, et s’inspirer d’eux, et non l’inverse. Après, je suis assez tolérant, donc je ne juge pas le comics sur le casting.



Ce qui m’a vraiment dérangé, c’est la construction de ce premier tome. Tout d’abord, cela commence avec le chapitre Harley Quinn and the Suicide Squad: April Fool’s Day#1 qui ne fait donc pas parti du DC Rebirth puisqu’il date d’avril 2016 alors que DC Univers Rebirth est sorti en mai 2016. À la limite, j’aurais plutôt vu ce chapitre dans la série Harley Quinn.



Une fois ce chapitre long, et peu intéressant, avec des dessins douteux terminé, on enchaine sur le chapitre Rebirth #1 qui pour une fois sert à quelque chose. En effet, celui-ci nous présente la reconstruction de la Suicide Squad avec une Amanda Waller très surprenante. Dans Suicide Squad New-52 elle était imbuvable et se la racontait un peu trop à mon gout. On avait même eu droit à certains chapitres nous la montrant sur le front en train de combattre en essayant de se dédouaner des choix difficiles qu’elle devait prendre.



Ici, changement radical du personnage. Elle est désormais une bureaucrate implacable, mais elle ne veut plus sacrifier les membres de son équipe. Par rapport à ce qu’elle faisait dans les New-52, elle est bien moins agressive, violente, et beaucoup plus intelligente. Son look à d’ailleurs totalement changé. Terminé la jeune trentenaire qui se balade en tenue moulante, à la place nous avons une femme avec de l’embonpoint, s’approchant de la quarantaine et s’habillant en jupe crayon. Si le changement est surprenant, il apporte une réelle valeur ajoutée, car le personnage est beaucoup plus crédible, et donc plus supportable.



Du coté de la Suicide Squad, Harley Quinn est toujours le personnage central, avec son humour et son coté explosif qu’on lui connait. Le seul hic est sa nouvelle coupe de cheveux que je n’aime pas vraiment. Deadshot quant à lui est totalement transparent, ce qui m’a vraiment surpris. Boomerang reste intéressant et Katana apporte un peu de nouveauté, mais pour le moment il n’y pas de vraie cohésion d’équipe. Un nouveau personnage très charismatique en la personne de Rick Flag apporte par contre un renouveau dans cette équipe, et promet de bonnes choses pour la suite.



Mais malgré tout cela, ce premier tome est très sympathique car il faut prendre en compte les soucis de parutions, car c’est bien ça le problème. L’autre jour, j’ai appris que le dessinateur n’arrivait pas à suivre le rythme de publication (2 chapitres par mois) et du coup, chaque chapitre est scindé en deux. On a donc la moitié du chapitre sur le premier arc, et la deuxième moitié sur les origines d’un personnage.

Donc, au final sur les quatre chapitres, on n’a que quatre demi-chapitres qui font vraiment avancer l’histoire. Mis bout à bout, cela ne représente que 2 chapitres pleins. Difficile donc de lancer quelque chose d’intéressant en si peu de pages. Là où les autres séries Rebirth proposaient un arc complet en cinq ou six chapitres, ce premier tome de Suicide Squad Rebirth propose un arc complet, mais en quatre demi chapitres seulement. Cela n’a donc pas le même impact.



Malgré tout j’ai passé un très bon moment de lecture, mais par rapport à Batman, Wonder Woman et Justice League, Suicide Squad a moins d’impact sur l’univers du DC Rebirth. J’espère que le tome 2 sera plus complet, ou bien qu’ils auront embauché un dessinateur capable de suivre le rythme car se serait dommage que la série pâtisse d’une mauvaise publication.


Lien : https://chezxander.wordpress..
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Star Wars - Jedi, tome 7 : Nomade

Après une trilogie d'un très haut niveau et trois album de moins bonne facture, voici le septième volume de la saga star wars jedi.



Il faut bien reconnaître que cette fois-ci, l'histoire d'un seul tenant fera très forte impression... à la condition impérative de ne pas avoir lu la quatrième de couverture ! Car sinon, bonjour la déception… Celle-ci révèle l'essentiel du volume, ruinant ainsi tout effet de surprise. Elle ne nécessite pas la lecture préalable des volumes précédents. Il s'agit d'une histoire isolée, n'influant pas directement sur le canon. Aucune figure connue ne fera d'apparition. Alors pourquoi s'arrêter là ?



Tout simplement parce qu'il s'agit d'une grande histoire, composée en quatre parties avec de belles surprises. Les sous-entendus sont ici suffisamment habiles pour perdre le lecteur le moins aguerri sur de fausses pistes. Et d'ailleurs mieux vaut se laisser porter par le fil.

Les quatre parties permettront de faire connaissance avec le personnage, le voir confronté à une quête, devenir progressivement plus humain avant de laisser la place à une confrontation au sabre laser...



Les dessins sont également de très bonne facture, nous amenant dans des mondes différents à chaque nouveau chapitre.



Cette pièce de collection, assez difficile à dénicher dans son édition originale mérite toute sa place dans une bibliothèque de fan de l’univers étendu.

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Justice League vs Suicide Squad

Les prisonniers de Black River son correctement présentés avec l'arrivée de la nouvelle venue : Killer Frost, qui est la plus mise en valeur des nombreux personnages du tome, nous offrant certains des twists les plus oufs! Amanda est prête à tout... Cela recrute dardar dans la Suicide Squad! Et les effets d'images en mouvements sont très réussis. Je mettrais moyen + au dessins et encore meilleur à la fin... Qui a la classe dans la Justice League? Flash! Qui est bien gaulée? Katana! De belles et nombreuses scènes de combats. Suspens, rebondissements. Le développement final est un peu lourd. Mais on aurait pas pu conclure autrement!...
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2000 AD Digest - Judge Dredd: Ghost Town

Ce tome regroupe 5 histoires distinctes et indépendantes, toutes en couleurs, initialement parues entre 2013 et 2015.



(1) Wasteland (30 pages, progs 1837 à 1841 de 2000 AD, John Wagner Dave Taylor) - En 2135, après les jours du Chaos à Mega-City One, les juges continuent de déblayer les quartiers de la cité qui ont été détruits, de retrouver les victimes, d'identifier les cadavres. Lors d'une intervention, Judge Dredd retrouve Beeny et lui demande pour quelle raison elle a souhaité être affectée à ce genre de mission. En plein milieu de Bandit Country (une zone dévastée de la mégapole), Onan Starbux observe le bloc (pâté d'immeubles) Valentino depuis son aéronef. Il explique à son fils pour quelle raison il souhaite l'acheter : lorsque la ville sera reconstruite, ce bloc sera une propriété de luxe. Alors que le propriétaire explique aux acheteurs potentiels tous les avantages d'investir dans le block Valentino, une demi-douzaine de surfeurs attaquent et s'en prennent au groupe.



Au début des années 2010, les responsables éditoriaux de 2000 AD décide que la série Judge Dredd doit subir un changement significatif pour lui redonner de l'élan. John Wagner, cocréateur du personnage et son scénariste de longue date, conçoit et écrit l'histoire en question : Judge Dredd Day of Chaos: Fourth Faction. Le lecteur retrouve donc Judge Dredd en train de patrouiller dans une ville pour partie détruite, luttant pour endiguer une situation où les opportunités criminelles dépassent les capacités de police des juges. Le scénariste raconte une enquête en bonne et due forme dans cet univers d'anticipation : un crime a été commis (une attaque sur des citoyens) et Judge Dredd remonte la piste pour retrouver les responsables, en interrogeant les suspects. Dave Taylor réalise des planches impeccables tout du long : descriptives pour que le lecteur puisse se projeter dans ce futur hyper urbanisé, en respectant les caractéristiques urbanistiques et architecturales définies au début de la série. Ses personnages sont tous distincts et incarnés, avec des morphologies différentes, des tenues vestimentaires conformes à l'uniforme des juges, diversifiées pour les civils. Les scènes d'action sont bien construites pour que la narration graphique ne perde pas son caractère plausible, tout en ayant un petit côté spectaculaire.



Le lecteur suit avec plaisir ce polar avec Judge Dredd toujours aussi efficace, et qui montre comment les affaires continuent, indépendamment du nombre d'habitants (plusieurs millions) ayant trouvé la mort pendant les jours du Chaos. Le lecteur peut aussi y voir un commentaire clair de John Wagner sur la folie de l'humanité. Alors que des portions de la planète sont irrémédiablement ravagées années après années, cela n'empêche pas les affaires de continuer, les êtres humains de se comporter comme ils l'ont toujours fait, après avoir à peine marqué un moment de pause pour se rendre compte d'une catastrophe, et repartir de plus belle dans leur consommation et leur course au profit. 5 étoiles.



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(2) Dead End (63 pages, Judge Dredd Megazine 343 à 349, scénario d'Alan Grant, dessins de Michael Dowling) - Judge Cassandra Anderson est en train de patrouiller la cité sur sa moto, et elle répond à un appel de Judge Dredd concernant le détournement d'un car scolaire. Elle réussit à le stopper, mais tous les enfants sont morts à l'intérieur, depuis trop longtemps pour qu'elle puisse extirper une image mentale de l'un d'eux. Elle va évacuer ses sentiments négatifs sur une élévation rocheuse de la ville et est tentée de se jeter dans le vide. Alors que son esprit ressasse des pensées négatives, elle est interpellée par un individu qui se fait appeler Lawless et qui la rappelle à la réalité. Un peu plus tard, elle accompagne Judge Dredd, cette fois-ci pour localiser une usine de récupération de composants électroniques qui emploie des enfants comme esclaves.



Une fois passée la période de rodage de Judge Dredd à la fin des années 1970, le personnage a trouvé la bonne équipe scénaristique : John Wagner & Alan Grant. À la fin des années 1980, le duo s'est séparé, John Wagner conservant Judge Dredd, et Alan Grant allant écrire des histoires mémorables de Batman, dessinées par Norm Breyfogle. Mais Alan Grant n'a pas abandonné 2000 AD et Mega-City One pour autant. Il a développé un autre juge, tout aussi mémorable, même si moins connu que Joseph Dredd, en particulier avec le dessinateur Arthur Ranson : Judge Anderson: Shamballa, et elle a également eu le droit à ses anthologies Casefiles. Dès le début de cette histoire, le lecteur retrouve l'ambiance très particulière des histoires de cette juge dotée de pouvoirs télépathiques : elle découvre des morts horribles vraisemblablement pas explicables par un processus naturel. Cela remet en cause son équilibre mental, la poussant à s'interroger sur ses certitudes. Michael Dowling n'est pas Arthur Ranson mais il a la même capacité à rendre compte de la fragilité apparente de Cassandra Anderson, à ajouter des textures qui laissent supposer que ce que voit le lecteur recèle des composantes qu'il ne peut pas imaginer, qu'il ne peut pas percevoir avec ses 5 sens.



Le lecteur suit la juge dans cette enquête où son intégrité psychique est mise à mal, où elle est confrontée aux pires comportements humains, à commencer par l'esclavage des enfants, mais aussi des meurtres sans rime ni raison commis par des gens sans histoire. L'ennemi semble insaisissable et avoir 3 coups d'avance, et Joe Dredd n'est pas d'un grand secours. Alan Grant n'a rien perdu de sa capacité à mettre son personnage face à l'irrationnalité de l'être humain dans ce qu'elle a de plus destructrice. 5 étoiles.



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(3) Ghost Town (24 pages, progs 1948 & 1949, scénario d'Ian Edginton, dessins de Dave Taylor) - Judge Dredd se trouve dans le bureau de la Juge en Cheffe et elle évoque une affaire de robots qui sont enlevés dans les rues des quartiers détruits. À la fin de la discussion, elle lui indique qu'elle le charge de tester la réinsertion de cadets ou de juges ayant été démis, pour accroître les forces de police. Judge Dredd pense que ce programme Ranger est une mauvaise idée.



Bien évidemment, la question se pose de savoir qui peut écrire des histoires de Judge Dredd aussi bien que John Wagner, pas seulement pour savoir qui prendra sa suite quand il sera à la retraite, mais aussi parce que les lecteurs souhaitent pouvoir lire plus de ses aventures, du fait de la popularité du personnage. Avec cette histoire courte, Ian Edginton fait la preuve qu'il sait utiliser à bon escient les caractéristiques du personnage, un policier inflexible, et entremêler une trame pour partie politique, pour partie sociale, comme dans les meilleures histoires de John Wagner. Dave Taylor est à nouveau très impressionnant dans sa capacité à donner de la consistance à Mega-City One, à faire vivre des personnages de manière plausible et incarnée, et doser avec pertinence le degré de spectaculaire dans les scènes d'action, pour ne pas donner dans la pyrotechnie, ce qui sortirait le lecteur de l'intrigue. Néanmoins par comparaison avec la première histoire, celle-ci est un cran en dessous. 4 étoiles.



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(4) The man comes around (11 pages, Judge Dredd Megazine 344, scénario de Rob Williams, dessins de R.M. Guéra) - Malgré les années qui passe, la fatigue, les blessures, jour après jour, Joe Dredd revêt sa tenue de Juge et accomplit son devoir. Ce jour : investir un block où se déroule une prise d'otages.



Rob Williams est un scénariste qui s'est fait la main sur Judge Dredd depuis plusieurs années. Avec cette histoire courte, il met en scène une version du personnage en tant que vétéran portant les marques des années à lutter contre le crime, et contre des criminels qui n'y vont pas avec le dos de la cuillère. R.M. Guéra est un peu moins descriptif que Dave Taylor et Michael Dowling, plus dans les textures et le ressenti, ce qui est en phase avec le scénario. L'intrigue en elle-même est moins ambitieuse que les précédentes. 3 étoiles.



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(5) 300 seconds (6 pages, prog 1922 de 2000 AD, scénario d'Ian Edginton, dessins de Simon Coleby) - La juge instructrice Lola explique à un groupe de nouvelles recrues que tous les jours (sauf mission l'en empêchant), Joseph Dredd fait la police à l'intersection d'un carrefour de la mégapole pendant 5 minutes, soit 300 secondes.



Histoire très courte de 6 pages pour Ian Edginton qui maîtrise à la fois le format, à la fois le personnage et ce qu'il incarne pour une nouvelle efficace et substantielle, la mise en images de Simon Coleby étant également efficace, mais un peu moins soignée que celle de ses collègues. 5 étoiles.



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Ce recueil de 5 histoires constitue une bonne occasion de faire connaissance avec Joseph Dredd et Cassandra Anderson, à la fois pour la qualité des scénarios et des dessins. Il donne aussi l'impression d'une possible occasion d'adieu à John Wagner pour Dredd et à Alan Grant pour Anderson, en croisant les doigts pour qu'il n'en soit rien.
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Chopper: Wandering Spirit

Ce tome comprend 4 histoires, toutes dessinées et mises en couleurs par Brendan McCarthy. Ces histoires sont initialement parues dans les magazines 2000 AD et Judge Dredd Megazine, entre 2010 et 2017. Il commence par une page d'introduction rappelant l'histoire personnelle de Chopper, voir les Judge Dredd Case Files 4, 9 et 11, ainsi que Chopper: Surf's Up. Brendan McCarthy est un artiste qui s'est fait remarquer dans 2000 AD par ses collaborations avec Peter Milligan : The Best of Milligan & McCarthy,Sooner or Later. Il a également réalisé une histoire très particulière de Spider-Man en hommage à Steve Ditko : Spider-Man: Fever (2009). L'aspect très personnel de ses pages lui a même valu une anthologie à son nom pour le personnage de Dredd : Judge Dredd: The Brendan McCarthy Collection.



Wandering spirit (progs 395 à 399, 50 pages, scénario de David Baillie) - Chopper (Marlon Shakespeare) a élu domicile dans l'outback australien. Il observe 3 surfeurs citadins imprudents s'élancer vers une zone de tempête radioactive. Il essaye de les prévenir du danger, mais ils l'ignorent ne voyant en lui qu'un pouilleux. Il s'élance pour les sauver, en pure perte et il s'écrase au sol. Il se réveille dans un lit de fortune dans un campement au milieu du désert. Devant lui se tient Wally, un vieil aborigène à la peau violette, trimbalant 2 boomerangs avec lui. Wally l'emmène voir sa planche de surf en train d'être réparée, puis il lui fait pratiquer le lancer de boomerang. Le soir, alors que le petit groupe de cette communauté est en train de manger à la nuit tombée autour d'un feu de camp, ils sont attaqués par un gang de mutants. Durant l'affrontement, survient la manifestation d'un esprit du temps du rêve.



La couverture semble incarner le terme psychédélique : qui évoque un état hallucinatoire provoqué par l'absorption de substances hallucinogène. Brendan McCarthy utilise avec largesse des couleurs acidulées, flashy, fluorescentes, à la fois pour les personnages et les décors, le récit se déroulant sous influence du Temps du rêve (Dreamtime) des aborigènes, et d'un autre phénomène. Le scénariste sait capturer l'essence du personnage : une sorte de néo baba cool, un rebelle qui a choisi de vivre à l'écart de la société aliénante des mégalopoles, qui pratique un sport (le surf des airs) au plus haut niveau professionnel, sans chercher à décrocher des médailles ou des titres. Il se retrouve impliqué dans une histoire d'entité maléfique qui souhaite détruire la race humaine. Petit à petit, le lecteur se rend compte que David Baillie ne se contente pas d'utiliser des connaissances superficielles sur les croyances aborigènes, dans un environnement de science-fiction sans réelle incidence. Au-delà de quelques lancers de boomerang, Wally explique à Brandon Shakespeare, la manière dont il conçoit le Temps du Rêve, la façon dont il peut interagir avec. De même, l'environnement de l'univers de Judge Dredd ne sert pas qu'à fournir des juges australiens. L'intrigue développe également une technologie de science-fiction se mêlant aux croyances aborigènes.



L'intrigue semble aussi avoir été conçue sur mesure pour l'artiste, et c'est vraisemblablement le cas. Brendan McCarthy peut s'en donner à cœur joie avec des couleurs vives, des motifs géométriques distordus, des monstres pas beaux, des chevelures en folie, des mandalas, un homme volant élégamment sur sa planche au milieu d'énergies volatiles. S'il est allergique à ce genre de rendu visuel, le lecteur se sera écarté de cet ouvrage rien qu'en apercevant de loin la couverture. Celui qui est venu chercher les idiosyncrasies de Brendan McCarthy est à la fête car l'artiste est pleinement impliqué dans chaque page. La volonté de s'inscrire dans un registre psychédélique ne supplante jamais la fonction narrative : il n'y a aucune difficulté à suivre l'histoire sur le plan visuel. Le scénario est fait sur mesure pour légitimer une telle débauche visuelle et elle fait sens que ce soit pour les énergies radioactives, la clarté implacable de cette région du globe (l'Australie), ou la manifestation des différentes formes de l'énergie psychique du Temps du Rêve.



Cette histoire n'est pas un simple prétexte pour servir d'écrin à l'artiste, mais bien un récit respectant la personnalité de Brandon Shakespeare et ses valeurs, une aventure haute en couleurs et en rebondissements inscrite dans l'univers de Judge Dredd, facilement accessible, avec une réflexion sur la vie spirituelle, l'héritage des anciens et l'interaction de la science avec le bon sens empirique.



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Doctor What (progs 1712 & 1713, 12 pages, scénario Al Ewing) - À Megacity One, le docteur Troughton Watt a décidé que le temps est venu pour lui de se faire euthanasier. Il confie sa souris domestique Susan à sa voisine madame Lambert. Sur le chemin vers l'institut, il s'arrête pour se soulager dans un WC public, et le voilà transporté dans le temps dans cette cabine violette. Il en profite pour changer le cours des événements en évitant l'apparition de dictateurs sanglants et de conflits meurtriers. Il est vite repéré par les juges et Judge Dredd va s'occuper de son cas.



Voyons voir : un individu qui voyage dans le temps à bord d'une cabine dont la forme évoque celle d'une cabine téléphonique anglaise du siècle dernier, mais dans une teinte rose ou violette, pas bleue comme le TARDIS, et un Docteur Quoi au lieu d'un Docteur Qui. Pas de doute, il s'agit d'un hommage appuyé à Doctor Who. Pas de Daleks, mais un individu qui a pris sur lui d'utiliser ses capacités extraordinaires pour réécrire l'histoire afin d'éviter les plus gros massacres de l'humanité. Bien sûr, les juges, en tant que garant de l'autorité établie, ne peuvent pas le laisser ainsi enfreindre la loi. À nouveau, il y a un véritable scénario : Judge Dredd devant trouver comment défaire un tel adversaire. L'hommage est respectueux et bien tourné, et Brendan McCarthy est à nouveau très à l'aise. Les voyages et le principe technologique mis en jeu se prêtent parfaitement à une visualisation psychédélique colorée et enjouée. Juge Dredd constitue un contraste saisissant avec le bon docteur et la narration visuelle est savoureuse, à nouveau pour les lecteurs qui ne sont pas allergiques aux couleurs vives.



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The walking Dredd (Judge Dredd Megazine 311, 10 pages, scénario Rob Williams) - Une nuit en Terre Maudite, Judge Dredd se fait mordre au cou par une zombie. Il n'arrive pas à sauver son collègue enseveli sous une meutre de zombie, et il doit se dépêcher de regagner la cité pour être soigné avant que le virus ne le transforme irrévocablement.



La trame du récit est très basique : Dredd est mordu et il doit foncer dans le tas pour regagner la ville et être soigné, pendant qu'un zombie reste en arrière et s'est accaparé la plaque de juge de Joe Dredd. Il commence à se faire respecter par les autres zombies. Le titre fait penser à un hommage à The Walking Dead de Robert Kirkman & Charlie Adlard, mais l'histoire reste dans le monde de Dredd. Plus que l'aspect psychédélique des dessins de McCarthy, c'est son sens du grotesque et de la farce macabre qui sont mis en avant. Difficile de ne pas sourire devant Dredd impassible chevauchant sa moto alors qu'il sent la transformation s'opérer en lui, ou devant ce zombie qui se met à faire la loi parmi ses pairs. Il ne s’agit pas d'une parodie à proprement parler, mais plutôt d'un second degré amusé qui n'empêche pas de prendre le récit au premier degré.



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Hoverods (progs 203 & 2034, 12 pages, scénario T.C. Eglington) - Le très influent citoyen Henric Hayne a fait jouer ses connexions pour que Judge Dredd s'occupe personnellement de la disparition de son fils Duane, et de 2 de ses véhicules de collection. En fait Duane a emprunté les 2 voitures de course de papa pour faire une course sur un terrain privé dans la Terre Maudite, géré par le mutant Sick Pete.



Contre son gré, Joe Dredd se retrouve affecté sur une simple histoire de kidnapping. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre ce qui s'est passé et pour s'élancer dans la Terre Maudite à la recherche du jeune homme gâté qui a piqué le jouet de papa. L'histoire est linéaire et simple : T.C. Eglington joue avec adresse de la naïveté de Duane, de l'absence totale d'humour de Judge Dredd et du caractère grotesque du mutant Sick Pete. À nouveau, le lecteur peut admirer la facilité avec laquelle Brendan McCarthy mêle narration claire, humour et grotesque pour un récit amusant et prenant.



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Ce recueil constitue un excellent moyen de découvrir les pages psychédéliques de Brendan McCarthy dans des histoires accessibles et bien construites, pas de simples prétextes. L'artiste a investi du temps dans chaque page, s'attachant avant tout à raconter chaque histoire qui a souvent été écrite en pensant aux idiosyncrasies de son art.
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Judge Dredd : End of Days

Les événements de ce tome prennent place après Judge Dredd: Day of Chaos. Il contient 3 histoires distinctes, ainsi que les couvertures réalisées par Steven Austin, Patrick Goddard, Neil Roberts, Richard Elson, Paul Williams, et les trois pages de script de la proposition initiale de l'histoire principale.



End of days, initialement sérialisé dans les numéros 2184 à 2195, et 2197 à 2199 du magazine 2000 AD, en 2020, écrit par Rob Williams, dessiné par Colin MacNeil & Heny Flint, avec une mise en couleurs de Chris Blythe. Un cavalier solitaire galope ventre à terre pour échapper à la poursuite de trois gros monstres pleins de dents. Ils approchent de l'enceinte de Mega-City One. Les juges postés en sentinelle commencent à faire tirer les canons après les sommations d'usage. Ils s'apprêtent à déclencher une nouvelle salve quand la psi-juge Cassandra Anderson fait irruption sur les fortifications et leur ordonne de ne pas tirer sur le cavalier. Ce dernier parvient à passer la porte de l'enceinte, et les juges continuent de tirer sur les créatures. Peu de temps après, Anderson va chercher Judge Dredd en train de faire régner l'ordre dans la rue. Elle l'informe que depuis une semaine les juges de la division Psi reçoivent des flashs précognitifs, des visions d'un cavalier. Celui-ci est détenu dans une cellule et il a demandé à parler au shérif. Dredd pénètre dans ladite cellule, accompagné d'Anderson. L'homme se présente : il s'appelle Ichabod Azrael, et il ouvre le gros sac de toile à ses pieds. Dedans se trouve une tête géante qu'il présente comme étant celle d'un ange. Ce dernier parle sans ouvrir la bouche : les quatre sont venus pour leur monde, ainsi se terminent tous leur espoirs. Dredd n'est pas plus impressionné que ça, ni par le cavalier, ni par l'ange, encore moins par sa déclaration. Au moment même où le cavalier a pénétré Mega-City One, la tempête a commencé à enfler et à croître. Une lame de fond a détruit une digue du port, et un ouragan a endommagé la station de contrôle du climat qui a chuté vers la Terre. C'est le signe du début de la fin des temps.



Petit à petit, Rob Williams s'installe comme un successeur crédible de John Wagner pour de nouvelles aventures de Joe Dredd, ce policier dans un futur dystopique, après une guerre nucléaire, avec une société dirigée de main de fer par un gouvernement constitué de policiers qui cumulent les rôles de maintien de l'ordre, de législateurs, de juges et appliquant la sentence par eux-mêmes immédiatement. Le début capture l'attention du lecteur avec l'arrivée de ce sombre cavalier, un personnage que le scénariste a déjà eu l'occasion d'écrire dans The Grievous Journey of Ichabod Azrael (And The Dead Left In His Wake), avec Dom Reardon, Antonio Fuso et Michael Dowling. L'heure de la fin du monde a sonné, et les quatre cavaliers de l'apocalypse ont débarqué sur Terre. Il appartient à une équipe réduite d'abattre ces cavaliers : Dredd, Anderson, Azrael et la tête d'ange, et quatre autres juges. Une fois qu'il a découvert le fond de l'intrigue, l'intérêt du lecteur redescend de plusieurs crans : 4 cavaliers lui évoquent forcément les 4 juges des ténèbres, souvent synonymes d'un scénario assez plat. Effectivement, l'équipe de Dredd se retrouve à se rendre d'un endroit à un autre sur le globe pour confronter chacun des quatre cavaliers Mort, Famine, Guerre et Conquête, séparément. Les affrontements ont du mal à se conclure, car il n'est pas si facile que ça de les tuer, voire impossible, et la destruction s'étend de manière irrévocable.



Ce sont deux vétérans de 2000 AD qui réalisent la narration visuelle. Le lecteur retrouve bien cet environnement si particulier qu'est Mega-City One et ce futur oppressant entre la surpopulation, et la présence inquiétante des juges. Il apprécie le soin apporté à leur uniforme, en particulier lors du passage en Arctique. Les dessinateurs s'amusent bien avec les monstres. Ils font preuve d'inventivité pour certains décors, par exemple les modalités de détention de Guerre, et pour certains personnages comme le visage si lisse et si grand de Buratino. Il y a plusieurs visuels mémorables : Juge Beeny consultant le synoptique informatique montrant les missiles nucléaires en préchauffage dans une grande salle de contrôle, le spot publicitaire pour les blocks à destination des familles en-dessous du seuil de pauvreté, le corps décharné des juges après avoir combattu Famine, l'attaque de l'ours Shako, la transformation de Dredd en l'un des cavaliers de l'apocalypse. La qualité de la narration visuelle s'avère donc satisfaisante, avec plusieurs passages mémorables. L'épure de MacNeil n'est pas toujours efficace, en revanche Flint se rapproche de l'esprit des dessins de Carlos Ezquerra tout en conservant sa personnalité pour des planches très sympathiques.



L'histoire principale de ce recueil parvient à emmener le lecteur à Mega-City One et ailleurs pour anéantir les quatre cavaliers de l'apocalypse. La structure de l'intrigue reste basique, un cavalier après l'autre avec un prix à payer en vie humaine à chaque fois. La narration visuelle est compétente avec des surprises régulières.



Carry the nine, initialement sérialisé dans les numéros 2200 à 2203 de 2000 AD, en 2020, coécrit par Rob Williams & Arthur Wyatt, dessiné et colorisé par Boo Cook. Judge Dredd est de retour dans les rues pour faire régner la loi et l'ordre. Les juges sont plus que jamais sollicités, et toujours en effectif insuffisant. Pendant ce temps-là, dans le Hall de Justice, la juge comptable en chef Maitland doit proposer un budget qui permette de dépenser l'argent au mieux, entre le maintien de l'ordre, la reconstruction, tout en diminuant d'autres postes comme la santé et l'éducation.



Après la destruction causée par la venue des quatre cavaliers de l'apocalypse vient le temps de la reconstruction, mais aussi de la planification avec un budget contraint. Les dessins contrastent avec ceux de la première partie. L'artiste n'hésite pas à utiliser des couleurs plus claires, avec plus de reflets, pour une apparence plus lumineuse, un peu moins sinistre. Il réalise des dessins parfois un peu moins denses qu'il nourrit avec les couleurs, en y ajoutant une petite touche amusée, sans nuire au caractère dramatique du récit. L'œil du lecteur est attiré par plus de visuels sortant de l'ordinaire : la digue détruite, les casseurs et émeutiers dans une case de la largeur de la page, la masse du Hall du Justice, l'assurance agressive des jeunes délinquants, le sérieux inquiet de la juge Maitland défendant son projet de budget, la vaste salle des juges épluchant les communications des autres juges pour une éventuelle censure ou détection de dissension, la trajectoire des balles à tête chercheuse.



De son côté, les coscénaristes ont concocté une courte fable politique, très bien troussée. Ils pointent du doigt l'une des conventions de la série, à savoir la répression avant tout. Ils mettent alors en scène une juge qui propose une politique sortant de l'ordinaire, en priorisant une autre action que la répression, pour des résultats assurés. C'est à la fois bien vu, une évidence iconoclaste, et une personne capable de réfléchir en sortant des sentiers battus, en s'appuyant sur des constats objectivés, en prenant conscience des œillères intellectuelles, en proposant du neuf pour éviter de répéter sempiternellement le même cycle. Du coup, le suspense s'installe car il est certain que le système en place ne peut pas tolérer une telle forme de déviance par rapport au dogme, un tel changement de paradigme. Excellent.



They shoot horses, don't they?, initialement sérialisé dans les numéros 2204 & 2205, en 2020, écrit par Rob Williams, dessiné par Dan Cornwell, mis en couleurs par Jim Boswell. Dredd sur sa moto et Anderson sur le cheval d'Ichabod Azrael avalent des kilomètres, à la poursuite des monstres qui pourchassait Azrael. Le cheval peut les sentir : ils ne sont plus très loin.



Deuxième histoire courte pour terminer ce tome. Rob Williams revient à de l'action linéaire : une chasse aux monstres qui aboutit à la rencontre avec des monstres bien plus terrifiants, c’est-à-dire des êtres humains. Dan Conwell se montre plus appliqué dans ses dessins : moins fluides que ceux de MacNeil et de Flint, avec moins d'automatismes, parfois même avec des inconsistances d'une page à l'autre dans l'apparence des personnages, mais malgré tout plusieurs visuels mémorables comme celui du puit avec les araignées. D’autre part, il est visible qu'il s'applique en intégrant un bon niveau de détails ce qui rend ces péripéties très concrètes. On peut compter sur la bêtise et l'avidité humaine pour aggraver une situation déjà dangereuse : il a fallu qu'un individu parvienne à se faire obéir des monstres pleins de dents qui poursuivaient Ichabod. Charge à Dredd et Anderson de les neutraliser. Fort heureusement, ils peuvent compter sur leur bêtise. Sympathique et vite oublié.
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Judge Dredd : The Small House

Ce tome contient une histoire complète qui nécessite une connaissance superficielle de Judge Dredd et des personnages secondaires pour pouvoir être pleinement appréciée. Il comprend les épisodes contenus dans les progs (numéros) 2004 à 2006, 2100 à 2109 et 2134, initialement parus en 2016 et 2018 dans l'hebdomadaire britannique 2000 AD, écrits par Rob Williams, dessinés et encrés par Henry Flint.



Sur la planète Enceladus, le juge Sam est tout seul sur la surface, dans son scaphandre spatial, à côté des restes d'une construction humaine, avec des cadavres d'extraterrestres à huit pattes autour de lui. Il a dû briser le lien qui unissait l'extraterrestre aux prisonniers et il craint que des spectres ne subsistent. Finalement un vaisseau spatial arrive et il est sauvé par les juges. Alors qu'il se trouve dans le service d'évaluation psychique du Grand Hall de Justice, il voit entrer Judge Dredd dans sa chambre. Celui-ci vient vérifier par lui-même que Judge Sa n'est pas revenu infesté. Judge Sam lui indique qu'il souhaite continuer à exercer la profession de Juge directement dans la rue. Quelques jours plus tard, Judge Sam est affecté à la surveillance d'un témoin clé détenu dans une cellule. Soudain, le corps du témoin se tord dans tous les sens et il finit mort. Judge Sam a beau passer en revue tous les enregistrements de surveillance, il n'y a aucun indice. Judge Dredd arrive sur place sans réussir à établir une conclusion, si ce n'est qu'il n'y a pas eu faute du juge Sam. En sortant, ce dernier, croise un étrange juge qui vient voir ce qui s'est passer, qui dispose d'une autorisation, mais qui ne fait pas partie des services habituels.



Sur son temps libre, Judge Sam continue de réfléchir à ce qui a bien pu se passer, et en particulier à s'interroger sur la possibilité d'existence de passages camouflés à l'intérieur même du Grand Hall de Justice. Un jour qu'il se retrouve affecté sur une mission à laquelle participe Judge Dredd, il s'ouvre à lui de ses soupçons. Il est assez convaincant pour que Dredd fasse en sorte qu'il soit réaffecté à la maintenance du bâtiment, car Sam dispose d'une spécialité d'architecte. Il finit par découvrir la possibilité d'un passage, un début de preuve tangible. Il contacte immédiatement Judge Dredd, mais il n'est pas disponible. Il s'engage dans ce passage qui ne correspond pas aux plans officiels. Il se heurte rapidement à 2 juges camouflés par un dispositif technologique. Ils lui sautent immédiatement dessus et le combat s'engage. En fait Judge Dredd se trouve sur les lieux et il a chaussé des lunettes de vision qui permettent de neutraliser les effets de camouflage. Il est accompagné de 3 autres juges pareillement appareillés. Malheureusement il n'est pas possible de capturer les 2 juges furtifs. L'étape suivante est claire : capturer vivant un juge furtif.



Rob Williams a commencé à écrire des histoires de Judge Dredd en 2007, et en écrit régulièrement depuis. Il a également écrit une excellente série pour Vertigo : Unfollow dessinée par Mike Dowling. Depuis plusieurs années, les responsables éditoriaux de 2000 AD affectent des scénaristes sur les histoires de Judge Dredd pour assurer la succession de John Wagner quand il prendra sa retraite définitive, scénariste historique du personnage depuis 1977. Il est indéniable que Rob Williams maîtrise l'univers de Judge Dredd. Avant toute chose, cette histoire est un thriller sur la base d'une enquête. Qui sont ces juges furtifs ? Comment restent-ils indétectables ? Comment opèrent-ils ? Quels sont leurs objectifs ? À quel point sont-ils infiltrés dans l'organisation officielle des juges de MegaCity -One ? Qui est leur chef ? Le lecteur suit donc les investigations de Judge Sam, sa relation fragile avec Judge Dredd, l'implication croissante de Dredd, l'apparition du meneur des juges furtifs, les confrontations à haut risque, car les juges furtifs ont l'avantage de la surprise et sont quasiment impossibles à capturer. Le récit est bien construit, comme un roman, avec un chapitre d'introduction pour faire connaissance avec Judge Sam et son histoire personnelle, et un épilogue doux amer reposant sur la personnalité de Joseph Dredd.



Henry Flint a commencé sa carrière de dessinateur en 1994, et a dessiné sa première histoire de Judge Dredd en 1996. En découvrant les premières pages, le lecteur est aux anges : Flint réussit à combiner la filiation avec les dessins de Carlos Ezquerra (artiste emblématique des aventures de Judge Dredd depuis sa création), avec une narration personnelle. Le lecteur retrouve les traits de détourage un peu irréguliers, comme s'ils étaient mal ébarbés qui donnent cette impression d'un monde dans lequel les environnements et les individus sont soumis à un quotidien et à des contraintes qui les usent, qui les minent jour après jour. L'artiste respecte scrupuleusement les caractéristiques graphiques de cet univers : la tête toujours masquée de Joseph Dredd, son grand menton marqué de rides, les épaulettes exagérées des Juges, les grosses motos avec leurs pneus très larges, l'architecture tout en hauteur de MegaCity-One, l'apparence de la juge en chef Hershey, de Klegg, de Dirty Frank, etc. En effet, Rob Williams s'appuie sur la continuité de la série, à la fois avec des personnages récurrents comme la juge en chef, à la fois avec une poignée de références à des histoires passées comme Apocalypse War (1982), voir Judge Dredd: Complete Case Files 05, ou encore le clone du War Marshal Kazan.



La qualité d'immersion du lecteur est donc générée par la fidélité aux caractéristiques visuelles de la série, à la filiation avec Carlos Ezquerra, ainsi que par les autres caractéristiques de la narration visuelle. Les prises de vue pour les personnages sont savamment étudiées de manière à toujours donner une position dominante à Judge Dredd, soit par les cadrages, soit par sa rapidité d'intervention et à toujours lui conserver un visage grave et fermé, sévère mais juste (enfin… juste dans la mesure où il s'en tient à la loi bien sûr). En face de lui, le jeu des acteurs reste dans un registre naturaliste, sauf lorsque les événements sortent de l'ordinaire : action, combat, horreur. Dans ces cas-là, Henry Flint adopte à sa propre sauce la propension qu'avait Carlos Ezquerra (1947-2018) à ajouter une touche d'exagération entre grotesque et expression de surprise quasi comique. Cela ne fait pas sortir le lecteur de l'histoire car artiste et scénariste sont parfaitement en phase. Les yeux un peu ronds de Judge Sam attestent de sa relative jeunesse, du fait qu'il n'est pas encore blasé, ce qui est en cohérence avec ses propos et ses réactions. L'allure grotesque de Klegg (une sorte de crocodile anthropomorphe gonflé aux stéroïdes) est en décalage total avec sa personnalité douce et gentille exprimée par les dialogues, pour un effet comique qui fonctionne parfaitement.



Henry Flint sait donner de la consistance aux différents environnements, permettant au lecteur de se projeter dans chaque lieu. Il sent l'inhospitalité de la planète Enceladus avec le froid du vide et l'absence d'atmosphère. Il peut prendre la dimension de la ville sans fin de Mega-City One et de son architecture toute en hauteur, entassant les individus les uns sur les autres, les concentrant dans une promiscuité pressante. Il parcourt les couloirs du Grand Hall de Justice à l'architecture intérieure froide, technologique et fonctionnelle. Il apprécie la vitesse à moto dans les rues, le seul moment donnant une impression de liberté. Il se sent confiné avec les passagers dans les minuscules navettes et autres véhicules. À part à 2 ou 3 occasions (un dialogue sur 2 ou 3 pages), Rob Williams a bien pris soin de penser sa narration en termes visuels, et Henry Flint conçoit des mises en scène vivantes. Le lecteur se retrouve ainsi complètement absorbé par l'intrigue, découvrant avec les juges ce contre quoi ils se confrontent, éprouvant les mêmes doutes que Dredd sur les liens que ces juges furtifs peuvent entretenir avec l'organisation officielle des juges. Il constate que Rob Williams écrit un vrai polar dans lequel les personnages se démènent contre les règles d'un système qui les contraint dans leur liberté d'action, la limitant, leur imposant des manières de faire. Progressivement, de manière presqu'imperceptible, le polar SF devient un révélateur des limites d'une vision absolue, d'un mode de fonctionnement parfait. La tête pensante derrière les juges furtifs est connue de Dredd, et il découvre petit à petit l'ampleur de ses machinations, les compromis et les sacrifices de civils pour arriver à ses fins. Mais en face, Judge Sam se rend compte que Judge Dredd lui-même n'est pas tout blanc et doit payer le prix nécessaire pour arriver à la victoire, y compris une forme d'arrangement avec la Loi. L'histoire acquiert encore plus de saveur du fait que Rob Williams sait écrire Joe Dredd comme un individu ayant vécu de nombreuses décennies, endurci par les épreuves, très conscient du coût en vies humaines, inéluctable, portant ce fardeau ainsi que le jugement de ses collègues qui n'ont pas l'expérience nécessaire pour anticiper ce prix.



Rob Williams & Henry Flint ont réalisé une excellente histoire de Judge Dredd, ayant sa place aux côtés des classiques de John Wagner & Carlos Ezquerra. Ils savent conserver la saveur et les caractéristiques du personnage, tout en insufflant leur propre personnalité et leurs propres idées, pour un polar rentre-dedans, spectaculaire, avec des individus crédibles et une réalité politique pétrie du principe de réalité.
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Ordinary

Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre. Il est initialement paru dans les numéros 340 à 345 du périodique Judge Dredd Megazine, en 2013. Le scénario est de Rob Williams, les dessins, l'encrage et la mise en couleurs de D'Israeli (de son vrai nom Matt Brooker). Ce tome s'ouvre avec une courte introduction (4 petits paragraphes) de Warren Ellis, rédigée en juin 2014, vantant le talent de l'artiste (avec qui il déjà collaboré pour une histoire courte Lazarus Churchyard) en progression constante, et l'angle de vue original du scénariste. Le tome se termine avec la série de couvertures alternatives réalisées par Edmind Bagwell, Ben Oliver, Laurence Campbell, Briang Ching & Michael Atiyeh, Brendan McCarthy, Neil Googe, Dom Reardom, Henry Flint, Alison Sampson & Ruth Redmond, James Harren, Ale Aragon, Mark Buckingham. Il y a enfin une postface de 4 pages rédigée par JV Chamary, un écrivain et un docteur en biologie.



Michael Fisher est un homme d'une trentaine d'années qui habite dans le quartier Queens à New York. Il est en train de rêver d'une scène romantique sur un lit avec Scarlett Johansson quand son téléphone le réveille en sonnant. C'est son chef, le propriétaire de l'entreprise de plomberie dont Michael est l'unique employé qui l'admoneste parce qu'il n'est pas au rendez-vous. Michael Fisher lui promet d'être là dans les 20 minutes qui suivent, en s'excusant profusément. En sortant, il se heurte à 2 malabars se faisant appeler Dum et D (évoquant TweedleDee et TweedleDum) qui lui rappellent qu'il doit $200 à un dénommé Haka qui se trouve aussi sur le chemin de Michael. Ce dernier promet tout ce qu'ils veulent et prend un taxi pour arriver plus vite dans l'appartement de madame Grayson qui est en train de raconter sa vie à Brian (le chef et collègue de Michael) qui commence à sentir ses neurones mourir un à un. Brian peut enfin aller s'occuper de la fuite de madame Grayson, pendant que Michael reste à l'écouter parler.



Il se produit alors quelque chose d'extraordinaire : madame Grayson rajeunit sous les yeux de Michael jusqu'à disparaître. Il se précipite dans la salle de bains pour raconter ça à Brian, mais celui-ci a été transformé en ours brun d'Amérique. Michael Fisher sort dans la rue et tout le monde a hérité d'un superpouvoir ou d'un autre. Il décide d'aller prendre un verre au bar, faute de savoir quoi faire. Brian (toujours sous sa forme d'ours vaguement anthropomorphe) l'y rejoint et lui conseille d'appeler sa femme Sarah (qui a divorcé de son inutile mari), puis d'aller chercher son fils Joshua dans son école.



Le lecteur peut avoir été attiré par ce récit pour plusieurs raisons : l'histoire, ou moins probablement les dessins. La préface de Warren Ellis (qui est un homme de goût) attire son attention sur la qualité de la narration visuelle. D'Israeli a vu sa carrière décoller grâce à sa collaboration avec le scénariste Ian Edginton pour une suite de La guerre des Mondes de HG Wells : Scarlet Traces. Il a également illustré des récits comme Stickleback et Kingdom of the Wicked. Ellis n'en a pas rajouté dans son introduction promotionnelle. En tout cas, l'imagination du dessinateur est fortement sollicitée pour imaginer ce monde peuplé exclusivement de superhéros, à l'exception de Michael Fisher. D'Israeli est à la hauteur pour représenter des individus dotés de pouvoirs extraordinaires, mais qui n'ont pas encore le temps (ou l'envie) de s'affubler d'un costume moulant aux couleurs criardes. Au fil des séquences, le lecteur contemple cet ours anthropomorphe, des individus capables de transformer tout ce qu'ils touchent en or, un géant un peu gêné aux entournures pour avancer dans les rues de la ville, 2 individus ayant gagné en masse musculaire et ayant fusionné l'un avec l'autre comme des siamois, un chauffeur de taxi en phase avec l'univers, un général d'armée avec une tête d'aigle, le vice-président avec des angelots lui murmurant aux oreilles, un petit garçon à moitié fantomatique, etc.



D'Israeli donne à voir tous ces individus soudainement dotés de capacités extraordinaires qu'ils ne maîtrisent d'aucune manière. Le lecteur sourit en voyant ces gens ordinaires ne sachant pas trop quoi faire de ces dons, voire dérivant sans contrôle dans le ciel du fait d'une soudaine capacité de vol autonome. Il ne transforme pas l'humanité en une foire aux monstres grotesque et terrifiante, mais en une suite d'individus désemparés, beaucoup tentant d'exorciser leur désarroi par des actes de violence. Le dessinateur délimite les contours avec des traits assez simples, aboutissant à des formes rapidement assimilables à la lecture. Il souligne le relief de chaque forme par le biais des couleurs, avec quelques variations de nuances, mais sans aller jusqu'à sculpter chaque centimètre carré de chaque surface. Il s'amuse avec des couleurs plus psychédéliques pour la page d'introduction montrant le rêve de Michael. Il choisit une approche naturaliste des couleurs pour la majeure partie des séquences. Il s'amuse avec une teinte dominante quand l'éclairage le justifie, par exemple le rouge pour le poste de commandement militaire souterrain du Pentagone, ou une couleur brun-gris pour les pièces de l'école de son fils Joshua, plongées dans la pénombre.



L'artiste adapte le niveau de détails de chaque case faisant passer la fluidité de la lecture avant tout, mais sans sacrifier les détails. Il crée ainsi plusieurs personnages mémorables, dont la maîtresse de Joshua, évoquant un hybride entre les aliens de HR Giger et les créatures marteaux anthropomorphes du film The Wall d'Alan Parker. En fonction des séquences, il peut sacrifier les arrière-plans au profit des personnages, ou bien décrire des environnements dans le détail, comme l'ameublement de l'appartement de madame Grayson, le bazar indescriptible devant le funiculaire menant à Roosevelt Island, la délirante comédie musicale qui se déroule dans l'esprit de Michael, ou encore le salon très banal du docteur MacDonald. Effectivement, D'Israeli est en verve pour trouver le juste équilibre entre une narration au premier degré respectant la part dramatique du récit, et la dimension loufoque de ce capharnaüm sans nom.



Pour Warren Ellis, le fond de l'intrigue est classique (un homme sans superpouvoir, dans un monde où tout le monde en dispose d'un), mais son traitement en fait une variation originale. Rob Williams est un scénariste confirmé, à la fois de séries indépendantes comme The Royals: Masters of War avec Simon Coleby ou Unfollow avec Mike Dowling, et de blockbusters de superhéros, par exemple Suicide Squad Rebirth avec Jim Lee & Philip Tan pour l'éditeur DC Comics. Le lecteur ne demande donc qu'à se laisser convaincre. Le début ne déçoit pas avec ce personnage principal, perdant dans les grandes largeurs, incapable de s'occuper de son fils, d'assumer sa paternité, divorcé, avec une calvitie précoce et de grosses lunettes, sans parler d'un emploi peu romantique (même si indispensable). Madame Grayson est irrésistible dans sa logorrhée verbale insupportable. Michael Fisher descend encore dans l'estime du lecteur quand sa seule idée face au chaos ambiant est d'aller s'en jeter un derrière la cravate. Rob Williams tape dans le mille avec le chauffeur de taxi dont le superpouvoir est de se sentir en harmonie avec tout l'univers, ou encore avec le président dont les pensées apparaissent au vu et au su de tout le monde, sous la forme de phylactères de pensée, une belle mise en abîme, ainsi qu'un anathème pour un homme politique.



Le lecteur se laisse volontiers distraire par la loufoquerie sous-jacente, et il se prend d'affection pour ce père raté, ayant besoin de se raccrocher à un être qui compte encore pour lui. Il éprouve un moment de tristesse à la vue du superpouvoir du fils, devenu à moitié fantôme, comme si cela matérialisait son ressenti face à l'attitude de son père. Mais Rob Williams s'entête dans la direction de la comédie dramatique, et du récit d'anticipation. Or il n'arrive pas à faire croire à la réalité de l'amour paternel de Michael Fisher, amour qui reste à l'état de ressort de l'intrigue, sans réussir à être l'expression honnête du caractère du personnage. En outre, l'intrigue repose sur la recherche d'un antidote à cette épidémie de superpouvoirs, entrecoupée d'affrontements physiques, rendus visuellement intéressants par les dessins de D'Israeli. Pour une raison incongrue, le rédacteur de la postface vient insister sur la plausibilité du mode de transmission de la supposée bactérie à l'origine de cette épidémie, ainsi que sur la solution pour la neutraliser. Le lecteur se pince un peu pour croire ce qu'il lit, à la fois inutile et contreproductif quant à la crédibilité du mécanisme biologique. D'ailleurs il ne paraît pas possible de rendre crédible une épidémie de superpouvoirs, avec des mutations instantanées défiant les possibilités métaboliques de l'humanité.



Arrivé à la fin de l'histoire, le lecteur est satisfait de la qualité graphique de la narration, l'artiste ayant beaucoup apporté pour nourrir cette intrigue. Par contre, il reste sur sa faim quant à la qualité de l'intrigue elle-même, avec un personnage principal qui reste falot, et dont les actions et réactions n'arrivent pas à dépasser les stéréotypes. 2 étoiles pour l'originalité de l'intrigue (malgré tout le respect que l'on peut avoir pour le jugement de Warren Ellis), et 5 étoiles pour les dessins.
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The Royals: Masters of War

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il comprend l'intégralité de la minisérie, soit les épisodes 1 à 6 initialement parus en 2014, écrits par Rob Williams, avec des dessins de Simon Coleby. Ce dernier a encré les épisodes 1 à 3. Gary Erskine a encré les épisodes 4 à 6. La mise en couleurs a été réalisée par JD Mettler (le responsable des couleurs de la série "Ex machina").



En 1940, la faille royale britannique se compose du Roi, de la Reine (alitée) et de leurs 3 enfants (tous adultes) : Arthur (un individu débauché), Henry (un jeune idéaliste) et Rose (une jeune femme encore innocente). Ils vivent une vie privilégiée, à l'abri des horreurs de la guerre, à laquelle ils ne souhaitent pas prendre part. Un soir Henry décide d'emmener Rose se rendre compte sur place de la situation à Londres. Henry transporte sa sœur en volant, car il dispose du superpouvoir de vol autonome. Elle dispose de capacités télépathiques. En découvrant la réalité des bombardements, Henry décide de prendre une part active au combat, mettant ses superpouvoirs au service de la nation.



Le lecteur blasé se dit que Rob Williams (le scénariste) n'a peur de rien. Il a choisi la seconde guerre mondiale comme période pour son récit, il parle de l'épreuve du combat en y mettant une famille royale et des superhéros, et il n'hésite pas à faire apparaître Winston Churchill et le général Eisenhower. Dans l'absolu, cela peut aboutir à un récit de genre sympathique et divertissant ; dans le contexte des comics, il doit affronter la comparaison avec les récits de guerre de Garth Ennis.



Williams consacre tout son premier épisode à installer la situation, présentant les personnages, les différentes factions, et cet étrange dispositif narratif qui associe les superpouvoirs au sang royal. Le lecteur comprend qu'il doit accorder une dose significative de suspension consentie d'incrédulité pour faire fi des aléas historiques dans les lignées royales, le pouvoir fluctuant d'une famille à une autre, voire étant accaparé par roturiers. Le principe de base est mis à mal par l'histoire chaotique des lignées royales souvent interrompues.



Néanmoins la structure du récit est cohérente et elle offre au scénariste la possibilité de commentaires ironiques et paradoxaux. D'une manière très littérale, la famille royale dispose du pouvoir temporel, mais aussi du pouvoir physique par le biais de ces superpouvoirs. Lorsque les anglais se rendent aux États-Unis, il n'y a pas d'individus possédant de superpouvoirs puisqu'il n'y a pas de royauté. Cela n'empêche pas les américains de créer leur propre équipe de superhéros, en recrutant des individus ordinaires qu'ils dotent d'armes d'anticipation. Williams n'y va pas avec le dos de la cuillère quant au destin des membres de cette équipe, sans pour autant faire du sous Garth Ennis.



Rapidement, le lecteur découvre également avec plaisir que le scénario n'est pas aussi prévisible que le premier épisode le laissait penser, et que Williams a plus d'un commentaire à faire sur le pouvoir, sa nature, et sa fonction. Le lecteur s'enfonce dans un récit bien noir, à la narration s'adressant à des adultes.



Les dessins renforcent cette tonalité noire, et cette narration adulte. Simon Coleby dessine d'une manière réaliste, sans être un obsédé du détail, sans surcharger ses cases. Ses personnages disposent de morphologie réaliste, de vêtements plausibles et adaptés. Coleby fait un effort visible sur les décors, à la fois pour leur authenticité, et pour leur régularité. Mettler utilise des couleurs assez sombres, tout en préservant une bonne lisibilité des dessins, et un contraste suffisant entre les différentes formes.



De par son thème principal (la guerre, dont l'horreur est accentuée par l'usage de force surhumaine), Coleby est amené à dessiner plusieurs scènes spectaculaires, et certaines comportant des éléments gore. Cet artiste sait régler son niveau de détail pour que le lecteur ne puisse pas passer rapidement sur ces moments éprouvants, sans tomber pour autant dans le voyeurisme. L'utilisation des superpouvoirs conduit également des moments spectaculaires, parfois dessinés sur une double page. Coleby sait aussi éviter les stéréotypes visuels des comics de superhéros, pour composer des images saisissantes dans l'ampleur et la violence de la destruction. Par contre il a parfois tendance à empiler les avions proches les uns des autres en plein vol, pour remplir la page, au détriment de la plausibilité de la formation de vol.



De chapitre en chapitre, le lecteur s'enfonce donc dans une intrigue violente, le surprenant à plusieurs reprises. Il découvre une mise en scène de la guerre qui ne cherche pas à rendre les conflits romantiques ou glorieux, encore moins à rendre les dirigeants sympathiques. Il est facile d'interpréter les personnages royaux comme une classe dirigeante se plaçant au-dessus de la masse laborieuse. Le choix de recourir à des familles royales permet d'éviter le cliché des hommes politiques tous pourris, pour donner une autre perspective sur le sujet.



En 6 épisodes, les auteurs réussissent à raconter une histoire très dense, dans une dystopie intrigante et savoureuse, pour une vision assez noire de la condition humaine, et des élites en particulier. Par contre leurs personnages manquent un peu d'épaisseur (faute de place pour les développer), ayant du mal à dépasser quelques stéréotypes, malgré un comportement adulte, ce qui coûte une étoile au récit.
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Justice League vs Suicide Squad

Volume 10 de l'opération "Comics à 4,99€" d'Urban comics : "Justice league vs Suicide squad", un récit complet.



L'histoire ? La suicide squad est "découverte" par la Justice League qui ne peut dès lors fermer les yeux sur l'existence de cette équipe de psychopathes.



Pis on rajoute un grand méchant encore un peu plus cinglé et on laisse mijoter ^^



Le dessin ? Très beau trait, agréable et lisible (heureusement car il y a du monde dans ce comics avec deux équipes bien nombreuse ^^).



Bref, un très bon tome pour un connaisseur qui veut découvrir une nouvelle série. Pour un "débutant"? Ça sera plus compliqué tellement il y a de référence à des éléments "classiques" de l'histoire de la JLA.



À voir selon votre connaissance de l'univers DC ^^
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Unfollow, tome 3 : Turn It Off

Ce tome fait suite à God is watchning (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Il s'agit du dernier tome de la série qui forme une histoire complète ; il faut donc avoir commencé par le premier. Celui-ci contient les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2017, écrits par Rob Williams. L'épisode 13 est dessiné et encré par Simon Gane, avec une mise en couleurs de Jordie Bellaire. L'épisode 1 est dessiné et encré par Javier Pulido, avec une mise en couleurs de Muntsa Vicente. Les épisodes 15 à 18 sont dessinés et encrés par Mike Dowling, avec une mise en couleurs de Quinton Winter.



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- Épisode 13 - Dans son enclave au milieu de la jungle (Yakushima) ayant accueilli de nombreux élus du programme de Larry Ferrell, Akira s'apprête à arrêter un avion de ligne à main nue, juste alors qu'il va s'écraser sur les constructions. 40 des héritiers potentiels meurent dans le crash dont Akira. Peu de temps après une appli arrive en ligne qui promet qu'Akira va s'adresser à toute la planète et révéler les secrets de la vie après la mort.



Le lecteur reconnait tout de suite les dessins de Simon Gane, artiste de la série They're not like us écrite par Eric Stephenson. Il détoure les formes avec des traits assez fins, vaguement irréguliers pour donner un peu de vie dans ces contours. Il intègre un haut niveau de détails dans ses descriptions, que ce soit pour les tenues vestimentaires, les bâtiments ou les visages. Il épate le lecteur en réussissant toutes les séquences, pourtant très variées et parfois très choquantes. Le lecteur se demande si Akira va vraiment pouvoir imposer sa volonté sur l'avion, en se tenant fermement campé sur ses 2 prothèses de jambe. Il assiste à une harangue très convaincante d'un groupe de rebelles par leur chef. Il voit les circonstances dans lesquelles Akira a perdu ses jambes sous le genou, dans une scène explicite, écœurante et réaliste, sans être sensationnaliste.



Comme à 2 reprises précédemment, Rob Williams explicite l'histoire personnelle d'un des personnages principaux. Celle d'Akira est particulièrement éclairante. Le lecteur pensait en savoir déjà beaucoup sur lui, ses talents d'écrivain, sa capacité à anticiper pour partie le futur, son charisme. Il en découvre bien plus sur cet artiste si particulier, sur ses convictions, sur ses motivations. À l'opposé d'un épisode bouche-trou, il s'agit d'une étude de caractère qui permet de comprendre le personnage, et ses convictions qui lui ont fait prendre des choix inattendus. Le lecteur est en droit de supposer que l'auteur s'est inspiré de Yukio Mishima, mais il ne s'est pas contenté d'un décalque appliqué. 5 étoiles.



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- Épisode 14 - Il y a plusieurs années, alors que Larry Farrell était déjà multimillionnaire, il travaillait à développer une stratégie pour apporter la paix dans le monde par le biais d'une application de réseau social. Après avoir lu son roman, il avait personnellement choisi Nathan Baer pour lui donner une interview exclusive sur ce projet. Mais il lui avait posé des lapins de rendez-vous en rendez-vous, laissant sa femme Bethany prendre l'écrivain en charge, à sa place.



Deuxième épisode consécutif consacré à un autre personnage principal de la série, le milliardaire qui a organisé cette expérience sociale grandeur nature en léguant sa fortune à 140 individus choisis au hasard par une application de type facebook. Les dessins changent complètement d'apparence, avec des traits lus appuyés, plus assurés, des contours plus nets et plus épurés. À l'évidence, Javier Pulido a été choisi pour montrer la vision du monde de Larry Farrell. Il conçoit les choses aisément sans s'embarrasser des détails inutiles, avec un personnage principal évoluant dans un monde propre et net, où chaque élément est à sa place et est significatif. Rob Williams construit le portrait d'un individu animé de bonnes intentions, souhaitant rapprocher les gens par une meilleure compréhension grâce aux réseaux sociaux. Dans le même temps, la vie réelle lui échappe, et ses outils informatiques lui permettant d'être connecté avec des centaines de personnes de par le monde n'ont en rien amélioré ses capacités de communication en face-à-face. Le lecteur prend beaucoup de plaisir à découvrir la naissance des motivations de Larry Ferrel, ce qui l'a poussé à organiser une expérience sociale aussi extraordinaire que celle de léguer sa fortune à 140 personnes choisies au hasard. 5 étoiles.



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- Épisodes 15 à 18 - Devon est revenue dans son quartier défavorisé de Castle Point à Saint Louis, sous les quolibets des gars du quartier. Dans une immense salle d'un entrepôt, Rubinstein (toujours porteur du masque d'Hermès fendu) observe une carte du monde, avec des photographies de survivants parmi les 140. Il reçoit un message sur son téléphone et la salle est investie par Deacon armé d'une arme automatique, secondé par David. Ils ouvrent le feu sur lui, alors qu'il essaye de s'enfuir à toute jambe. Il est intercepté par Courtney Redford, la fille à papa. Entretemps, il s'est développé un culte quasi religieux autour de la personnalité d'Akira et de ses sentences venues d'outre-tombe par le bais d'une appli. Mais l'un des techniciens de son église commence à vendre la mèche aux journalistes. Depuis un coin reculé dans la jungle, Larry Ferrel fait savoir aux membres encore en vie des 140 où il se trouve.



Rob Williamson avait commencé son récit sur la base d'une accroche très prometteuse, celle de cet héritage pour 140 personnes, avec la certitude du légataire qu'ils ne tarderaient pas à s'entretuer. Le lecteur avait vu le nombre des 140 diminuer très lentement, une unité à la fois. Il avait aussi fait connaissance avec des personnages hauts en couleurs, sortant à ce point de l'ordinaire qu'ils en devenaient des personnages de romans, plus que des individus plausibles dans la réalité. Il avait également dû accepter que certains des 140 voyaient des apparitions de divinités sous la forme d'animaux sauvages capables de parler. Enfin, il avait bien du mal à savoir comment il devait prendre Rubinstein et son masque, au premier degré, ou comme une manifestation métaphorique. Quoi qu'il en soit, il revient avec plaisir pour découvrir la fin du récit. Il se demande si Rob Williams a été prié de le finir rapidement faute de ventes suffisantes, ou s'il avait prévu cette durée de 18 épisodes. Il retrouve avec plaisir le dessinateur initial de la série.



Mike Dowling dessine également de manière réaliste, avec des traits de contours précis, sans être trop réguliers. Il ajoute de petits aplats de noir qui apportent un peu de rugosité, pour montrer que la réalité n'est pas aussi nette que quand elle est perçue par Larry Ferrell. Cette touche de noirceur présente en toute chose permet de donner du poids et de l'intensité aux affrontements et aux blessures qui en découlent. Cette façon de représenter les choses incite le lecteur à prendre les représentations au premier degré, y compris les nouvelles blessures de Rubinstein, ce qui semble faire beaucoup quand même. Les personnages ont tous une apparence distinctive, en cohérence avec leur personnalité et leurs actions. Les tenues vestimentaires sont spécifiques à chacun et adaptées à leur environnement et à leurs actions.



Le dessinateur sait donner de la consistance à chaque environnement qu'il s'agisse d'une pièce dans un bâtiment ou d'un milieu naturel. Il continue de représenter les animaux de manière naturaliste et crédible. Les visages des personnages sont expressifs, sans être exagérés ou appuyés. Les dialogues bénéficient d'une mise en scène permettant de voir où se trouve le personnage, sa posture, ce qu'il regarde, s'il fait des mouvements. Les affrontements sont secs, soudains et brutaux, sans volonté de les transformer en spectacle, en conservant l'horreur des blessures, et le caractère définitif de la mort. Le lecteur se retrouve impliqué aux cotés de ces individus qui se démènent pour survivre et pour essayer de reprendre le dessus sur les circonstances de la situation dans laquelle cet héritage potentiel les a plongés. La narration visuelle de Mike Dowling installe une tension et montre que le monde ne fait pas de cadeau aux personnages.



Bien sûr le lecteur veut connaître le dénouement de cette affaire d'héritage, qui empochera le magot et si Larry Farrel a encore des atouts dans sa manche. Il découvre avec plaisir que Rob Williams ne se contente pas d'un thriller un peu tordu et bien troussé sous forme d'une course à la survie. Le principe d'expérience sociale n'est pas oublié et les interventions post-mortem d'Akira et de Larry Ferrell mettent en lumière des comportements découlant directement des habitudes prises avec l'utilisation des réseaux sociaux construits à partir des technologies de l'information et de la communication. En particulier Larry Ferrell évoque l'impossibilité de démêler le vrai du faux dans un océan sans fin de flux d'information, le fait que les amis virtuels ne sont pas de même nature que les amis en face-à-face, et que la possibilité de communiquer avec tout le monde à l'échelle de la planète ne constitue pas une assurance que les gens s'entendront plus, au propre comme au figuré.



Derrière un point de départ un peu romanesque et des conflits physiques un peu trop basés sur l'action pour remplir les quotas, le lecteur a le plaisir de constater qu'il a lu une histoire avec une intrigue accrocheuse, et des réflexions sur l'outil qu'est un réseau social en ligne qui sonde effectivement la nature humaine avec un regard pénétrant.
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