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Citations de Robert Bréchon (46)


Avis sur la porte de la librairie

Que les délicats s'abstiennent de lire ce livre,
surtout les héros de la grossièreté domestique,
les nymphes viriles, les vestales de la pureté,
ceux qui avancent à petits-pas et à cloche-pied,
tenant leurs chastes mains l'une devant, l'autre derrière,
tandis que de la troisième ils empêchent de parler
ceux qui marchent sur leurs deux pieds sans avoir peur
des mots.

Et que l'évite celui qui ne connaît rien à l'amour,
quel qu'il soit : de l'amour charnel à celui
qui n'aspire qu'à lui-même, n'aspirant point
à une vile récompense, mais élevé et quasi éternel.
C'est d'amour et de poésie et d'avoir une patrie
qu'il est question ici : interdiction à la canaille de franchir
ce seuil sacré, gare à elle si elle ose
remplir de rats cet espace libre
où l'on se meurt avec une dignité humaine
de la douleur d'être né au Portugal
sans rien pouvoir faire que le porter tout au fond de son coeur.

Jorge de Sena
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LE POETE

Quand un homme se met à marcher
il laisse un peu de lui en chemin.
Il est entier au départ épars à l'arrivée
Le reste demeure toujours en chemin
quand un homme se met à marcher.

Il reste toujours en chemin un souvenir
il reste toujours en chemin un peu plus
de ce qu'il avait au départ ou lui reste à l'arrivée.
Il reste un homme qui ne revient jamais plus
quand un homme se met à marcher.

Manuel Alegre
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LES AMIS

Revenir là où
La verte explosion de la vague
L'écume le brouillard l'horizon la plage
Conservent intacte la fougueuse
Et ancienne jeunesse
Mais comment sans les amis
Sans le partage l'étreinte la communion
Respirer l'odeur d'algue des marées
Et cueillir l'étoile de mer dans ma main.

Sophia de Mello Breyner Andresen
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NAVIGATIONS [I]
de Sophia de Mello Brenner Andresen

Nous avons navigué vers l'Orient
La longue côte
Était d'un vert dense et somnolent

Un vert immobile sous aucun vent
Jusqu'au sable blanc comme des roses
D'une plage effleurée par les eaux transparentes

Alors ont surgi les îles lumineuses
D'un bleu si pur et si violent
Qu'il excédait l'éclat du firmament
Navigué par des grues miraculeuses

Et en nous s'abolirent et la mémoire et le temps.
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CÓRDOBA LEJANA Y SOLA
- poème de Ruy BELO

Dans cette ville où nous fumes jeunes
nous cueillons aujourd'hui sur la place
des rayons du dernier soleil
Quel est l'enfant qui oserait encore
naître du fond de nos yeux ?
Aujourd'hui la rue entrerait-elle encore chez nous
comme lorsque tous les retours étaient possibles ?
Déjà dans notre bouche le soir va s'éteignant
Dans pays avons-nous entendu ces sons tomber ?
Il est bien loin le temps où nous nous avancions
au plus près des oiseaux
Les yeux nous promettaient de futures étoiles
tous les couchants venaient nous mourir au visage
Maintenant la nuit seule la nuit viendra
étendre une pelisse pour couvrir notre agitation
Et ta parole planera c'est certain sur notre âme
comme une feuille de platane banale dans le soir
Ce ciel passera et alors
ton rire descendra des sommets sur les fleuves
pour trouver son delta dans notre cœur.


Pages 188-189
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MER

1

Parmi tous les lieux du monde
J'aime de l'amour le plus fort et le plus profond
Cette plage extasiée et nue,
Où je me fonds à la mer, au vent et à la lune.

2

Je sens la terre les arbres et le vent
Que le printemps gonfle de parfums
Mais en eux je ne désire je ne recherche
Que l'exhalaison sauvage de la houle
Montant vers les autres comme un cri pur.

Sophia de Mello Breyner Andresen
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Le jeune Pessoa applique à, l'introspection la méthode policière qu'il admire tant chez Poe et Conan Doyle.Il traque la vérité de son être comme s'il était un autre ; y compris cette tendance policière elle-même. "Si j'était né en Espagne il y a quatre siècles, j'(aurais fait, j'en ai peur, un excellent inquisiteur."
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Je ne peux remettre l’amour à un autre siècle…


Je ne peux remettre l’amour à un autre siècle
je ne peux pas
même si le cri s’étrangle dans ma gorge
même si la haine éclate crépite brûle
sous des montagnes grises
et des montagnes grises

Je ne peux ajourner cette étreinte
qui est une arme au double tranchant
d’amour et de haine

Je ne peux rien ajourner
même si la nuit pèse des siècles sur mes épaules
même si tarde l’aurore indécise
je ne peux remettre ma vie à un autre siècle
ni mon amour
ni mon cri de libération

Non je ne peux ajourner le cœur


//António Ramos Rosa (1924 – 2013)

/Traduit du portugais par Michel Chandeigne
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Il est des mots...

Il est des mots dont les baisers
Nous font penser qu’ils ont des lèvres,
Ces mots sont d’amour, ou d’espoir,
D’immense amour, d’espoir sans trêve.

Ces mots sont nus et ils embrassent
Lorsque la nuit perd son visage,
Ces mots sont nus et se refusent
Aux murs de ta déconvenue.

Des mots soudain hauts en couleur
Au milieu d’autres sans saveur,
Des mots épées, inespérés
Tels la poésie ou l’amour.

(Voilà le nom de qui l’on aime
lettre à lettre tout dévoilé
sur un bout de marbre distrait,
ou de papier abandonné.)

ce sont des mots qui nous transportent
là où la nuit est la plus forte,
jusqu’au silence des amants
qui s’étreignent contre la mort.

Alexandre O'Neill
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Le poids du monde



extrait 3

Mais l’amour se charge lui aussi du poids du monde. Et les mots
avec lesquels nous nous séparons, avant que je le soulève à
     nouveau
et t’abandonne à ta légèreté, apportent déjà l’écho des choses
que j’ai jetées au fond de l’appartement, où je ne veux pas que
     tu ailles,
pour que tu n’aies pas à porter, toi aussi, le poids du monde.


// Nuno Júdice (1949 -)

/Traduction du portugais par Michel Chandeigne
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BIOGRAPHIE

J'ai eu des amis qui mouraient, des amis qui partaient
D'autres qui brisaient leur visage contre le temps.
J'ai haï ce qui était facile
Je me suis cherchée dans la lumière, dans la mer, dans
le vent.

Sophia de Mello Breyner Andresen
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Requiem
  
  
  
  
Il y a des morts qui tardent à mourir.
Inutile de les enterrer ils reviennent
s’attardent parfois dans une ombre
sur un bras de fauteuil ou le bord ébréché
d’une tasse. Ou alors ils se cachent
dans des petites boîtes sur les tables.
Il y a des objets qu’ils habitent encore
et sont comme le visage transfiguré des absents
leur marque dans la maison et dans l’éphémère.

C’est pourquoi il est si dur de retirer l’assiette et le couvert
ranger les habits défaire
le lit. Il y a des morts
qui jamais plus ne s’en vont.
Il y a des morts qui ne cessent de faire mal.


// Manuel Alegre (1936 -)

/ Traduit du portugais par Michel Chandeigne
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Lettre de la passion



Extrait 4

Et le vaste lieu anatomique où tu palpites comme un drap labouré.
Vorace est la passion, le silence
se nourrit
fixement d’un miel empoisonné. Et toute
je t’écris
dans la comète qui étreint tes hanches comme un baiser.
Les jours concaves, les chambres baignées, les nuits qui croissent
dans les chambres.
Le paysage naissant est d’or : je le tors
entre mes bras. Il y a des linges vivants, l’éclair
immobile des fruits. L’incendie derrière les nuits ouvre
par le milieu
l’étreinte de notre mort. L’assise des visages
vaguement fous
engouffrés, entre les mains somptueuses.
Douceur assassine.
Bouillonnement lumineux.
Haute est la terre.
Tu es le nœud de sang qui m’étouffe.
Tu dors dans mon insomnie comme l’arôme entre les tendons
du bois froid. Tu es une lame qui perce ma
vie secrète. Et tels des étoiles
doubles
consanguines, de l’un à l’autre nous luisons
dans les ténèbres.


// Herberto Helder (1930 – 2015)

/ Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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Lieu



1 / A

Une nuit je trouvai une pierre
pierre, oh pierre !
verte ou bleue, sur le côté, comme morte.
Je trouvai la nuit semblable à une pierre penchée
sur mon corps
pur, de la profondeur d’une cloche.
Je vis en moi une pensée
innocente, une pierre
quand on vient la nuit par son versant
désert.
Ou bien était-ce la cloche d’un silence plus
vaste, à venir, d’un
silence si vaste qu’on ne saurait l’habiter que par gestes.
Je pourrais me hisser sur la pointe
des pieds et rester là à jamais : flamme
que la nuit viendrait nourrir de sa
propre substance ardente. Nuit –
– ce bois pout notre légèreté d’homme. Je trouvai
une chose tombée, mûre peut-être, enterrée
à demi.
Une de ces choses issues de l’immobile, objet
que le sommeil façonne,
où doucement je passais des doigts transis d’effroi.



//Herberto Helder (1930 -2015)

/Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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Lettre de la passion



Extrait 3

L’ample désordre des images,
te brûle. Et travaille en toi
le soupir du sang courbe, un aliment
violent plein
d’une lumière entrelacée à la terre. Les mains charrient la force
depuis la racine
des bras, la force
manie les doigts dans l’écriture de l’âge, une flamme
fermée, la blessure
limpide qui me traverse depuis cette légèreté qui t’appartient
comme une danse sombre jusqu’au
pouvoir dont je te touche. Le changement. Nulle
saison qui soit lente quand tu t’agrandis dans le désordre, nul
astre
aussi féroce qui s’empare du lit entier. Les pores
de ton vêtement.
Les mots qu’en courant je trace
dans la limaille. Ta bouche : un trou lumineux,
artériel….


// Herberto Helder (1930 – 2015)

/ Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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L'AMI PERDU

L'ami perdu croit voir sur le Tage
une mer de flots calmes, s'efforce d'oublier
l'importance qu'il a donnée à certains gestes et paroles,
la nappe sombre qui recouvre ce côté du port
n'est plus le vert que j'avais derrière les collines.
En leur sein il n'avait jamais craint la nuit et les coups
sur la peau étaient pures feintes, une encre
de chine faisant un dessin de villages.
L'ami perdu n'a pas de nom, il a une histoire
mais ce n'est pas moi qui la raconte. Car je n'ai eu
que de brèves admirations ou des phrases d'assentiment
dans des escaliers pressés, dans les rues
de la ville, avec la peur de dévoiler mes
secrets. L'ami perdu pense qu'il me voit
coller des enveloppes, conserver des chagrins.
Sur le mur il y a une mer aux flots calmes, je viens
du fleuve, foule des dattes qui éclatent sous les pieds.

Helder Moura Pereira
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Lieu



3/ D

Amour, éloigne de moi toute mélancolie.
Que des fleurs mûries éclatent et pourrissent
doucement dans l’air.
Vous, douceur, folie, prenez-moi,
et que le monde ensuite soit plein de vieilles villes
consumant dans le noir leur longue, sanglante
innocence.
J’espère susciter en moi la plus vive
passion, l’intelligence la plus pure,
– Car les femmes penseront des feuilles sans nombre
dans les champs.
Elles penseront la nuit humide,
le jour en son plus rayonnant éclat.



//Herberto Helder (1930 -2015)

/Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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Lieu



1 / E

                       Je trouvai
une bête dans son sommeil, une fleur fascinée,
une guitare farouchement taciturne.
Jaune seulement si je levais la tête, ou
tellement obscure dans l’expansion de l’enfance.
Je trouvai une pierre verte enfoncée dans notre monde
à tous, au seuil de la candeur,
et que ce bleu de la terre en elle rendait si admirable.
Une chose incomprise à l’instant
où mourir est devant soi.



//Herberto Helder (1930 -2015)

/Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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Lieu



1 / D

Elle était verte dans la nuit, quand on vient de loin,
ou bleue, ou bien verte encore par le miracle
qui n’est pas. A moins qu’elle n’eût
cette clarté qu’on voit à certaines fleurs fléchies.
Qu’elle ne fût haute, foulée, décapitée
au milieu du silence où tout est plongé.
En moi je trouvai cette clairière broussailleuse dans la sève,
comme si raisonnait un puits lointain,
ou comme
si, les jours ayant rapproché mon âge
éclatant,
je m’étais tu ou bien avait tourné mon visage béant
à la lumière pour la violence abstraite
de la solitude.



//Herberto Helder (1930 -2015)

/Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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Lettre de la passion



Extrait 1

Cette main qui trace l’ardente mélancolie
de l’âge
est aussi celle qui serpente aux sources de la tête,
qui ouverte à l’image du monde entre
les deux tempes
attise le cœur somptueux. La démence sillonne
sa brûlure des recoins de noirceur

se forment
les saisons jusqu’au faîte,
dans les soies qui glissent avec la largeur
fluviale
de la lumière et son écume, ou de la nuit et ses nébuleuses
et le silence tout blanc.
Les doigts...


// Herberto Helder (1930 – 2015)

/ Traduit du portugais par Magali et Max de Carvalho
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